Final Fantasy XI

Jouer à Final Fantasy XI aujourd’hui, c’est un peu comme se promener dans la vallée des rois en Égypte et se perdre dans un monde où l’on peut admirer et entrevoir la grandeur d’une époque passée, tout en sachant qu’il n’en reste que des vestiges et qu’il est de toute façon impossible de rattraper le temps perdu. Pourquoi cette comparaison ? Car c’est le triste destin des grands jeux en ligne qui, à la manière du temps qui passe, ne connaissent qu’une splendeur éphémère qui s’amenuise dès lors que les joueurs les désertent pour d’autres propositions plus modernes, plus accessibles et souvent moins exigeantes.

Final Fantasy XI
Artwork de Yoshitaka Amano illustrant Rise of the Zilart

De Mana à Final Fantasy Online

Si les serveurs de ce qui fut le premier MMORPG de Square et le jeu Online le plus influent de son temps au Japon sont encore ouverts au moment où vous lirez ces lignes, le visage de Final Fantasy XI est bien différent de ce qu’il fut jadis. Cependant, avec un peu d’imagination et les souvenirs d’un aventurier de la première heure capable de vous les transmettre, on peut malgré tout tenter de s’imaginer ce qu’a été le monde de Vana’diel. Un monde aux milles et une histoires, construit sous l’impulsion de membres historiques de Square : Hiromichi Tanaka, et Koichi Ishii, à la fois éminents sur les premiers épisodes de la saga mais aussi les gardiens des clefs des mondes de Mana pendant plus de 20 ans.

Ainsi, je me propose de vous emmener dans le passée et de suivre le temps de cet article les sentiers de Vana’diel et d’imaginer ensemble, ce qu’a été Final Fantasy XI à ses origines et comment il a évolué au fil des extensions pour être ce qu’il est aujourd’hui.

Du plus loin que je me souvienne, les premiers évocations du nom Final Fantasy XI remontent à 2001. À cette époque Square était flamboyant et Final Fantasy X faisait rêver la planète RPG avec son rendu graphique impressionnant et sa sortie japonaise imminente, prévue pour l’été de la même année. En parallèle de ce qui se présentait comme le premier grand RPG de ce début de millénaire, s’amorçait un basculement pour la série de Hironobu Sakaguchi puisque à son initiative, le futur épisode serait un jeu intégralement Online à la manière d’ Everquest.

Et puis le temps passa et le jeu finit par sortir sur Playstation 2 en mai 2002 puis sur PC en octobre de la même année. Cantonné sur l’archipel nippon, les quelques screenshots et dossiers fuitant dans la presse laissaient entrevoir un titre immense à l’ univers coloré d’une fantaisie penchant sur le légendaire celtique. Koichi Ishii l’évoque d’ailleurs comme un jeu à la frontière entre un Mana et un Final Fantasy (source Art of Mana ed Mana-books).

Bien qu’étant un habitué des achats en import comme bon nombre de mes camarades de fac de japonais de l’époque, cette fois le sésame était inatteignable puisque pour jouer à Final Fantasy XI il fallait résider au Japon et posséder un compte en banque sur place. L’envie de me plonger dans un tel jeu était pourtant énorme mais c’était impossible, si bien qu’à ce moment là on s’amusait à dire avec quelques amis que c’était le jeu des journalistes de jeu vidéo et des japonais. Un peu comme Dragon Quest X aujourd’hui soit dit en passant…

Final Fantasy XI
Un écran titre de légende avec toutes les extensions disponibles

Le sésame et les premiers pas sur Vana’diel

Et puis en octobre 2003 Final Fantasy XI arriva en édition américaine sur PC embarquant avec lui la première extension Rise of the Zilart et surtout, la possibilité de jouer au jeu même en Europe ! C’est là que mon histoire avec Final Fantasy XI commença. Une histoire qui durera plusieurs années et plusieurs milliers d’heures.

Final Fantasy XI conte l’histoire du monde de Vana’diel et démarre par une introduction aussi belle que tragique, montrant la destruction d’une cité par une armée d’orques et de monstres à travers les yeux d’un enfant du nom de Aldo qui voit sa sœur périr pour lui laisser une chance de survivre. S’ensuit un gap temporel de plusieurs années concluant cette introduction et laissant place à la création du personnage. Plusieurs races sont alors proposées ainsi que 3 cités-états faisant office de point de départ. Miqote, Hume, Elvaan, Galka ou Tarutaru ? Je me retrouvais face à dilemme puisqu’à cette époque, il n’était pas envisageable de changer de race ou de visage contre l’achat d’une potion ! Une fois les choix de la race, du job et de la cité-état arrêtés c’était définitif, d’autant que je ne savais pas encore à ce moment là, que l’investissement demandé par le jeu pour la construction d’un personnage solide était titanesque.

