Comment une petite boutique d’informatique a pu devenir un studio reconnu dans tout le Japon et accoucher d’un jeu qui redéfinira les codes du RPG ? Pour répondre à cette question, retour en 1983 pour découvrir les origines de Square et de ses créateurs.

 

Né en 1957, Masafumi Miyamoto sait son avenir tout tracé. Il est le fils de Kuniichi Miyamoto, le dirigeant de la société de construction de lignes à haute tension Den-Yu-Sha, voué à prendre la relève de son père. Mais le jeune Masafumi rejette ce destin, il veut se construire seul. Et lorsqu’il ressort diplômé de l’université de Waseda, l’une des meilleures écoles privées de Tokyo, il se met à la recherche d’un secteur porteur. Après avoir envisagé le prêt-à-porter féminin, il s’intéresse finalement au jeu vidéo, alors en plein essor. L’homme n’y connaît pas grand-chose mais décide d’aborder ce marché avec une approche d’homme d’affaires. C’est donc dans l’unique but de gagner de l’argent que Masafumi Miyamoto fonde en octobre 1983 Square, en tant que division de la Den-Yu-Sha, à Yokohama.

 

L'Histoire de Final Fantasy - Partie 1 : La naissance de Square

 

À l’époque, les jeux vidéo sont conçus par un programmeur seul qui s’occupe de tous les aspects (scénario, musique, gameplay…). Les ordinateurs étant assez basiques, la tâche n’était pas bien compliquée pour peu que l’on s’y intéressait. Cependant aux yeux de Miyamoto, ce serait une erreur d’appliquer la même méthode avec Square. Pour lui, les ordinateurs allaient évoluer très rapidement et il deviendrait de plus en plus complexe pour une seule personne de gérer tout le processus créatif. Il veut que son entreprise se démarque des autres et, des années avant que cela ne devienne la norme, décide d’embaucher des graphistes, scénaristes et programmeurs. Et il a un plan pour les trouver.

 

Premières recrues

 

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Hisashi Suzuki

À ses débuts, Square est une simple boutique d’informatique permettant de louer des ordinateurs à l’heure. Le but est de faire rentrer quelques Yens dans la caisse mais surtout de repérer d’éventuels talents à recruter. Outre ses tarifs attractifs, le placement de la boutique n’est pas anodin puisqu’elle est située à proximité de l’université de Keio à Yokohama, l’une des meilleures de la ville. Les prix bas et le bouche-à-oreilles attirent de plus en plus d’étudiants et Miyamoto embauche à temps partiel son premier employé, Hisashi Suzuki. Encore étudiant, Suzuki n’est pas forcément à l’aise avec la programmation mais s’avère en revanche plutôt bon en gestion administrative. Miyamoto le nommera donc vice-président de Square et le chargera de recruter d’autres personnes. Suzuki poste alors une offre d’emploi dans un magazine de petites annonces et attend…

 

 

Hironobu Sakaguchi a toujours rêvé de devenir musicien. Enfant, il a appris à jouer de nombreux instruments dont la guitare. Sa passion a même failli le faire renvoyer de l’école alors qu’il vendait des billets pour ses concerts. Malgré cet amour pour la musique, Sakaguchi s’inscrit au département de sciences électriques et informatiques de l’université nationale de Yokohama. Peu intéressé par ses études, il préfère dépenser son argent dans les pachinkos et aller au cinéma. Jusqu’au jour où, devant l’insistance de son ami Hiromichi Tanaka, il s’essaye aux jeux vidéo. Véritable révélation pour le jeune homme qui découvre que ces jeux peuvent proposer une vraie histoire et raconter quelque chose. Dès lors, il s’achète une copie d’un Apple II (l’original coûtant trop cher) et se plonge à corps perdu dans les RPG occidentaux, notamment Wizardy (Sorcellerie chez nous) et Ultima. Sa passion grandit de plus en plus et il commence à s’intéresser à la programmation. Il bidouille dans le code d’Ultima pour se donner de l’argent infini, décortique ses disquettes de jeu pour voir comment elles fonctionnent… Si bien qu’il comprend de mieux en mieux le code. Au point de se dire qu’il pourrait lui aussi faire des jeux. Lorsqu’il tombe sur l’offre d’emploi de Square, il se dit que ce serait un petit boulot qui lui permettrait de s’acheter de nouveaux jeux tout en améliorant ses compétences en programmation. Après un entretien très décontracté avec Hisashi Suzuki, Hironobu Sakaguchi rejoint Square en temps partiel.

