Entre 1994 et 1997 de très nombreux jeux ont été réalisés par Squaresoft, c’est d’ailleurs toujours très impressionnant de se rendre compte du nombre de titres qui pouvaient être réalisés par an à cette époque, comparé aux délais d’aujourd’hui.

Parmi eux, j’aimerais vous parler de Bahamut Lagoon sorti le 9 février 1996 uniquement au Japon.

 

Bahamut Lagoon

 

L’histoire

 

A la plume et aux événements, ce n’est autre que Motomu Toriyama qui effectue son premier travail chez Squaresoft (sous la direction de Kazushige Nojima). Le nom peut vous parler puisque dans la foulée il eu le même rôle sur un autre petit titre : Final Fantasy VII, il travaille également à la direction des événements du X, X-2, XII, XIII, XIII-2 et même encore très récemment sur FF7 Remake & Rebirth.


Bahamut Lagoon
Capitaine Byuu, un air de déjà vu non ?

Le titre se déroule dans l’univers d’Orelus, un monde aérien constitué d’un nombre important d’ilots flottants dans les airs et parfois regroupés sous la bannière d’un royaume.

Vous incarnez principalement Byuu, capitaine de la garde royale du royaume de Kana et fiancé de la princesse Yoyo. La garde royale de Kana a la particularité de se déplacer et combattre à l’aide d’un escadron de dragons car Kana serait le berceau de la race de cette espèce.

Au début de l’histoire, on assistera à la chute de Kana dont le souverain sera assassiné sous vos yeux par Sauzer, l’empereur de Granbelos qui cherche à déclencher le réveil du dragon sacré Bahamut censé protéger le royaume, l’éveil n’aura pas lieu et Sauzer va de plus capturer votre bien-aimée.

Byuu va donc partir en exil pour entrainer ses dragons et revenir quelques mois plus tard à la tête de la résistance contre Sauzer et son empire.


Bahamut Lagoon
Le jeu dispose de quelques séquences d’animation.

 

Bien que l’histoire peut parfois perdre un peu de cohérence en chemin, l’écriture est de qualité. On a une aventure prenante et parfois bouleversante, avec des retournements de situation inattendus et des thèmes peu traités, encore aujourd’hui, dans les JRPG. Je ne vous spoil pas, mais la vie ne sera pas un long fleuve tranquille pour Byuu.

Dans une interview dans le Dengeki SFC magazine, Sasaki Hitoshi (le designer) indique qu’ils se sont inspirés d’événements tirés de leurs vies privées pour donner de la consistance au titre (tel que la trahison…). On peut souligner qu’il est peu courant d’avoir une romance présente entre deux personnages principaux dès le début et croyez bien que le jeu n’en restera pas là. C’est un plaisir à suivre et à aucun moment vous n’aurez envie de passer les dialogues.

 

Bahamut Lagoon
Le design est extrêmement réussi.

 

La construction du titre

 

La conception de Bahamut Lagoon et l’image qu’il a en interne est que le titre est une « expérience étrange » au sein du studio, dans l’interview citée ci-dessus, on découvre que le style « RPG » n’était même pas forcément décidé au début du développement.

Le jeu alterne entre des phases d’exploration (on ne parle pas de donjon ici, mais de deux à trois écrans à parcourir, discuter avec les PNJ, faire des achats, nourrir vos dragons…) et des phases de combat. Il n’y a donc aucune rencontre aléatoire dans Bahamut Lagoon mais une alternance de scénettes d’exploration puis de batailles à la manière d’un Tactics Ogre publié l’année précédente par Enix.

Le titre a la particularité d’utiliser un effet de « filtre » en transparence par dessus l’écran principal pour ajouter des effets d’ambiance ou indiquer les changements de phases de combat sans perdre l’affichage du terrain.

 

Bahamut Lagoon
Un filtre d’éclairage (à droite et gauche)
Bahamut Lagoon
Un filtre de brume pour représenter les nuages (en haut et en bas)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les combats

 

Bahamut Lagoon
Délimitation du déplacement de Byuu

Les affrontements prennent la forme d’un tactical RPG, on évolue sur un terrain délimité par des cases sur lequel on dirige nos différents groupes d’unités. Selon les missions, on va diriger de 4 à 6 groupes de 4 personnages sur le « terrain ». Ces groupes d’unités ont la possibilité de : d’utiliser des actions de terrains (comme lancer un sort offensif, un sort de soin, etc) à distance (et donc ne déclenchant pas de contre-attaque), utiliser des objets, ou attaquer une unité ennemie au corps à corps. Le déclenchement des assauts au corps à corps fait basculer le titre en « mode RPG », le temps d’un tour de jeu où chaque personnage de l’unité va attaquer les personnages de l’unité ciblée en mode tour par tour (elles pourront réaliser des attaques physiques, utiliser des compétences …) avant de subir la contre-attaque des survivants. Ces affrontements sont donc plus risqués mais une occasion de provoquer des dégâts beaucoup plus importants.