Dans son édition de base, Vana’diel se composait d’une ville centrale : Jeuno, une grosse dizaine de zones et 3 cités états : Bastok, cité des Hume et des Galka, très orientée sur l’industrie et entourée du désert de Gustaberg. San Doria la cité des Elvaan, brillante pour son ordre de chevaliers et plus solide rempart face aux terres du nord hantées par l’ombre du Shadow Lord, le principal antagoniste du jeu à sa sortie en 2002. Et enfin Windurst, connue pour sa magie et ville des Miqote et des Tarutaru, située au sud du second continent et abrité par la ramure d’un grand arbre rappelant celui de Secret of Mana.

Final Fantasy XI
Illustration de Ryosuka Aiba présentant toutes les races jouables du jeu

Subtilités d’un gamedesign construit pour le jeu en équipe

Ce qui marqua la majorité des joueurs au début de leur aventure, c’est la rudesse de Final Fantasy XI. À peine hors des murs de la ville départ, peu importe le job choisi (qui déterminait d’ailleurs la région natale) ; une fois le niveau 12 atteint, un pallier de difficulté barrait notre route au point de nous mettre dans l’obligation de créer un groupe pour avancer. Bien loin des mécaniques modernes de MMORPG où le jeu solo est possible jusqu’au niveau maximum (ou presque), sur Vana’diel il fallait se faire des alliés sous peine de rester hors course. Et cette contrainte fut une constante fondamentale à l’intégralité ou presque des propositions du jeu jusqu’à très tard dans la vie du MMORPG.

Au départ, il fallait choisir entre quelques jobs classiques (je nommerais tous les jobs par leur noms anglais puisqu’aujourd’hui Final Fantasy XI n’est jouable qu’en anglais ou en japonais) tels que White Mage, Black Mage, Red mage, Warrior ou Thief. A la manière des vieux FF comme le 3 ou le 5, construit eux aussi sur ce système de Job, c’est plus loin dans la progression que FFXI proposait de changer de classe en échange d’une quête à accomplir, afin de devenir Paladin, Dark knight, Bard, Dragoon, Summoner, Ninja… Chaque extension amena son lot de nouveau jobs tous aussi différents les uns que les autres. Puppetmaster ou Blue Mage comptent parmi les plus originaux et intéressants. Afin d’approfondir les possibilités de jeu et d’amener toute la base de gameplay permettant de jouer solidement en équipe, le système de Sub Job à ajouter à sa classe principale était indispensable à chaque joueur et se débloquait contre quelques items à récupérer dans les localités de Mhaura et Selbina où il était également possible de prendre un bateau reliant les deux patelins.

Final Fantasy XI
Qufim Island, l’une des premières zones où vous allez devoir jouer en équipe

Le sub-job était fondamental dans la synergie globale des équipes puisqu’ avec lui se construisaient les stratégies à haut niveau. Pendant longtemps, le niveau maximum du jeu fut capé à 75 et le sub-job se calait sur la moitié du niveau de la classe principale et montait donc jusqu’à 37. Sans vous expliquer toute la subtilité de tous les Jobs du jeu (on y serait encore dans 3 heures et des sites Wiki le font déjà très bien) quelques exemples probants vont vous donner une idée de ce qu’était FFXI dans son gamedesign. Par exemple un Red mage possédait Dispel au niveau 32, sort capable de retirer un buff magique qu’un monstre pouvait s’apposer. Donc un White mage dans une équipe ayant le rôle de healer pouvait aussi à un certain niveau user de Dispel et donc faciliter grandement les combats. D’autant que FFXI était un jeu où les buff et debuff magiques jouaient un rôle capital et les jobs de soutien étaient, à contrario de FFXIV, réellement indispensables et comptaient parmi les plus prisés de tous, à commencer par le Bard qui fut probablement la classe la plus demandée alors qu’elle n’avait de prime abord pour essence, que de jouer de la musique autour des autres membres de la partie. Mais en réalité un Bard était capable de monter une jauge de TP (technical point) très rapidement ce qui rendait les DPS (initialement « Dommage par seconde » mais plus communément les classes destinés à faire du dégâts dans les MMORPG) terriblement efficaces, en plus d’offrir des bonus d’attaque ainsi qu’une régénération des MP (Magic point) très rapide.

Autre exemple illustrant les Sub-job, le Warrior avec son sort Provok qui se débloquait dès le niveau 5 et qui était indispensable à toutes les autres classes de tanking. Un Paladin sans le sub-job Warrior ne servait pour ainsi dire à rien… Pareillement pour la Sneak Attack et la Trick Attack du Thief capable de transcender certains DPS corps à corps comme le Dark Knight ou le Dragoon lors du système de Skillchain.