 

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Hironobu Sakaguchi (sans moustache !) et Hiromichi Tanaka

 

Sakaguchi fait embaucher son ami Hiromichi Tanaka puis se met au travail sur son premier projet, une adaptation d’un jeu TV. Seul souci, Miyamoto n’a pas acheté les droits d’exploitation et le développement sera stoppé net lorsque la boîte de production découvrira ce qu’ils préparaient. Suite à cela, Sakaguchi et son compère Tanaka sortent en octobre 1984 le premier jeu sur micro-ordinateur de Square : The Death Trap. Présentée comme une fiction interactive, The Death Trap est un jeu d’aventure textuelle vous mettant dans la peau d’un agent spécial devant infiltrer une île en pleine Guerre Froide pour sauver un médecin. Metal Gear Solid 14 ans avant ! Si le jeu ne brille pas forcément pour son scénario, ses illustrations et la présence d’une carte à l’écran marquent les esprits. Petit succès vendu à 500 000 exemplaires, il aura le droit à une suite du nom de Will : The Death Trap II l’année suivante. Mettant toujours en scène l’agent Benson mais dans un contexte plus futuriste, le titre sera un échec avec « seulement » 100 000 ex. vendus. Suite à ces jeux, Square remanie son fonctionnement interne en créant deux équipes : l’équipe A dirigée par Sakaguchi et l’équipe B confiée à Tanaka.

 

The Death Trap
The Death Trap
Will : The Death Trap II
Will : The Death Trap II

 

A new challenger approaching

 

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Hiroshi Yamauchi en 1955

Le 23 septembre 1889, Fusajiro Yamauchi crée une petite entreprise destinée à vendre ses Hanafuda, des cartes à jouer, faites main : Nintendo Koppaï. Le succès est au rendez-vous, à tel point même qu’il fabrique également des cartes à jouer occidentales et commence à en exporter à l’étranger. La société continue de grossir et connaît un succès retentissant avec ses cartes en plastique en 1953. Un succès qui permettra à Hiroshi Yamauchi, nouveau président de Nintendo et arrière petit-fils de Fusajiro, de signer un contrat avec Disney pour exploiter ses personnages. Voyant cependant les limites du secteur de la vente de cartes, Yamauchi tente de diversifier les activités de l’entreprise : compagnie de taxi, love hotels et même vente de portions de riz individuelles. Toutes ces tentatives seront des échecs et, face au déclin de la vente de cartes, l’entreprise enregistre de lourdes pertes.

 

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Les débuts de Nintendo

 

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Gunpei Yokoi

Le salut de Nintendo viendra d’un homme embauché en 1965 : Gunpei Yokoi. Affecté à la maintenance de la chaîne de montage, travail qui sous-exploite grandement ses capacités, l’homme s’ennuie. Alors il commence à bricoler pendant ses heures de boulot. Il faut dire qu’il a toujours aimé bidouiller, il aurait même conçu un lecteur cassettes pour son autoradio des années avant que ce ne soit commercialisé. Lorsque son patron découvre ses inventions, il ne le renvoie pas mais le charge de concevoir un jouet destiné à être commercialisé. En 1967, l’Ultra Hand, une sorte de main télescopique, sort au Japon et fait un carton chez les plus jeunes. Yokoi est promu chef du département Jeux nouvellement créé et inventera nombre de jouets dont la plupart seront des succès.

