Nous avons très récemment eu l’opportunité et la chance de nous entretenir avec Charles De Clercq, l’auteur des « Legendes de Xenogears et Xenosaga ». Au-delà de son attrait pour ces licences, celui-ci s’est notamment illustré pour ses exploits et trouvailles corrélés à Final Fantasy VI. Il s’est donc plongé avidement dans Final Fantasy VI Pixel Remaster pour vérifier quelles failles avaient été corrigées, et quelles possibilités s’offraient désormais aux speed-runers de tous bords pour contourner les limites du jeu. Un billet passionnant que l’on vous partage ici. Belle lecture !

 

 

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Fruits des expérimentations menées par Square depuis les premiers épisodes de sa série phare, les systèmes de combat de Final Fantasy VI et de son cadet Final Fantasy VII apparaissent comme un aboutissement. Bien que toujours très mécaniques, ancrés dans leurs passés, ces derniers offrent suffisamment de possibilités pour avoir vu naitre au fil des aventures des joueurs de nombreuses techniques inattendues. Combinaisons improbables de matérias, synergies de magies sophistiquées, Final Fantasy VI et VII sont ainsi les épisodes de la saga qui proposent le plus de bugs et techniques dévastatrices que les développeurs n’avaient pas même imaginées.

Final Fantasy VI Pixel Remaster : un laboratoire passionnant loin d'avoir révélé tous ses secrets

Fraichement disponible, Final Fantasy VI Pixel Remaster se mue en un véritable laboratoire pour les experts du jeu, heureux de contempler les techniques qui y subsistent bien sûr, mais surtout avides d’en élaborer de nouvelles. Sans surprise le Vanish-Doom, une technique historique de la version Super Nintendo du jeu permettant de disposer en un tour de la quasi-totalité de ses boss (les développeurs ayant malencontreusement laissé l’état « invisible » outrepasser les immunités des ennemis !) n’est pas de retour pour cette nouvelle version. Il en va bien sûr de même pour le Sketch Glitch, un des bugs les plus destructeurs du jeu qui avait déjà été corrigé lors de ses derniers pressages sur son support original (à défaut de pouvoir produire des patchs pour les jeux, l’époque voulait alors qu’on les modifie à la volée, même après leur mise en vente).

Étroitement lié aux entrailles de la Super Nintendo, le bug des 52 morts, le plus puissant du jeu, ne semble bien entendu plus de la partie. Un autre sujet de première importance, car il peut radicalement modifier l’expérience des joueurs, est celui de la MBlock% : en effet en version originale, à la suite d’une malheureuse erreur au cœur d’une formule, la statistique d’esquive n’avait aucune influence sur les combats. Pire, la totalité des attaques des ennemis pouvait être parée par l’unique esquive magique, si bien qu’un personnage avec une statistique de MBlock% supérieure à 128 devenait purement invulnérable, trivialisant les combats ! Fort heureusement, l’erreur est ici corrigée et le personnage Cyan peut reprendre de sa superbe, ses capacités d’esquive retrouvées.

L’expertise plus détaillée de KadMony issu de son thread Twitter

Compte-rendu du debug gratuit de FFVI Pixel Remaster. Pour résumer, c’est aujourd’hui sans doute la meilleure version et la meilleure façon de jouer ou découvrir Final Fantasy VI, même si de nombreux éléments restent améliorables.

[Au niveau Graphique] De très belles envolées par moments avec les effets et lueurs (par exemple au floating continent) mais aussi des moment superflus (comme à Zozo). Les sprites des ennemis sont directement rippés de la SNES, ceux des personnages manquent cruellement de contraste. De plus les transitions en combats sont passables, tandis que les animations de mort des boss sont très décevantes. FFVI Pixel Remaster expose de plus avec force une équation qui semble insoluble : préserver une l’interface originelle en format 16/9 forcés à garder les fenêtres en haut et en bas, les personnages n’ont aucune verticalité au regard des décors, ce qui donne lieu à de nombreuses absurdités de perspective, d’arènes qui évoquent les terrains de Captain Tsubasa. Malgré ces failles, le jeu demeure chatoyant.

Final Fantasy VI Pixel Remaster : un laboratoire passionnant loin d'avoir révélé tous ses secrets

[Musiques] À nouveau, équilibre difficile de réorchestrer des mélodies aussi emblématiques sans plonger dans le tout-symphonique. Il y a ici de tout, des nouvelles versions sublimes (medley final, entre autres), des catastrophes (Magitek Factory) et aussi plusieurs musiques qui peuvent paraitre légèrement mollassonnes en début mais s’éveillent par la suite (Searching For Friends, etc). Decisive Battle m’a déçu. L’opéra en français est particulièrement réussi, un très beau moment malgré le frisson qu’on a eu en découvrant la version anglaise.