Final Fantasy XI
La « Mog House » lieu où l’ont peut ranger son surplus d’items et changer de Job

« Experience point parties », « Skillchain » et  » Level down » : la base

Mais qu’est ce que le Skillchain ? Et bien en réalité, c’était la clef de voûte de tout le système de combat. FFXI disposait d’un système de « combo-effect » dès lors que les joueurs parvenaient à mettre en place le bon tempo d’utilisation de furies dépendantes d’une barre de TP allant de 0 à 300 et qui montait en tapant de manière automatique en coups basiques. Par le biais de raccourcis visuels et sonores dans la boite de dialogue du jeu, les joueurs en équipe s’accordaient pour lancer leur sort avec une intervalle de 2 à 3 secondes, afin de créer d’autres effets secondaires augmentant fortement les dégâts. De plus, si le Black mage ou le Red mage de l’équipe balançait une bonne grosse magie élémentaire en adéquation avec l’effet libéré par les combattants, le résultat était dévastateur. Couplé à ça si le Job de soutien (souvent un Bard ou un Red mage) parvenait à maintenant les jauges de TP, et MP bien hautes, il était possible aux équipes d’obtenir des bonus d’expérience très conséquents en enchaînant rapidement les affrontements lors des fameuses « Experience point parties », sur lesquelles nous allons nous pencher. Bien pratique donc ces combos, dans un jeu où la montée en niveau occupait un pan très conséquent de la proposition de jeu.

Comme dans Final Fantasy V, il était possible de monter tous les jobs sur un seul personnage, et pour monter ces niveaux, il fallait taper des monstres plus puissants que le niveau du job désiré (changeable dans sa Mog House, sorte de chambre particulière où l’on se reposait et où l’on stockait son trop plein d’items). Pour se faire, il fallait donc constituer une équipe de 6 joueurs et se rendre dans un endroit où les monstres étaient assez forts pour donner pas mal d’expérience tout en étant malgré tout, un minimum vulnérables face à un groupe. Les membres du groupe devaient également tous être d’un niveau équivalent, sous peine de ne recevoir très peu ou aucun point d’expérience. Autant vous dire qu’un monstre niveau 70 pouvait à lui seul balayer une alliance de 18 joueurs de niveau 35. Il n’était d’ailleurs pas rare dans certains lieux prisés pour faire de l’xp, de voir des trains de monstres et des centaines de cadavres au sol parce qu’un trouble-fête (souvent des Thief ou des Beastmaster) avait tenté de fuir après une aggro et avait ramené un monstre haut niveau du fin fond d’un donjon jusqu’à l’entrée, où le niveau exigé était plus faible et donc idéal pour les Experience point party. Lieu idéal de ce genre de situation : Crawler Nest où on passait des dimanches après-midi à mourir à cause de ça… D’autant qu’une mort dans FFXI retirait 10 % de l’xp gagné sur votre jaune de niveau et il n’était pas rare de « Level Down » et de repasser par exemple de 40 à 39 en cas de morts répétées. Heureusement les sorts de Raise 1 2 et 3 des White Mage réduisait ce malus.

Un jeu donc peut enclin à la souplesse et intolérant à l’échec, vous en conviendrez. Et ce n’est pas tout, puisqu’il il faut savoir que pour trouver une équipe afin de faire évoluer son personnage, ou pour toute autre activité proposé par le jeu, il n’était pas question de menus automatiques ou quelconque « Party Finder » ! Non Non, sur Vana’diel, il fallait activer dans le menu, un statut « Seak » et écrire dans une fenêtre ce que l’on recherchait à faire et attendre de recevoir une invitation. Ou alors il fallait avoir une Linkshell (sorte de guilde) et se donner rendez-vous à un point donné du monde. Et comme Vana’diel appliquait malgré lui comme tout MMORPG, la dure loi des classes déséquilibrées, il n’était pas rare de voir certains joueurs rester des heures entières à attendre une invitation. J’ai d’ailleurs une pensée pour les pauvres Dragoon qui furent souvent moqués au point qu’il fut créé sur les forums tel que JOL (Jeux online) un faux item du nom de « Retards Hat » avec la statistique fantoche de + finding party +25 %. Bref on se marrait bien.

Final Fantasy XI
3 croquis préparatoires illustrant une White mage en plein incantation au centre ainsi que les invocations Shiva à gauche et Garuda à droite

Le choix de la non obsolescence du contenu

Monter son personnage niveau 50 puis 75 avec la version américaine embarquant dès la sortie l’extension Rise of the Zilart n’était donc pas une mince affaire et cela pouvait prendre plusieurs mois en fonction du Job à monter et du temps de jeu de chacun. Et ce n’est pas pour autant que Vana’diel était avare en contenu extérieur à la monté en niveaux. Loin de là même, puisque le jeu peut se targuer d’avoir su conserver sa communauté pendant de nombreuses années sans ne jamais toucher à son sacro-saint level 75 et en ne s’appuyant que sur son contenu de fin de jeu et ses mises à jour scénaristiques. Monter niveau 75 était un véritable chemin de croix, les développeurs le savaient très bien et se refusaient donc de prendre les joueurs pour des idiots en leur réimposant à chaque nouvelle extension un farming intempestif de leur classe principale, mais préféraient miser sur le fait que les joueurs allaient « Reroll » (changer de job) et monter plusieurs classes afin d’être plus polyvalents. Cependant, à partir de Treasure of Ath urghan, la 3ieme extension, le système de Merit Point pointa le bout de son nez et permit de monter les statistiques d’un Job sans pour autant toucher aux niveaux et donc au calibrage profond du jeu.