 

Les choses s’accélèrent à la fin des années 1960 lorsque Nintendo commence à inclure de l’électronique dans ses jouets. Tout d’abord avec le Love Tester, un appareil sensé révéler l’amour entre deux personnes, sorti en 1969. En 1970, arrivent les Light Gun BeamKosenjû SP au Japon -, des pistolets utilisant la technologie de l’optoélectronique. C’est encore une fois une réussite. Suivront alors le Laser Clay Shooting System (1973), la collaboration avec Magnavox pour distribuer l’Odyssey (1975) et enfin en juin 1977 la première console du constructeur : la Color-TV-Game 15, accompagnée du modèle Color TV-Game 6, une version plus abordable mais offrant moins de jeux ( six contre quinze). Rudimentaire et ne proposant qu’un seul type de jeu – une sorte de Pong – décliné sous plusieurs versions, la console se vend très bien et encouragera la compagnie a poursuivre son activité dans cette voie. L’explosion de Nintendo en tant que fabricant de consoles de jeux arrivera en 1980 avec la sortie des célèbres Game and Watch conçus par Gunpei Yokoi. L’année suivante, les bornes d’arcade accueillent Donkey Kong dont le succès retentissant donne des ailes à Yamauchi qui ouvre la filiale Nintendo of America en 1982.

 

 

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Au même moment, le jeu vidéo connaît sa première crise due à une saturation du marché. Trop de jeux de piètre qualité auront fini par fatiguer les acheteurs. Le symbole de cette déchéance sera le mythique E.T. sorti sur Atari 2600, dont le stock d’invendus sera enterré dans une décharge du Nouveau-Mexique. Ce krach du secteur causera la disparition de nombreux acteurs laissant ainsi une voie royale pour Nintendo qui sort sa Famicom en 1983 au Japon puis en 1985 aux États-Unis sous le nom de Nintendo Entertainment System (NES). Le marché des consoles est alors largement dominé par Nintendo qui devient incontournable pour de nombreux développeurs. Mais pas pour Square.

 

Renforcement d’équipe

 

Pour les créatifs de Square, l’arrivée de Nintendo et sa Famicom est perçue comme un événement mineur. À leurs yeux, ce n’est qu’un gadget à destination des enfants produit par un marchand de jouets. La console n’a donc pas grand intérêt pour eux qui développent surtout sur PC à destination des adultes. Par principe, Miyamoto signera tout de même avec Nintendo pour obtenir une licence mais Square n’en fera rien pendant plus d’un an si l’on excepte son rôle d’éditeur pour Thexder (développé par Game Arts) en 1985. Ce retard à l’allumage sera justifié en interview par Hisashi Suzuki qui déclarait que Square avait peur que ses RPG fassent pâle figure face aux jeux d’action qui pullulaient à l’époque sur la NES. Si l’argument est valable, on peut aussi supposer que les développeurs ont eu besoin de temps pour dompter l’architecture de la console et rester à la pointe technologique qui avait fait leur renommée sur PC.

 

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Akitoshi Kawazu

Square ne reste toutefois pas inactif durant cette période et poursuit ses recrutements. Deux hommes très importants vont d’ailleurs rejoindre la société. Le premier est Akitoshi Kawazu. Ancien journaliste du magazine Beep, il a acquis quelques contacts dans le milieu du jeu vidéo grâce à ses articles. Il a failli travailler pour Sony mais des circonstances familiales l’obligeront à refuser l’offre… Fan absolu de jeux de rôle papier et de wargames, il tente sa chance chez Square après avoir aperçu une publicité pour Suisho no Dragon, un futur jeu d’aventure. Malgré sa candidature tardive – la période de recrutement de Square étant terminée – il sera reçu en entretien par Hiromichi Tanaka puis obtiendra un deuxième rendez-vous face à Hironobu Sakaguchi. Kawazu deviendra employé à temps partiel dans la foulée. Nul doute que sa passion pour Ultima et Wizardry l’aura aidé à obtenir une place malgré sa méconnaissance de la programmation.

 

 

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Nobuo Uematsu

La deuxième recrue de Square n’est autre que Nobuo Uematsu. Ce musicien autodidacte – il a appris à jouer du piano seul à l’âge de 12 ans – a toujours voulu faire de la musique comme son idole Elton John. Après des études réussies à l’université de Kanagawa, où son père l’avait envoyé dans l’espoir de faire de lui un médecin ou un avocat, le jeune Nobuo renonce à son autre rêve – devenir lutteur professionnel – pour consacrer sa vie à la musique. Mais les temps sont durs et il ne compose que pour quelques pubs radiophoniques et films pornographiques. Pas de quoi gagner sa vie. En parallèle, Uematsu travaille dans une boutique de location de cassettes audio et passe ses soirées à refaire le monde avec d’autres artistes et créatifs. C’est au cours de l’une de ces réunions qu’il croise une personne travaillant chez Square qui lui conseille de tenter sa chance là-bas. Le métier de compositeur n’existant pas dans le secteur du jeu vidéo, Nobuo Uematsu postule sans trop y croire et se retrouve embauché en freelance.