 

[Ergonomie] Il y a beaucoup à dire : la police de caractère du jeu est bien sûr horrible mais on pourra la retirer, pas la peine de s’appesantir. Il y a de très nombreuses améliorations de ce point de vue: – l’ajout des minicartes est bienvenu et une réussite. Elles sont superbes, il y’a de très utiles ajouts dans le menu, notamment la possibilité de voir et changer les équipements de tous les personnages, même hors de l’équipe. Il y a en revanche quelques choix incompréhensibles, qui n’auraient pas dû passer le QA : certains mappings sont contre-intuitifs, par exemple le fait de placer une magie sur « tous » demande deux boutons différents suivant l’orientation de l’attaque. – la gestion du curseur « memory » n’est pas optimale. On ne voit pas sa place dans le menu « magie » à l’ouverture pour une raison que j’ignore dès qu’on retire un personnage ou qu’on avance un peu, les personnages se retrouvent sans cesse en front row automatiquement, j’ai donc dû sans cesse les remettre en back row à la main, pénible. – l’affichage du % d’apprentissage des magies est tendancieux et je l’ai pris plusieurs fois pour le coût en MP, avant de me rendre compte en combat que je ne possédais pas la magie.

Final Fantasy VI Pixel Remaster : un laboratoire passionnant loin d'avoir révélé tous ses secrets

 

[Confort de jeu] Beaucoup d’excellentes choses : – l’autorun et la fin des runningshoes est un plaisir – agréable de marcher en diagonales, mais cela pose quelques problèmes de visibilité des chemins à certains endroits, où le case par case était plus évident. – l’autosave est un ajout notable et c’est optimal.

 

[Combats] Quelques changements profonds dans le scaling il semble, mais les nouveaux joueurs ne s’en rendront pas compte. – la fuite est très pénible, et son animation est vilaine. – il semble qu’il y ait un bug d’IA quand l’équipe est freeze, à moins que désormais cela désactive les ennemis pour faciliter la tâche. – beaucoup, beaucoup de micro-bugs d’affichage, de dégâts sur des personnages morts ou qui ont fui, de mauvaise gestion des boss multi-cibles.

 

[Autres]  Il semble que les flags empêchant de fuir de nombreux combats difficiles (ninjas sur le floating continent, behemots dans le dernier donjon) ont été retirés. Pouvoir fuir dans ces donjons les rend beaucoup plus faciles, et c’est plutôt une bonne chose je trouve. – beurk les énormes bulles avec « ! » dès qu’on s’approche d’un point d’intérêt (hmmm un tapis roulant…) – les phases avec timer (banquet/opéra) sont beaucoup plus aisées, c’est bien. L’autobattle est absolument excellent, versatile et utile à la fois, top. – on a découvert au cours du run-un bug majeur du jeu qui sera je pense bientôt corrigé (crash peu avant de récupérer Gogo).

Voilà encore beaucoup de détails et de choses à dire mais malgré ses failles, c’est la meilleure version du jeu à l’heure actuelle, un vrai plaisir, recommandé.

Ces dernières années règne au sein de la communauté des experts japonais de Final Fantasy VI une telle effervescence que non sans humour, il y est devenu d’usage de parler de la FF6学会, « l’académie des sciences de FFVI». L’arrivée de Final Fantasy VI Pixel Remaster apporte de nombreux équilibrages aux combats, inaugure de nouveaux bugs comme celui que j’ai découvert en éclaireur, dès la sortie du jeu. Aux abords de sa fin, bloqués sur un écran noir, nous nous voyions ainsi empêchés de recruter Gogo ; une situation peu enviable que d’autres joueurs ont pu reproduire, bien malgré eux.

Final Fantasy VI Pixel Remaster : un laboratoire passionnant loin d'avoir révélé tous ses secrets

C’est un plaisir quotidien de tous les jours profiter de tant de passion en provenance du Japon, de faire office pour la FF6学会 de pièce rapportée. Ce matin même (NDLR : le 17 mars 2022) un joueur japonais annonçait qu’il serait possible si un combat à lui seul apportait à un personnage un nombre de points d’expérience indécent (2147483648, pour être précis) de le faire revenir au niveau 1, et ainsi de théoriquement briser les limites imposées aux statistiques des personnages, de construire une équipe parfaite. Il n’en fallait pas moins pour mettre en branle la FF6学会, qui court désormais après la mise au point d’un setup permettant d’obtenir un combat infini qui puisse réaliser ce prodige. Pourrons-nous bientôt manipuler les Slots de Setzer et ainsi obtenir comme bon nous semble un 7-7-7 synonyme de mort instantanée ? Quelles nouvelles failles pourrons-nous exploiter ? Hormis quelques bugs majeurs mais certainement corrigés lors d’un prochain patch, Final Fantasy VI Pixel Remaster est à l’image du livre ouvert qui habille sa cinématique de fin : scruté de toute part, mais loin d’avoir révélé tous ses secrets.