Par ce choix original pour un MMORPG, Final Fantasy XI ne laissa jamais aucun de ses défis antérieurs dans le passé et les contenus de niveau 75 restaient intéressants à faire d’un point de vue de la récompense et du challenge. De fait, très peu d’items et d’équipements de haut niveau que nous récupérions devenaient obsolètes. Au contraire l’intelligence du gamedesign faisaient qu’en fonction des combats et de la nature des joueurs d’une équipe, les stratégies nous invitaient à utiliser tel ou tel équipement disposant d’une statistique plus avantageuse qu’une autre en fonction de la situation. Ceci permettait d’affûter au maximum les chances de réussites sur les plus gros défis du jeu. Il n’était pas rare non plus de voir les joueurs, par le biais de macros préparées en amont (lignes de commandes à écrire via le menu interne – l’ancêtre archaïque des Gambit de Final Fantasy XII), changer de stuff à la volée afin de récupérer des points de magie ou de taper plus fort à un moment T sur les combats les plus difficiles du jeu.

Final Fantasy XI
Les cristaux, portes d’entrée de bien des endroits menant vers d’âpres affrontements

À la vie à la mort, combats épiques en équipe

Et des combats difficiles dans FFXI, il y en avait. Je vous citerais en premier lieu le fameux worldboss Absolute Virtue qui est de très loin la créature la plus redoutable de toute la série Final Fantasy au point de faire passer Der Richter pour un gobelin de plaine niveau 12. Dans ces combats pharaoniques tels que Vrtra ou Nidhogg, il fallait l’abnégation de plusieurs alliances de 18 joueurs chacune, se relayant sur de longues heures durant pour arracher une victoire. Véritables batailles rangées, je me souviens encore de ces longues heures passées sur les hauteurs de Uleguerand Rang à combattre Jörmungand avec mon Bard. Je remontais les points de magies des White Mage qui ressuscitaient les DPS corps à corps qui tombaient comme des mouches à chaque AOE ( attaques en zone d’effet capable de toucher plusieurs joueurs proches du Boss) et dont on ramenait les corps pour les ressusciter derrière les lignes de Ranger et de Black s’occupant des dégâts à distance.

Si FFXI proposait des combats épiques, capables de fédérer des centaines de personnes des heures durant, le jeu savait aussi proposer des challenges à taille plus modeste et également des défis dans des lieux clos. Car si je ne l’ai pas précisé, il faut bien savoir que les monstres rares et les plus convoités du jeu étaient disposés sur la carte à la vue de tous et que l’équipe qui avait réussi à « Pull » la première le NM (Notorious Monster – Monstres rares avec une fenêtre d’apparition allant de 2 heures à 1 semaine et offrant des superbes récompenses) embarquait l’intégralité du butin si tant est qu’elle gagnait le combat.

Les défis dans les lieux clos aussi appelés BCNM (Burning Circle Notorious Monster) avaient la particularité d’être accessible en échange d’items très précis à troquer sur un cercle au sol. Une fois le prix payé, l’équipe se retrouvait pour un combat contre un monstre unique avec une stratégie précise et une chance de récupérer des items à équiper où des ingrédients rares, ayant une valeur marchande évidente pour le craft. Les BCNM étaient également utilisés pour les combats important du scénario. Ces derniers se débloquaient en avançant dans l’histoire.

Final Fantasy XI
Un des premiers « BCNM » que le scénario vous demandera de réaliser

Dans la majorité des cas, les combats de ce type demandaient de donner le meilleur de chaque job et les bonus octroyés par la nourriture n’étaient pas négligeables non plus. Il m’est d’ailleurs souvent arrivé d’attendre longtemps entre chaque essais pour tomber certains boss de l’histoire, puisque la victoire sur ces derniers passait par une synergie parfaite de l’équipe basée sur l’utilisation de ce qu’on appelait vulgairement « la 2h ».  La « 2h » était en réalité le pouvoir ultime de chaque job utilisable une fois toutes les 2 heures. Ces bottes secrètes avaient littéralement la capacité de faire basculer le combat. Je me souviens par exemple très bien de l’importance capitale et dévastatrice de l’Astral Flow (sort désinhibant les statistiques magiques) d’un Summoner couplé à l’attaque Predator Claw de Garuda pour tomber certains Boss avant qu’ils passent en « Enrage » et nous démontent tous en 30 secondes. Je me souviens encore mieux de l’obligation que j’avais d’utiliser le sort « Invincible » de mon Paladin (sort rendant le Paladin invincible pendant 30 secondes) afin d’encaisser sans mourir et de surcroît, faire mourir toute l’équipe privée de son Tank, la furie d’un Boss capable de me tuer en un coup.