 

En parallèle, Square continue de développer essentiellement pour le PC. En Avril 1986, sort Cruise Chaser Blassty. Il s’agit d’un jeu d’aventure se déroulant à la première personne et vous plaçant aux commandes d’un mécha (pensez à un Gundam). L’un de ses points forts est la présence d’animations très impressionnantes durant les combats, là où les autres RPG de l’époque étaient statiques. Cependant, la grande répétitivité des saynètes et l’exploration monotone en font un jeu un peu ennuyeux. Et ce malgré la contribution d’Uematsu à la bande-son. Le titre connaîtra tout de même un petit succès et aura le droit à une adaptation en manga. Blassty ne sera pas oublié puisque l’on retrouvera un boss portant ce nom dans Final Fantasy XIV ainsi qu’une invocation au design très similaire dans Final Fantasy IX, Arkh.

 

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Cruise Chaser Blassty et ses réapparitions dans FF IX et XIV

 

Square se porte donc plutôt bien mais Masafumi Miyamoto va faire une erreur qui mettra les finances de sa société à mal…

 

Un déménagement pour l’image

 

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Kazuko Shibuya

1986, c’est aussi l’année où Square se détache de la Den-Yu-Sha pour devenir Square Co. Ltd. Plusieurs collaborateurs de longue date passent donc à temps complet parmi lesquels Hironobu Sakaguchi, qui devient directeur planning et développement, et Hiromichi Tanaka. Sakaguchi profite de son nouveau statut pour embaucher à temps complet Nobuo Uematsu sur… un trottoir. Il a croisé le musicien en pleine rue, lui a demandé si ça l’intéressait de travailler pour Square de manière plus intensive et c’est tout. Si l’anecdote fait sourire, elle est aussi le parfait exemple de l’ambiance très détendue qui régnait au sein de la compagnie. Trop détendue aux yeux du président Miyamoto qui n’aime pas cette impression d’amateurisme que renvoie sa société. Il décide donc de déménager les locaux dans le quartier de Ginza à Tokyo. Un quartier très chic mais aussi très cher. Pour limiter le loyer, Miyamoto opte pour un petit studio. Tellement petit que Kazuko Shibuya se souvient d’un minuscule bureau sur lequel toute l’équipe était entassée. Cette nouvelle venue est une étudiante à mi-temps qui a travaillé dans l’animation – notamment sur les séries Area 88 et Transformers -. Lassée par ce milieu, elle rejoint Square pour illustrer le livret d’Alpha, un jeu d’aventure un peu érotique sur les bords développé par l’équipe Tanaka. Info amusante, Kazuko Shibuya n’a jamais joué à un jeu vidéo de sa vie !

 

La période Ginza est difficile pour Square. L’argent gagné sur les ventes de jeux paye à peine le loyer et les succès se font plus rares. Il faut dire que le boom de la NES pousse les développeurs à sortir le plus de jeux possible pour surfer sur le succès de la console. Quitte à revoir la qualité à la baisse comme en témoigne le très moyen King’s Knight… Moins d’un an après ce déménagement, la situation devient trop compliquée financièrement et Miyamoto fait marche arrière. Il licencie la moitié de ses employés et installe son entreprise dans des locaux miteux du quartier Ueno de Tokyo. L’ambiance n’est donc pas à la fête chez Square d’autant plus qu’un certain studio Enix vient de sortir un RPG qui rencontre un succès énorme sur la NES : Dragon Quest.