 

Bahamut Lagoon
Portée de l’attaque
Bahamut Lagoon
Effet de zone de l’attaque

 


Les dragons ne seront pas en reste puisqu’ils vont également prendre part à la bataille et chaque unité sera associée à un dragon (vous pourrez gérer les appairages sur l’écran de préparation des combats). Dès les prémices de la conception, les développeurs souhaitaient leur associer un caractère animal, sauvage et peu prévisible, ils ne sont donc pas contrôlables de manière exacte mais au travers de 3 ordres : « Attaque ! », « Viens ! » et « Attends ! ».

Bahamut Lagoon
Choix de l’ordre avant le tour du dragon

Avec « Attaque ! » votre dragon va s’éloigner de vous et se ruer au combat contre l’ennemi, il faudra donc prendre gare à ce qu’il ne se retrouve pas la cible d’une multitude d’attaque qui pourrons le rendre KO.

Avec « Viens ! » votre dragon va rester relativement proche de votre personnage (2/3 cases) et attaquer les ennemis qui passeront à portée.

Avec « Attends ! » ils s’éloigneront de l’adversaire pour se mettre à l’abri (et n’attaqueront pas).

Durant le tour de chaque unité, il est possible de modifier l’ordre de son dragon (ce qui ne mettra pas fin à votre tour) afin d’adapter son comportement en cas de besoin (sinon, il réalisera l’ordre précédemment donné). Dès que votre unité termine son tour, c’est le dragon qui réalisera le sien. Ils auront alors la possibilité (aléatoire) de lancer une attaque de terrain (à distance) ou attaquer au corps à corps (déclenchant alors une contre-attaque adverse).

Bien qu’on pestera parfois lorsqu’un de nos dragons va lancer une faible attaque de groupe sur un boss seul, ou une attaque « monocible » sur un groupe d’ennemis qui ripostera allégrement avec le reste des personnages survivants, c’est un élément de gameplay totalement en accord avec l’ambition de l’équipe de développement et qui nous oblige à prendre en compte un aspect aléatoire supplémentaire au combat.

Une fois que vous avez joué l’ensemble de vos unités, la phase ennemie a lieu et ainsi de suite jusqu’à l’accomplissement de l’objectif de mission ou de défaite du joueur.

 

Bahamut Lagoon
Cette fois, il a été intelligent et l’attaque de zone va décimer l’unité adverse

 

Nourrir vos dragons

 

Comme indiqué précédemment, il sera possible lors des phases d’exploration de nourrir vos dragons. Ceux-ci ne sont pas difficiles puisqu’ils mangeront absolument TOUT ce qui vous passe sous la main ; des objets tel que des herbes mais aussi arme, armure…

Ce qui est intéressant dans le titre, c’est que les dragons possèdent une liste de caractéristiques commune aux personnages (HP, MP/SP, défense, attaque, vitesse, magie) et certaines statistiques exclusives aux dragons qui représentent la puissance élémentaire. Au départ vous aurez un dragon de feu, un dragon de givre etc.

Bahamut Lagoon
Mange mon épée de givre et plus vite que ca !

Si vous donnez des herbes ou des équipements de feu à un dragon, cela boostera sa statistique élémentaire de feu, ce qui améliorera ses attaques de ce type et pourra, à terme, jusqu’à le faire évoluer en un dragon de feu plus puissant, un peu à la manière d’un Pokémon.

Il sera aussi possible de faire changer le type d’un dragon en donnant plusieurs aliments différents de son domaine de prédilection, ou d’avoir un dragon soigneur en lui donnant des herbes curatives…

Ajouter à cela des transformations parfois liées à une statistique d’affection de votre compagnon (si vous le délaissez, il va se transformer en créature pathétique et inutile), ou avec un type régime alimentaire un peu anarchique et vous avez plus d’une centaine de transformations de dragons différentes.

Evidemment, la nourriture change aussi les caractéristiques « primaires », vous voulez augmenter l’attaque physique de votre dragon ? Donnez-lui des armes, pour la défense, des armures…

 

La gestion du groupe

 

Alors c’est bien beau de nourrir les dragons, mais vous avez compris précédemment que vous avez plus de 20 personnages à équiper, il va donc falloir sauver des crocs de vos dragons de quoi habiller tout ce beau monde !

