Depuis quelques années, Square s’est attelé à remettre en avant la licence SaGa jusqu’alors dans l’ombre des mastodontes Final Fantasy, Dragon Quest et autres. Cela passe par de nouveaux jeux – comme SaGa Emerald Beyond – et une tripotée de remasters à la qualité variable. Reste à voir dans quelle catégorie se classe ce SaGa Frontier 2 Remastered (même si le titre de l’article est un bon indice).

 

Test réalisé à partir d’une version tournant parfaitement sur Steam Deck. Merci à Square Enix France pour l’envoi d’un code de jeu.

 

Une relique du passé

 

Nous pourrions revenir sur la création de la licence SaGa par Akitoshi Kawazu et son indéfectible investissement dans celle-ci depuis le tout début mais cela alourdirait quelque peu ce test. Sachez juste que chaque épisode est totalement indépendant et ne partage que quelques termes et mécaniques de gameplay. Nul besoin donc de lancer SaGa Frontier premier du nom au préalable – ce qui est un soulagement. Et si les origines de la série vous intéressent, je vous invite à lire cet article qui en retrace les débuts.

 

Sorti sur PlayStation en 1999 au Japon, puis en 2000 dans le reste du monde, SaGa Frontier 2 avait fait très forte impression de par ses magnifiques décors réalisés à l’aquarelle. Le titre avait également su charmer les aficionados du genre et jouit encore aujourd’hui d’une belle renommée. Square Enix ayant de plus entamé une réhabilitation de la licence SaGa auprès du public occidental, il n’est guère étonnant de voir revenir ce titre qui fut annoncé en grande pompe lors du Nintendo Direct du 27 Mars 2025 et rendu disponible dans la foulée. Un shadow drop moins impactant que celui du récent Oblivion mais qui démontre une nouvelle tendance dans le milieu. Une méthode supposée attiser la curiosité des fans, éviter les attentes démesurées et la hype, mais aussi esquiver le défilé des tests pouvant parfois se montrer sans pitié. Surtout envers les remasters se montrant paresseux.

 

 

C’est l’histoire de deux gars…

 

Grande tradition de la série, le scénario du jeu ne se suit pas de manière classique. Cependant, contrairement à son prédécesseur, SaGa Frontier 2 ne propose pas plusieurs scénarios vaguement connectés mais une seule trame étalée sur plusieurs générations où nous suivrons d’un côté Gustave, un jeune prince déchu voulant récupérer son trône, et de l’autre Wil, un explorateur en quête de réponse sur la disparition de ses parents. Plusieurs personnages gravitent autour de nos deux protagonistes et nous aurons au final un casting plutôt conséquent à diriger. Cette narration à deux têtes est également l’opportunité pour les développeurs de proposer deux approches : une très scénarisée autour de Gustave et une autre, tournée vers l’exploration et les combats, avec Wil. De quoi varier les plaisirs.

 

SaGa Frontier 2 Remastered : service minimum
C’est via cet écran que vous choisirez le chapitre à jouer. Il y en a une soixantaine en tout, de taille variable.

Mais là où le bât blesse, c’est sur la structure même de l’histoire. Celle-ci est découpée en petits chapitres nous présentant une tranche de vie d’un personnage. Parfois, il s’agit d’une saynète de quelques minutes et à d’autres moments, c’est un long donjon fastidieux qu’il faudra parcourir de bout en bout pour… pas grand-chose. Le tout est également particulièrement décousu, plusieurs années séparant parfois deux chapitres sans que l’on ait véritablement d’éléments de contexte ou d’explications des enjeux. Même si la trame de Gustave reste plus scénarisée, on finit par décrocher un peu face aux multiples ellipses, changements de point de vue et disparitions hors champ. Je n’ai ainsi pas terminé le jeu, m’arrêtant au bout d’une vingtaine d’heures, car m’étant désintéressé de ces destinées morcelées.

 

C'est tout de même très beau.
C'est tout de même très beau.
L'UI, très moche, peut être masquée via un tour dans les menus.
L'UI, très moche, peut être masquée via un tour dans les menus.