Si aujourd’hui ces choix tranchés de Game design peuvent faire peur, au point de faire passer un Dark Souls pour un jeu tout public, je peux vous assurer qu’à l’époque cela offrait à Final fantasy XI une aura fascinante, tant le sentiment d’accomplissement était immense et fédérateur. Chaque début de combat avec les « 2h » prêtes, créait un sentiment de respect entre les joueurs et amenait une véritable notion responsabilité vis à vis des coéquipiers. Cela nous poussait plus qu’aucun autre jeu, à donner notre maximum et à jouer à fond. C’était extrêmement grisant, et je n’ai plus jamais vécu une expérience aussi intense dans aucun autre jeu vidéo par la suite. L’abnégation du joueur à bâtir son personnage et à apprendre l’entraide et le véritable jeu en groupe était une des forces inestimables du jeu, bien que cela causa aussi quelques profondes discordes au cœur des guildes. On ne parle pas ici d’un Party Finder (Système permettant de trouver automatiquement une équipe et te téléportant dans l’arène de combat avec des inconnus) pour Titan EX et où tu ragequit après 10 minutes parce qu’un mec saute sur les bombes un try sur deux. On parle d’une vraie communauté de joueurs capables de se rassembler, de prendre le temps d’apprendre à jouer ensemble pour relever des défis colossaux et y laisser des jours et jours de jeu avant de parvenir au succès.

Final Fantasy XI
Combat en équipe à Al’Taieu

Beauté mystique, et narration environnementale

A l’image d’une nature sauvage et implacable, la dureté et la brutalité du Game design de Final Fantasy XI s’imbriquait parfaitement dans la majesté et la beauté mystique de l’univers de Vana’diel. J’ai évoqué jusqu’à présent beaucoup de souvenirs liés à des contextes sociaux et intrinsèquement liés à des choix fait par les développeurs, mais si j’ai joué si longtemps à Final Fantasy XI, c’est aussi pour la majesté de son univers et sa fulgurance artistique. Final Fantasy XI est sans aucune hésitation le Final Fantasy proposant l’univers le plus profond, entier et mystérieux qui m’a été donné de parcourir. Teinté dans la première partie de son existence, d’une magie aussi délicate qu’un poème de William Butler Yeats et colorée par de multiples déambulations féeriques rappelant les rêverie illustrées d’ un Edmund Dulac ou d’un John Bauer, le monde de Vana’diel n’a eu cesse de s’agrandir au fil des années, jusqu’à laisser entrevoir derrière la brume si chère à Hironobu Sakaguchi dans Final Fantasy V et IX, les tours arabisantes du pays d’Ath Urhgan, dans lequel on retrouve tout l’esthétique des 1001 nuits, empruntées par Yoshitaka Amano pour enrichir son art. Vana’diel a ensuite été soucieux d’écrire son passé à travers Wings of the Godess, explorant ainsi les fondations des derniers mystères laissés par Rise of the Zilart et Chain of Promathia, les deux premières extensions. Et enfin, contre toute attente, dans un dernier et tardif coup d’éclat nous avons été invité une ultime fois à travers Seekers of Adoulin à revivre le grand frisson Final Fantasy XI afin d’atteindre le niveau symbolique de 99 et permettre au jeu de plus en plus délaissé au profit de titres plus modernes, de proposer aux plus fidèles aventuriers une expérience plus autonome.

Tournant à la base sur une architecture Playstation 2, le directeur artistique de Final Fantasy XI Ryosuka Aiba et son équipe sont malgré tout parvenus à bâtir un monde d’une rare cohérence, où les zones sont construites comme des images illustrées. La colorimétrie et l’art d’user de la teinte juste pour décrire une émotion, une météo ou un faire ressortir un sentiment, sont omniprésents dans la totalité des environnements du jeu. La topographie est étudiée pour amener le joueur à l’exploration en alternant zones de risques et zones de conforts. Les environnements nous raconte leur histoire et avec elle l’histoire globale du monde de Vana’diel, avec ses cicatrices et sa féerie.

