Final Fantasy I

 

Le prélude de la saga. À la pointe technologique de l’époque, ce premier opus instaure les bases de la série et redéfinit le RPG japonais avec ses idées novatrices. Un coup de maître pour Square après des années à se chercher.

 

 

 

Les Guerriers de la Lumière

 

 

C’est une petite équipe centrée autour de Hironobu Sakaguchi qui commence le développement de Final Fantasy en 1986. Enfin presque. Les membres de Square étant en vacances, Sakaguchi confie la tâche de définir les grandes lignes du futur RPG à Koichi Ishii. Ce dernier se base sur les pistes laissées par son chef : les éléments fondateurs (feu, eau, vent…) contenus dans des cristaux. Ishii crée alors la mythologie des cristaux dont dépendent l’équilibre du monde. Mais notre homme ne s’arrête pas là, il suggère aussi le concept de boucle temporelle – le premier donjon et le premier boss sont aussi les derniers -, définit le design général, conçoit les personnages et instaure la vue de côté lors des affrontements. Pour Koichi Ishii, il y a trois éléments très importants dans un combat : l’environnement, nos personnages et les monstres. Il est donc essentiel que le joueur puisse voir tout cela à l’écran pour mieux s’immerger dans l’univers du jeu et s’attacher à sa bande de héros. Au retour de l’équipe, les travaux d’Ishii sont validés et le développement démarre réellement avec une idée en tête : faire mieux que Dragon Quest.

 

Tout est question de classe

 

 

C’est sur un texte déroulant que s’ouvre la première itération de la saga. Le monde se meurt. Les cristaux élémentaires, garants de l’équilibre naturel, ont été subtilisés par quatre démons. Mais tout n’est pas perdu car une ancienne prophétie annonce l’arrivée d’élus qui restaureront leur éclat. Ces quatre guerriers de la Lumière, destinés à sauver le monde, c’est à nous de les créer. Le joueur est libre de choisir le nom de ses héros et surtout leurs classes. Au nombre de six, elles ont chacune leurs avantages et inconvénients. La composition de l’équipe étant totalement laissée au joueur, c’est également la difficulté, l’équilibrage et l’expérience globale qui étaient déterminés par ce choix initial. Ainsi tenter l’aventure avec quatre mages blancs sera forcément plus compliqué qu’avec un groupe plus varié. Aucune indication n’étant donnée en jeu, ce sera au fil de la partie que nous découvrirons si la composition choisie est viable. De quoi garantir une certaine rejouabilité. En outre, chaque classe peut évoluer et acquérir de nouvelles capacités ce qui permet de renouveler l’aspect stratégique des combats.

Final Fantasy I
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Final Fantasy I
Final Fantasy I
Final Fantasy I
Final Fantasy I

 

Ces jobs choisis, le jeu débute par l’arrivée de votre équipe à Cornélia. Le roi, pensant reconnaître les quatre élus de la prophétie, confie à nos héros la mission de sauver sa fille Sarah des mains de Garland, un chevalier renégat. Suite à un combat acharné, les héros victorieux sont autorisés à continuer leur quête de sauvetage du monde. Ils traversent alors le pont qui les sépare du reste du continent, faisant ainsi enfin apparaître le titre du jeu, le tout sur quelques notes qui deviendront le thème emblématique de la série. Vous apprendrez par la suite que les quatre cristaux ont été volés par autant de démons élémentaires qu’il vous faudra occire avant d’atteindre la source du mal : Chaos. L’aventure se déroulera de manière classique en vous faisant alterner visites de villages, exploration de la carte et donjons labyrinthiques. Autant être honnête, Final Fantasy ne brille pas par son scénario. Excepté un twist final à base de boucle temporelle, l’intrigue est somme toute assez basique pour un RPG et se résume à enchaîner des petites quêtes en parlant à tous les PNJ pour trouver son chemin. Heureusement, ce premier épisode a d’autres atouts dans sa manche…

 

 

Un jeu qui en met plein la vue (de côté)

 

Final Fantasy est une véritable révolution à sa sortie et ce pour plusieurs raisons. D’un point de vue technique, ses graphismes sont magnifiques comparés aux autres jeux de rôle disponibles à la même époque. Chaque lieu possède une ambiance particulière malgré un choix de couleurs très restreint – trois maximum en plus du noir-. Cette limitation, due aux capacités techniques de la console, est aussi valable pour les ennemis et les personnages (seuls les boss possèdent six couleurs). Ce travail d’orfèvre est à attribuer à Kazuko Shibuya, qui est aussi à l’origine des menus et de l’emblématique curseur en forme de main. C’est elle qui a réalisé les sprites des personnages – à l’exception des héros conçus par Koichi Ishii-, les monstres et les décors que l’on croise tout au long de l’aventure. Si la plupart du contenu visuel venaient de son imagination ou de celle de son équipe, beaucoup de créatures étaient l’œuvre de Yoshitaka Amano.