 

SaGa, c’est trop fort pour moi

 

Akitoshi Kawazu n’aime pas la simplicité. Cela s’est vu avec le système de progression de Final Fantasy II mais dites-vous que c’est pire pour SaGa. Tout est abscons, peu intuitif et même après avoir fait un tour dans les divers menus et tutoriels, il est fort possible que certaines subtilités continuent de vous échapper. Toutefois, s’il fallait résumer le système d’évolution en un mot, ce serait aléatoire. Vous ne savez jamais quand vos statistiques vont augmenter, ni de quelle manière, et les nouvelles techniques et compétences s’apprennent au fil de l’eau quand le jeu le décide. Ainsi, il m’est arrivé d’apprendre cinq nouvelles attaques en un seul affrontement, là où un autre personnage n’en a appris qu’une en dix heures. Résultat, on a l’impression de ne rien maîtriser, on se retrouve en difficulté avec des personnages souvent inefficaces et on se casse les dents sur les boss et l’équilibrage mal pensé du jeu et ses pics de difficulté incompréhensibles. Pour tenter de contrebalancer ce défaut, le remaster inclut la mécanique d’héritage. Concrètement, cette dernière permet de s’épargner des heures de farm en transférant toutes les compétences et statistiques d’un personnage à un autre. Si cela adoucit effectivement quelque peu la courbe de difficulté, le jeu reste sans pitié et les boss du dernier tiers de l’aventure sont une horreur.

 

SaGa Frontier 2 Remastered : service minimum
Ce truc va vous donner des sueurs froides.

 

Pour ne rien arranger, le système de combat est lui aussi très dense. HP, LP, SP, WP… chaque personnage dispose de plusieurs types de points aux utilités diverses (compétences physiques, soin, magies…) qui se rechargent (ou pas) de manière automatique au début du tour. Sachant qu’il n’existe pas de moyen de les récupérer en cours de chapitres, il faudra faire extrêmement attention à ne pas consommer toutes nos ressources lors de l’exploration. Comme précisé précédemment, les compétences s’apprennent au petit bonheur la chance selon l’envie du jeu mais également le type d’équipement que vous portez et l’affinité élémentaire de ces derniers. Par exemple, un anneau d’élément eau enseignera des compétences liées au soin là où un anneau de feu se concentrera sur les dégâts de zone par exemple. Bien entendu, absolument rien en jeu ne viendra vous aiguiller dans vos choix. Dernier clou dans le cercueil du fun, les armes ont un nombre d’utilisations limité et se briseront sans possibilité de les réparer. Prévoyez donc du stock pour les donjons les plus longs…

SaGa Frontier 2 Remastered : service minimum

 

Et justement, parlons de l’exploration. Ces séquences se retrouvent principalement au cours du scénario de Wil et se font à l’ancienne, c’est-à-dire via le passage d’un écran à un autre (comme les FF sur PS1). Et mon dieu que c’est fastidieux. Les décors, certes magnifiques, sont peu lisibles, rendant la progression peu claire. Mais le plus gros défaut reste l’absence totale d’indications sur la marche à suivre pour atteindre notre objectif. Nous sommes donc condamnés à tourner en rond durant de trop longues minutes et à parler à tous les PNJ une dizaine de fois pour espérer se débloquer. Le summum de l’horreur étant l’infiltration d’un gang en début d’aventure pour laquelle j’ai fini par utiliser une soluce tant la logique des développeurs et l’agencement des lieux est absurde. Si certains appelleront ça le “charme rétro”, d’autres clameront que ça a sacrément mal vieilli.

 

 

 

 

Au moins, c’est beau

 

Véritable argument marketing à l’époque, les décors à l’aquarelle sont toujours aussi sublimes et on ne peut que regretter que les sprites n’aient pas bénéficié du même soin. Assez grossiers lors de l’exploration et les combats, ils se montrent même disgracieux lors des duels. Il est également dommage que l’incroyable travail de Tomomi Kobayashi ne soit pas plus mis en avant lors des dialogues ou dans les menus.

 

Qu'est-ce que c'est que ces pieds !?
Qu'est-ce que c'est que ces pieds !?
Le jeu propose aussi quelques séquences tactiques un peu anecdotiques.
Le jeu propose aussi quelques séquences tactiques un peu anecdotiques.

 

Du côté musique, on retrouve Masashi Hamauzu (Final Fantasy XIII notamment) qui signe ici sa quatrième bande-son. Une OST efficace mais trop discrète et classique pour véritablement rester en mémoire. On trouve néanmoins de sympathiques morceaux comme le thème de combat “Feldschlacht I”.

 

 

Dernier point d’importance, contrairement à la version PS1, ce remaster n’est pas traduit. Un choix incompréhensible – probablement justifié par les deux-trois saynètes inédites, qui ajoutent un nouvel obstacle aux joueurs désirant plonger dans l’aventure…

 

Systèmes de jeu alambiqués, scénario dispersé, absence d’explications et non-traduction, autant de points qui m’empêchent de recommander ce jeu aux néophytes de la série. Déjà compliqué à l’époque, ce remaster ne fait pas grand-chose pour lisser l’expérience de jeu et se montre sans pitié. Il n’en reste pas moins un titre important dans l’histoire de la série et nul doute que sa ressortie ravira les fans de la première heure.

 

SaGa Frontier 2 Remastered : service minimum