Final Fantasy XI
Tu’lia, la cité céleste des Zilarts

Accompagné par un choix de rendre difficile l’exploration libre même au niveau maximum dans une bonne partie des lieux, Final Fantasy XI invite à la prudence et donc à l’observation de chaque élément. Chaque endroit de Vana’diel découle d’un processus imaginatif qui lui est propre et s ‘y déplacer est déjà en soit un défi à relever procurant un plaisir basé sur la prise de risque d’essayer d’aller toujours plus avant. A l’inverse des facilités d’un Final Fantasy XIV ayant un peu trop souvent recours au fan service et aux zones jolies mais dénuées de toute résistance dans l’exploration, Vana’diel dispose d’un worldbuilding profond, le dotant au même titre que les épisodes les plus iconiques de la franchise d’une personnalité artistique assumée et en adéquation avec une difficulté bien dosée et méritante. Les multiples localités qui composent FFXI amènent bien avant les productions From Software, cette précieuse alchimie de la narration environnementale et la transcende par une bande sonore riche et variée. Que ce soit la mélancolie du thème de Sanctuaire of Zitah résonnant avec les arbres millénaires en s’entremêlant de guitares, harpes et flûtes de paon, ou la profondeur lascive et cristalline des sons étranges de Promyvion l’oubliée, en passant par le tragique et merveilleux thème « Memoro de la stono Distant Worlds » qui donna le nom aux concerts symphoniques de la saga Final Fantasy, les compositions de Naoshi Mizuta, Kumi Tanioka et Nobuo Uematsu ont résonné dans ma tête des milliers d’heures et sont encore aujourd’hui persistantes et intactes, au point que quelques notes ravivent dans mon esprits les divers lieux avec une rare exactitude. Seul des univers comme celui d’ Ivalice ou de Warcraft pourraient à mes yeux venir tutoyer Vana’diel à la table des immortels.

Final Fantasy XI
L’exploration dans les mondes fantomatiques de Promyvion m’a profondément marqué

Un voyage, ça se prépare

Les règles instaurées dans les déplacements jouaient également pour beaucoup à la cohérence et à l’immersion. Il n’était pas question de se balader dans Vana’diel à grand coup de téléporteurs et de montures volantes tout azimut, mais il était et il est encore conseillé aujourd’hui -bien que le jeu soit devenu beaucoup plus facile – conseillé de bien préparer son trajet avant de se décider à quitter une des villes du jeu pour rejoindre un objectif. Pour se faire, plusieurs moyens s’offraient aux joueurs. Le premier était d’y aller à pied avec sa dose de potions permettant d’être invisible et de n’émettre aucun bruit sous peine de se faire repérer par des monstres et d’y laisser la peau. Ce qui de surcroît, nous ramenait à un point de départ préalablement choisit. Souvent une ville, ou un cristal de zone. Suite à une quête, il était également possible d’user des réseaux de chocobos de chaque capitale et ainsi se déplacer beaucoup plus vite et sans risque de se faire attaquer. Les montures étaient cependant limitées à une durée de 30 minutes. 30 minutes ça peut paraître long dans un jeu normal, mais pas dans Final Fantasy XI, puisque c’était environ le temps demandé pour parcourir la carte du nord au sud ou d’est en ouest.

Final Fantasy XI
Oh mais ne serait-ce pas Cait Sith à droite ?

Par ailleurs, les chocobos n’étaient pas utilisables en donjons, les zones où évidemment, résidaient les monstres les plus dangereux. Dans quelques rares lieux du jeu, se trouvaient des cristaux particuliers où il était possible de se téléporter, à condition d’avoir un White Mage ayant appris les magies de téléportation en question. Autant vous dire qu’une téléportation à Dem ou Xarcabard pouvait vous faire gagner jusqu’à 20 à 40 minutes de jeu. C’est tout naturellement que toute une économie parallèle se mit en place pour les magiciens qui n’hésitaient pas à faire payer chaque déplacement aux joueurs les plus pressés.

Enfin que serait un Final Fantasy qui se respecte sans un Airship ? C’est donc tout naturellement que les grandes capitales du pays étaient reliées par un système de transport aérien en temps réel. Et quand on parle de temps réel, c’était vraiment le cas, puisqu’il fallait attendre les bateaux volants qui arrivaient au port sur des fréquences allant de 5 à 20 minutes. Les trajets étaient également à prendre en compte puisqu’une fois dans le vaisseau, s’offrait à nous un trajet vue du ciel de plusieurs minutes. L’occasion de discuter, de planifier une stratégie ou de crafter du matériel. Ce principe de temps était le même pour les différents trajets en bateaux où il était possible de pécher certains poissons très rares. Bref des choix encore une fois au service d’une immersion de chaque seconde et qui contribuaient à ce sentiment si fort de vivre dans Vana’diel et de ne pas juste jouer à un jeu vidéo. Sentiment proche de ce qu’on peut vivre dans Shenmue par exemple mais en beaucoup, beaucoup plus fort.