 

Autre élément notable, la musique composée par Nobuo Uematsu, dont c’est la seizième contribution pour un jeu vidéo, exploite très bien le processeur sonore limité de la NES. Pourtant, les choses n’avaient pas très bien commencé puisque toutes ses compositions étaient refusées par Hironobu Sakaguchi. Heureusement ce dernier a fini par lâcher du lest et à faire confiance à son compositeur. Libéré de ce poids, le musicien compose des mélodies digne d’un orchestre. L’ADN de la série est déjà présente avec l’apparition dès ce premier épisode de thèmes mythiques comme « Main Theme » ou « Victory Fanfare ». Il existe d’ailleurs une anecdote amusante concernant le morceau « Prelude ». Souvent considéré comme étant le thème le plus important de la série, il fut composé en une dizaine de minutes au dernier moment pour accompagner la nouvelle scène d’introduction. Sûrement ce que l’on appelle le talent ! La direction artistique et la technique sont donc de vraies réussites mais là où Final Fantasy fait aussi très fort c’est au niveau de l’ergonomie.

 

 

En quête d’action

 

Beaucoup de RPG de cette époque utilisaient des menus contextuels pour la moindre action et décrivaient tout ce qu’il se passait avec des tas de lignes de texte. Vous vouliez ouvrir une porte ? Une fenêtre s’ouvrait pour vous demander si vous êtes sûr. Vous frappiez un ennemi en combat ? Le jeu vous disait que vous tapiez votre adversaire avec votre épée et que cela lui avait fait perdre 10 PV. Bref, les RPG étaient assez lents et passaient systématiquement par des tas de menus dès qu’il y avait une action à faire. Cette lenteur est d’ailleurs une des raisons pour laquelle nombre d’éditeurs ne croyaient pas à l’arrivée de ce genre de jeux sur consoles de salon. Qui voudrait passer des heures à lire devant son écran ? Et si Dragon Quest a su prouver le contraire, il restait tout de même assez lourd. L’angle d’approche de Sakaguchi et son équipe fut donc de rendre Final Fantasy plus direct. Vous voulez monter un escalier ? Le jeu le comprend tout seul et fait monter votre personnage sans que vous ne deviez lui confirmer par menu interposé. De même, une simple pression de la touche d’action devant un objet ou un PNJ suffit à lancer un dialogue ou un événement. Adieu menus contextuels, faites place aux actions contextuelles ! Et cette ergonomie simplifiée ne se limite pas qu’aux phases d’exploration mais s’applique également aux combats.

 

Final Fantasy I

 

Avant Final Fantasy, la majorité des RPG avaient fait le choix de représenter leurs batailles par une rangée de monstres vus à la première personne. Nos valeureux combattants n’étaient que rarement visibles et la plupart des actions étaient décrites de manière textuelle. La surprise est donc de taille lorsque se lance la première bataille de Final Fantasy. Héros comme ennemis sont visibles à l’écran et se tiennent face à face. Tout est parfaitement délimité, lisible et surtout les différents textes sont réduits au strict minimum puisque nombre d’informations sont désormais visuelles. Cette représentation de côté marque les esprits et deviendra un standard pour le genre pendant de très longues années.

 

 

Des débuts prometteurs

 

Après un peu moins d’un an de production et un coup de main de la part de l’équipe B de Hiromichi Tanaka, Final Fantasy sort au Japon le 22 décembre 1987. Innovant dans presque tous les domaines, à la pointe technologique et bénéficiant d’une direction artistique de haute volée, le titre de Square est une franche réussite. Le jeu est plutôt bien reçu par Famitsu – seul magazine de l’époque qui accepte d’en parler – qui lui octroie un 34 sur 40. Cette note et le bouche-à-oreilles autour du jeu lui permettront de s’écouler à 400 000 exemplaires dans les premières semaines et de terminer son parcours aux alentours de 600 000. Heureusement que Sakaguchi, désirant assurer une suite, avait réussi à obtenir de sa direction le double de cartouches, le tirage prévu initialement étant de 200 000.