 

L’éveil du dragon

 

Après avoir tenté de percer dans la vente de sushis à emporter, Enix s’est finalement tourné vers l’informatique et les jeux vidéo. Mais bien vite le PDG Yasuhiro Fukushima s’est retrouvé dans une situation similaire à celle de Masafumi Miyamoto : pour faire des jeux, il faut des créatifs qui s’y connaissent. La compagnie lance alors un concours avec un prix d’un million de yens à la clé. C’est à ce moment qu’entre en scène Yuji Horii, journaliste au Shonen Jump. Venu dans les locaux d’Enix pour un reportage, l’homme s’inscrit à la compétition et débute ainsi sa collaboration avec le studio. Horii s’entend très bien avec un autre participant du concours, un certain Koichi Nakamura, futur fondateur de Chunsoft. Les deux hommes sont passionnés de RPG sur ordinateurs et très vite, ils décident d’en faire un sur NES. Une fois de plus, ce sont Wizardry et Ultima qui sont pris comme modèles et Dragon Quest sera pensé comme une combinaison du meilleur des deux mondes. Si rendre accessible le RPG au commun des mortels est déjà un bon argument de vente, Dragon Quest bénéficiera en plus de l’immense talent d’Akira Toriyama – l’auteur de Dragon Ball grâce aux relations d’Horii. Les ingrédients sont donc réunis pour toucher un large public et c’est près de 1,5 millions d’exemplaires qui seront vendus.

 

Le premier Dragon Quest
Le premier Dragon Quest
Yuji Horii
Yuji Horii
Akira Toriyama
Akira Toriyama

 

Cette incroyable réussite va faire réagir chez Square et, pendant des semaines, le jeu sera trituré dans tous les sens pour essayer de comprendre le succès de Dragon Quest. De quoi donner envie à l’équipe de réaliser sa propre réponse à Enix. La création de Final Fantasy approche mais quelques protagonistes importants manquent encore à l’appel…

 

Le génie de la programmation

 

Nasir Gebelli. Un nom inconnu du grand public mais pourtant tellement important dans l’histoire de Final Fantasy. Extrêmement rare dans les médias, son parcours est assez peu détaillé et ses interviews se comptent sur les doigts d’une main. Il est pourtant considéré comme l’un des meilleurs programmeurs de sa génération et a servi de modèle à de nombreux noms du milieu comme John Romero (DOOM). Mais qui est ce génie si discret ? Et comment s’est-il retrouvé au Japon pour travailler avec Square ?

 

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Nasir Gebelli

 

Seyed Nasir Gebelli est né en Iran en 1957. Il immigre aux États-Unis pour suivre des études en informatique à l’UC Davis de Sacramento en Californie. Après avoir testé différents matériels, son choix se tourne vers l’Apple II, seul ordinateur capable selon lui de retranscrire quasi-instantanément le code en jeu. Très rapidement, Gebelli programme un utilitaire de dessin, EZ-DRAW. Il le présente à Terry Bradley, gérant d’un Computerland, une chaîne de magasins dédiés à l’informatique. Le résultat est tellement impressionnant que Bradley et son associé, Jerry Jewell, décident de se lancer dans la création de jeux vidéo. Ils fondent alors Sirius Software et engagent Gebelli comme indépendant. La carrière du génie vient de commencer. Capable d’enchaîner des heures de travail sans s’arrêter, il gardait tout le programme des jeux sur lesquels il travaillait en mémoire. Pas de notes, de sauvegardes ou quelconques autres traces ! Une méthode de travail qui l’obligeait à coder vite sous peine de tout oublier. En 1981, il développera pas moins de neuf jeux et sera l’un des pionniers en matière de 3D. Tous seront de vrais succès et contribueront à la renommée de celui qui signe ses œuvres d’un « By Nasir ». En juillet 82, il décide de voler de ses propres ailes et fonde Gebelli Software Inc. Malheureusement programmer et gérer une entreprise sont deux activités bien différentes et la toute jeune société mettra clef sous la porte après quelques mois. Nasir Gebelli disparaîtra alors de la circulation pour voyager à travers le monde…

 

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Gorgon, l’un des plus gros hit de Nasir Gebelli