Final Fantasy XI
L’ambiance inoubliable de Lufaise Meadows

Crafter à la lueur du cristal

N’ayant jamais été un grand accro du craft, je ne vais pas expliquer en détail ce pan du jeu. Néanmoins ce que je peux en dire, c’est qu’à l’image du reste, crafter était une véritable abnégation tant les chances de casser du matériel souvent acheté à l’autel des ventes rubis sur l’ongle, étaient fréquentes. Monter un métier à son niveau maximum prenait des centaines d’heures et coûtait une véritable fortune. Par ailleurs, les quelques amis ayant eu la patience de se prêter au jeu étaient tous très riches à l’arrivée et étaient bien contents d’ avoir souffert autant pour y parvenir. Le système fonctionnait par le biais de l’utilisation de compositions et de cristaux liés à une relation entre la nature élémentaire des jours du calendrier interne du jeu. Ainsi le type de cristal utilisé permettait d’accroître les chances de réussites. Un système familier des amateurs de Mana qui joue aussi sur les jours élémentaires notamment dans l’opus Playstation Legend Of Mana. Mais quoi de plus logique quand on sait que les créateurs de FFXI ne sont autres que les pères de la série Mana.

Final Fantasy XI
Artwork de Yoshitaka Amano pour Seekers of Adoulin, une extension basée sur l’exploration d’un nouveau monde regorgeant de nouvelles ressources.

De Gustaberg à Al’Taieu, l’épopée inoubliable Final Fantasy XI

Pour terminer cette longue aventure dans mes souvenirs de Final Fantasy XI, je souhaiterais évoquer le dernier grand point capital du jeu et de tout Final Fantasy qui se respecte : le scénario et le lore du jeu. Comme évoqué au début, tout commençait avec une cinématique tragique avant de nous amener à la création de personnage. S’ensuivait un démarrage assez classique où il était demandé de réaliser des missions en relation avec sa ville de départ. J’ai commencé la mienne à Bastok et son iconique zone de départ : Gustaberg avec son fameux thème musical. Dans ces quêtes, on nous présentait les grands personnages principaux du jeu dont Cid. La trame narrative somme toute classique au départ, nous opposait à une entité répondant au nom de Shadow Lord. Ce seigneur noir tenait un rôle équivalent à celui de Chaos dans le premier Final Fantasy mais avec un passé plus travaillé. Je me souviens que la première grosse claque que m’a mis FFXI, fut cette arrivée à Xarcabard, la zone juste avant le donjon du Shadow Lord. Un sol fissuré d’où émanait une magie verdâtre et une aura de mort accompagnée de cette musique si particulière à base de cloches et de xylophones. Et au loin, nous toisant, le lugubre Castle Svahl et sa sinistre mélopée faite d’orgue et de harpes. Nul besoin de longues explications, les lieux nous contaient mieux que n’importe quelles quêtes terminées au préalable, la gravité de la bataille des temps jadis contre ce seigneur des ombres menaçant une nouvelle fois de se réveiller.

Final Fantasy XI
3 personnages incontournables de FFXI : Kam’lanaut, Lion et Cid imaginés par Tetsuya Nomura

En lien direct avec le Shadow Lord, Rise of the Zilart introduisit de nouveaux personnages tel que Gilgamesh, ici présenté comme un pirate de la ville de Norg ayant pour fille une certaine Lion, figure féminine centrale de l’histoire de Zilart et qui cédera sa place à chaque nouvel add-on à une autre héroïne comme Final Fantasy sait en écrire. Mais à côté de l’arc Shadow Lord, l’extension amena également le très énigmatique Kam’lanaut, duc de Jeuno, la ville centrale du continent ouest de Vana’diel, là où se déroule le jeu jusqu’à conclusion de Chain of Promathia. Ce Kam’lanaut, enclavé dans son duché tint un rôle central le liant à une ancienne civilisation nommée les Zilarts et dont l’histoire prit fin dans les ruines d’une cité céleste du nom de Tu’lia, autrefois capitale de cette civilisation perdue des Zilarts et plus communément appelé par les joueurs « Sky ». Au delà de la structure initiale du monde et des races, il est d’ailleurs amusant de noter les similitudes scénaristiques et environnementales entre FFXI et FFXIV, puisque certaines trames narratives et certains positionnements scénaristiques de personnages ainsi que certains lieux de FFXI se trouvent à peine rhabillés pour venir couvrir des pans d’histoire de XIV. Un exemple, les Warriors of the Crystal apparaissant à la fin de Rise of the Zilart. Sortes de guerriers archétypaux de la lumière ayant sombré dans les ténèbres et que l’on retrouvera dans un contexte quasi similaire à Shadowbringer. Il en va de même pour la Elpis des Asciens de XIV qui est un reflet de Tu’lia dans sa structure, son lore et ses couleurs.