Au départ, le jeu vous impose la constitution des unités, mais vous obtiendrez rapidement la possibilité de les personnaliser et là, c’est beaucoup de plaisir à tester les différentes compositions car les capacités « de terrain » (sur le plateau de case) correspondront aux valeurs moyennes de l’ensemble des personnages qui composent l’unité.

 

Bahamut Lagoon
L’écran de modification des groupes.

 

Bahamut Lagoon

Votre bourrin en armure est trop lent ? Mettez-le avec un personnage léger qui réhaussera le déplacement global du groupe.

Vous pouvez également mettre un mage dans chaque groupe pour avoir des sorts à distance sur chaque unité mais cela ne sera pas forcément payant car la valeur de magie sera plus faible, cumulez les mages dans la même escouade et ses sorts seront plus puissants.

Cependant attention aux compositions hybrides, le revers de la médaille sera lors des combats au corps-à-corps où ils n’auront que leurs statistiques individuelles pour se protéger et un personnage léger peut rapidement déguster. Vous l’avez compris, il faudra jouer avec tout ça pour faire face aux pièges que va vous imposer la constitution des différents niveaux.

 

Dans la deuxième moitié du jeu, la difficulté va d’ailleurs être réhaussée par le GameDesign des affrontements pour, par exemple, punir vos dragons au moindre écart par des canons longues distances.

La synergie des unités, la bonne utilisation des ordres de dragons et la synchronisation de vos attaques seront des outils indispensables pour survivre.

Détail qui a également son importance : les sorts lancés lors d’action de terrain pourront interagir avec l’environnement (par exemple : un sort de givre sur l’eau construira un pont de glace. Un ennemi emprunte votre pont ? Lancez un sort de feu et il se noiera).

 

Et la musique dans tout ça ?

 

La composition des musiques du jeu est aux mains de Noriko Matsueda (c’est seulement sa deuxième bande-son après Front Mission par celle qui signera la BO de Chrono Trigger ou encore Final Fantasy X-2, quelques années plus tard).

Et là, c’est pour moi une des meilleures BO de la Super Nintendo, rien que ça.

Matsueda a un style très jazzy dans ses compositions et une affinité particulière avec la composition orchestrale ce qui donne des musiques très riches avec beaucoup de types de sons proposés. Il est indiqué dans les interviews que ses compositions ont fait mouche dans l’équipe, ce qui a sans doute contribué à cette attention particulière dans leurs mises en scène qui collent parfaitement avec les événements de l’histoire. Si vous y être sensible, la musique vous donnera de véritables frissons lors des scènes fortes (à commencer par le retour de Byuu dans l’organisation de la résistance).

 

Et ça se joue encore aujourd’hui ?

 

Très simplement : oui ! Pour écrire ce test j’ai refait le jeu à l’aide d’un patch de traduction, et je n’ai pas eu besoin de me forcer. Alors évidemment, il ne faut pas être allergique aux pixels, mais la qualité des animations, de la musique et du level design font que vous êtes de toute façon embarqué par l’ambiance du titre.

Il n’y a aucun temps mort que ce soit dans les menus, l’exploration ou les combat. L’IA joue immédiatement, rendant l’expérience très fluide. Pour comparer avec un autre excellent rpg récent, un tour dans Bahamut Lagoon est bien plus fluide qu’un Triangle Strategy, le plaisir est vite au rendez-vous et vous saurez rapidement si le titre est fait pour vous.

 

Pour conclure ce Reset :

 

Je n’ai pas envie de crier au Remaster, Remake ou autre terme commercial et/ou technique en vogue aujourd’hui. En dehors de sa localisation exclusivement japonaise qui nous oblige à passer par une ROM de traduction (un grand merci à la Bad-Company pour ce super travail !), il n’y a pour moi aucun obstacle à se laisser tenter par le titre aujourd’hui pour une petite session rétro (à l’inverse d’un Secret Of Mana qui est beaucoup plus vieillot dans son rythme).

Vous ne découvrirez probablement aucune nouvelle mécanique de gameplay, mais vous aurez un titre qui a su combiner pas mal de systèmes de jeu de manière intelligente pour un résultat unique. Un travail soigné par une équipe qui a brillamment réussi son expérience (et vu l’évolution des différents acteurs par la suite, nul doute que cela a été approuvé par Squaresoft).

 


 

C’était Forrest pour mon premier article pour FFDream ! Vous comprendrez que j’ai choisi ce jeu car il a une place importante dans mon affection pour le studio et qu’il est encore trop peu connu aujourd’hui. Si j’ai réussi à attiser votre curiosité et que vous souhaitez en parler, n’hésitez pas à laisser un petit commentaire !