 

Fort de ce succès, et galvanisé par l’export réussi de Dragon Quest en Amérique du Nord, Final Fantasy traversera l’océan Pacifique et atteindra les NES américaines en 1990. Nouvelle réussite puisque Final Fantasy finira sa carrière américaine avec 700 000 exemplaires vendus portant le nombre de ventes mondiales à 1,3 million. Un score plus qu’honorable mais encore loin du grand rival. Le premier Dragon Quest s’étant vendu à 3 millions d’exemplaires dans le monde. Qu’importe, ces résultats sont plus que suffisants pour lancer la production d’une suite.

 

 

Les portages

 

Final Fantasy a connu de très nombreux portages au cours des années sur un nombre incalculable de supports. Le jeu ressortira tout d’abord sur MSX2 en 1989 avec des améliorations graphiques et sonores puis en 2000 sur WonderSwan Color. Grâce à la puissance de cette console, Final Fantasy va connaître une véritable cure de jouvence. Les graphismes sont retravaillés, passant de l’ère 8 bits à celle des 16 bits. L’interface des combats et des magasins est modifiée afin d’être plus proche de celle des épisodes sortis entre-temps. De même, les musiques sont remixées et de nouveaux morceaux sont ajoutés. Des cut-scenes et de nouveaux dialogues ont été inclus afin d’étoffer le scénario original. Au niveau du gameplay, notre personnage peut désormais courir, quelques mécaniques de combat ont été améliorées et on peut désormais oublier des sorts afin de les remplacer par d’autres. Ces ajouts ayant simplifié le jeu, les PV de tous les monstres et boss ont été augmentés afin de préserver l’équilibre général. En 2002 sort la compilation Final Fantasy Origins sur PS1. On y retrouve les deux premiers épisodes de la série dans leurs versions WonderSwan Color. Mis à part de légères améliorations graphiques et sonores, on note l’apparition de scènes cinématiques, d’un menu bonus proposant le bestiaire et des artworks ainsi qu’un mode Facile.

 

Final Fantasy I

La GBA accueillera une nouvelle compilation en 2004. Sûrement la version la plus connue et appréciée par chez nous car intégralement traduite en français. Les graphismes sont encore une fois retravaillés. Le système de combat a été repensé et utilise désormais les PM pour les magies ce qui rend le jeu encore plus simple. Il s’agit d’ailleurs d’un reproche régulièrement fait au titre qui est basé sur le mode Facile de la version PS1. Les objets coûtent moins cher, les queues de phénix, qui permettent de ranimer un personnage, sont ajoutées et on monte plus vite de niveaux. Le plus gros ajout reste la présence de quatre donjons optionnels vous proposant de récupérer des pièces d’équipement très puissantes et d’affronter des boss provenant d’autres épisodes de la série. C’est aussi cette version qui ajoutera une référence à un certain Cid au détour d’un dialogue. Un moyen de faire le lien avec la tradition initiée dans le deuxième épisode voulant que chaque FF ait son Cid. Pour fêter en grande pompe les 20 ans de Final Fantasy en 2007, la PSP a accueilli un énième portage du premier épisode. Basée sur la version GBA en termes de contenu, mais offrant une meilleure résolution d’image et des sprites lissés, cette itération ajoute encore un nouveau mode baptisé le « Labyrinthe du Temps ». Il s’agit d’un donjon qui vous impose plusieurs épreuves chronométrées. Selon votre temps total, les récompenses et l’apparence de Chronodia, le boss final, changeront. Sachant qu’il existe huit versions du boss, vous risquez de passer un long moment dans ce dédale !

 

Final Fantasy I

 

En parallèle, Final Fantasy est sorti sur quasiment tous les stores en ligne ainsi que sur mobiles. En 2021, Square Enix annonce l’arrivée de Final Fantasy Pixel Remaster. Sous ce nom se cachent de nouvelles versions des six premiers épisodes. Les graphismes sont retravaillés par Kazuko Shibuya et Nobuo Uematsu supervise la réorchestration des morceaux originaux. Le but est d’offrir une expérience unifiée entre tous ces jeux tout en restant le plus fidèle possible aux originaux. Cela s’accompagne de petites améliorations très appréciables comme une carte détaillée même dans les donjons, la possibilité d’accélérer la vitesse du jeu ou de passer les combats en automatique. Concernant le premier Final Fantasy, cette refonte est sûrement la meilleure porte d’entrée pour quiconque voudrait découvrir les origines de la saga puisque le système de magie vancien de la NES est rétabli et la difficulté rehaussée. En contrepartie, les ajouts des versions GBA et PSP ont été supprimés, ce qui provoqua la grogne de nombreux joueurs.

 

Cette présentation est une version abrégée du chapitre 2 de l’Histoire de Final Fantasy que vous pouvez lire ici !