Ensuite comme de tradition dans Final Fantasy, les multiples chemins scénaristiques finissent toujours par aboutir sur une menace plus globale et FFXI ne fit pas exception puisque Chain of Promathia, la 2e extension introduisit le grand méchant central du jeu : Promathia. Reflet sombre d’Altana, la déesse de la lumière bénissant le monde, cette entité va manœuvrer par l’entremise de plusieurs serviteurs à briser ses chaînes. La suite de missions scénaristiques de cet addon eut la tâche de répondre aux questions laissées en suspens depuis la cinématique d’intro et son héros Aldo, de contextualiser la présence de la figure centrale de Bahamut dans Vana’diel, et d’amener par sa conclusion au cœur de la mémorable zone de Al’Taieu, une véritable catharsis de la quête menée depuis le premier jour par les joueurs. Dans un combat sidéral aux côtés des personnages centraux de l’intrigue et soutenue par des cinématiques en moteur de jeu et une série de musiques d’une rare efficacité se concluant sur un iconique prélude et la fameuse Distant World signée Nobuo Uematsu faisant office de générique , Chain of Promathia proposa une conclusion digne des plus illustres RPG de Squaresoft.

Final Fantasy XI
Bahamut en majesté dans FFXI, en plus d’être un des combats « BCNM » les plus rudes du jeu en Endgame !

De Ath’Urghan à nos jours

Après ce climax, Final Fantasy XI continua de vivre jusqu’à nos jours en étoffant son lore dans un continent de l’est aux splendeurs arabisantes avec Treasure of Ath Urghan et sa route de la soie version maritime. Puis vint Wings of the Godess et les mémoires du passé, là où l’écho de la première guerre contre le Shadow Lord résonna à travers des voyages temporels qui laissèrent place ensuite à un dernier beau voyage vers l’ouest avec Seekers of Adoulin et ses airs d‘Amérique sauvage avant en de refermer définitivement l’épopée Final Fantasy XI en 2016 avec la quête finale nommée « Rhapsodies of Vana’diel » qui amènera avec elle la fermeture des serveurs consoles du jeu (Ps2, Xbox360). Si les rêveries de Ath Urghan ramenant Alexander et les voyages dans le passé orchestrés par la mystérieuse Lilith m’ont invité quelques années de plus à arpenter les mondes de Final Fantasy XI, je dois bien admettre que j’ai toujours regretté l’ivresse et la force narrative de Chain of Promathia.

Depuis 2013 et jusqu’à aujourd’hui, Final Fantasy XI a lâché du lest sur sa difficulté par l’entremise de Seekers of Adoulin la dernière extension en date, qui a totalement bouleversé le jeu en amenant la possibilité de passer niveau 99 et donc de faire seul beaucoup de contenu jusqu’alors réalisable uniquement en groupe. Il est également possible de se composer une équipe avec les personnages alliés de l’histoire contrôlés par l’ordinateur afin de combler le manque de joueur, mais également de vivre l’aventure un peu comme un jeu offline. Chemin qu’a commencé d’ailleurs XIV depuis quelques temps également en reprenant cet ingénieux système.

Final Fantasy XI
La bouche d’Atomos, dans Wings of the Goddess, la plus étrange des extensions de FFXI

Conclusion : Final Fantasy XI, le cristal oublié de Square

Voila, après avoir couché sur papier tous ces précieux souvenirs, il est temps pour moi de vous laisser, en espérant que ce récit dans le passé et la mémoire vous ait donné envie d’ aller arpenter quelques heures Vana’diel, ou tout du moins de porter un regard neuf et bienveillant sur le plus méconnu des Final Fantasy. Pour ma part, Final Fantasy XI restera une expérience unique et probablement inégalable, compte tenu de l’évolution du média, des visions actuelles des jeux en réseau et de ma vie personnelle. Avec sincérité, je dois admettre aussi que c’est un jeu de son époque et que je ne pourrais plus y consacrer aujourd’hui le temps et l’énergie d’antan. Par ailleurs, j’en garde un souvenir précieux, radieux et bienveillant puisque toutes ces années après, la lueur du cristal de Vana’diel brille encore comme aux premiers jours dans mes souvenirs. Enfin, à l’époque des Remake à tout va, voir Square Enix annoncer une refonte complète, ambitieuse et offline de Final Fantasy XI serait l’annonce la plus folle et l’hommage le plus légitime à faire à ce jeu, qui sauva l’entreprise au moment le plus critique de son existence, tant il se cache derrière ce jeu à l’apparent grand âge, l’un des diamants les plus purs que le jeu vidéo ait connu, n’attendant que d’être repoli pour briller à nouveau à sa juste valeur.

Final Fantasy XI
Puisses tu un jour, Oh Altana, raviver la lueur du cristal de Final Fantasy XI

Mérode, enfant d’Altana et de Vana’diel.