Notre homme fera son retour en 1986 et découvrira que le marché a bien changé. Le krach étant passé par-là, c’est désormais le Japon qui fait office d’Eldorado pour le jeu vidéo et la NES y règne en maître. Suite aux conseils d’un ami, il commence par approcher Nintendo et rencontre Shigeru Miyamoto alors en visite aux USA. La société japonaise ne s’intéressant pas encore à la 3D – elle ne le fera que des années plus tard avec la sortie de Starwing en 1993 – Gebelli essuie un refus. Alors qu’il déambule dans les allées du CES, un salon dédié aux innovations technologiques et électroniques situé à Las Vegas, il croise Masafumi Miyamoto. Le courant passe bien entre les deux hommes et Miyamoto parvient à convaincre le programmeur de rejoindre sa société en lui promettant un statut d’indépendant et un logement digne d’un manoir. Nasir Gebelli fait donc ses valises pour le Pays du Soleil Levant mais déchante bien vite lorsqu’il s’aperçoit que son « manoir » est une simple chambre… Heureusement la compagnie fera vite le nécessaire pour le reloger et les équipes lui réserveront un très bon accueil. Surtout Hironobu Sakaguchi qui est un grand fan du travail de Gebelli. Les deux hommes s’entendent très bien, se comprennent et c’est tout naturellement qu’ils travailleront ensemble.

 

Fighting Fantasy

 

L'Histoire de Final Fantasy - Partie 1 : La naissance de Square
Koichi Ishii

Afin de s’approprier les talents de Gebelli, et montrer à l’industrie ce dont Square est capable, des projets de jeux inspirés par les succès de l’arcade sont lancés. Sous la houlette de Sakaguchi, sortent alors 3-D WorldRunner, ersatz de Space Harrier, et Rad Racer, très inspiré par Out Run. Si les jeux sont des réussites techniques, la critique se montrera sévère et les ventes seront décevantes. Au point qu’Hironobu Sakaguchi commence à remettre en question sa carrière dans le domaine du jeu vidéo. Doutant de son talent, il tente le tout pour le tout et demande à son président l’autorisation de créer un RPG. Dragon Quest ayant montré la voie, il obtient la bénédiction de Miyamoto. Cependant à cause de sa mauvaise réputation de chef exigeant aux jeux ne se vendant pas, Sakaguchi ne parvient pas à attirer beaucoup de monde sur son projet Fighting Fantasy. Le développement démarre donc avec Nasir Gebelli, Nobuo Uematsu, Kazuko Shibuya et Akitoshi Kawazu. Comme cela fait peu de monde, Sakaguchi recrute en plus Koichi Ishii qui s’avérera d’une importance capitale pour la suite. Décrit comme « un homme au look de voyou passant son temps à dessiner des choses mignonnes », Koichi Ishii sera chargé de réfléchir aux bases de Fighting Fantasy pendant que le reste de l’équipe est en vacances. À partir des idées de base fournies par son chef, il va structurer le concept et la mythologie du jeu autour des cristaux élémentaires et poser les grandes lignes du gameplay. C’est lui qui va définir le design général, proposer la vue de côté pour les combats ou encore recommander de faire appel à Yoshitaka Amano, chose que refusera dans un premier temps Sakaguchi avant de changer d’avis après avoir vu des illustrations de l’artiste dans un magazine.

 

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L’équipe de Sakaguchi peu avant le début du développement de Final Fantasy

 

Tous les acteurs sont en place mais il reste un dernier point à régler : le nom du futur jeu. Initialement, il s’appelait Fighting Fantasy car Sakaguchi désirait l’abréviation « FF ». Mais un problème survient : une série de livres dont vous êtes le héros porte ce nom. Le titre sera donc modifié en Final Fantasy mais n’importe quel mot commençant par F aurait pu convenir… Imaginez ce qu’aurait donné Fluffy Fantasy ou Future Fantasy ! Cette anecdote permet de définitivement enterrer la légende voulant que le terme « Final » ait été choisi car il s’agissait de la dernière chance de Square. Si Sakaguchi songeait effectivement à quitter le domaine du jeu vidéo en cas d’échec, la société avait assez de fonds pour continuer son activité quelques temps. Ce changement d’identité étant acté, place à Final Fantasy !

 

La suite dans la partie 2 : Final Fantasy !



SOURCES:

– La Légende de Final Fantasy I- II – III – Third Editions

 

– https://ludostrie.com


– https://finalfantasy.fandom.com/wiki/Final_Fantasy_Wiki


– https://shmuplations.com

 

– https://gonintendo.com/stories/276601-blast-from-the-past-20-minute-interview-with-nasir-gebelli-a-f?page=1

 

– https://na.finalfantasy.com