Si Square-Enix s’est séparé il y a quelques temps de ses branches non-japonaise de développement de jeu, et des jeux qui allaient avec, il existe toujours un tout petit portfolio de licences « occidentales » que l’éditeur a décidé de garder. Parmi celles-ci, Life is Stange est probablement une de celles qui possède le plus de capital sympathie auprès des fans.

Du haut de ses presque dix ans d’existence, trois jeux principaux, une préquel et un court mais très bon jeu d’aventure gratuit, on attendait avec impatience le quatrième opus de la série.

Sorti le 29 octobre dernier, il est temps pour nous de (re)plonger dans le monde de cet univers aussi ordinaire que fantastique.

 

Plateforme : Playstation 5, Xbox Series, Microsoft Windows et Switch.

 

Test rédigé à partir d’une version PS5. Merci à Square-Enix France pour l’envoi du code.

Temps de jeu : Environs 15h pour une première partie sans trop se presser. Compter 8-10h de plus pour le 100%.

Note: Toutes les captures de ce test ont été réalisées sur une PS5 normale avec le jeu configuré en mode qualité.

Une Max et ça repart !

Après les événements du premier jeu s’étant terminé <insérez ici votre choix de fin du 1> et dix années de pérégrination photographique à travers les USA, Max est invitée en tant qu’artiste en résidence pour un an à la prestigieuse université d’Arts et Sciences de Calderon. Une vie plus calme et rangée qui va vite tourner en une sombre histoire de meurtre sur le campus sous fond de double réalité que seule Super Max armée de ses nouveaux pouvoirs peut résoudre.

 

Life is Strange: Double Exposure
Une nouvelle aventure ! (Non, on ne va pas sur la lune)

Possédant un capital sympathie très élevée auprès des fans, Maxine Caulfield et sa comparse Chloé Price (qui a elle déjà eu droit à une préquel nommée Before the Storm) sont l’essence même la série Life is Strange. C’est donc peu dire que le retour de Max, protagoniste du premier, était attendu de pied ferme par les fans

Depuis le troisième épisode ce ne sont plus les Français de DON’T NOD mais les Américains de Deck Nine qui sont à la baguette de la licence pour le compte de Square-Enix. Ayant tout d’abord livré la préquel assez moyenne Before the Strom (pendant que DON’T NOD travaillait sur le plutôt bon Life is Strange 2) et le sympathique mais un peu court Life is Strange 3 : True Colors, Double Exposure fait donc office de confirmation pour le studio.

 

C'est moi Super Max !
C’est moi Super Max ! (et mon habit Mog du DLC à 20€)

Au niveau de l’histoire, on retrouve donc une Max âgée de 28 ans qui a oubliée/perdue ses pouvoirs de rembobinage du temps.  Elle est de retour dans un milieu scolaire en tant qu’artiste et professeur temporaire.

Ce choix n’est évidemment pas anodin, il permet de faire écho au premier opus et sa fameuse Académie Blackwell mais également aux évènements qui se passait dans ce premier jeu.  Mais à l’égard de la « Postologie » d’une certaine série de films, ce choix est à double tranchant car on ne peut s’empêcher de comparer les deux épisodes. Et là où le premier excellait dans sa narration, ses personnages attachants et ses interactions de rembobinage, ce quatrième opus a beaucoup plus de mal.

La double exposition

Dans le premier jeu, l’histoire commence avec le meurtre de Chloé que Max parvient à « annuler » en rembobinant (découvrant par la même occasion ses pouvoirs). Dans cet opus, un nouveau meurtre a lieu mais Max ne peut plus rembobiner. Elle découvre alors un nouveau pouvoir lui permettant de voir et alterner entre deux réalités : une où le meurtre a eu lieu, et une autre où il n’a pas eu lieu.  

 

L'autre réalité
Voir l’autre réalité sans y aller ? Pratique !

Si le meurtre n’a pas eu lieu dans cette réalité alternative, la personne visée semble tout autant menacée. Max part donc enquêter pour empêcher le meurtre de se produire ici aussi tout en essayant de comprendre et résoudre celui dans l’autre. L’utilisation du nouveau pouvoir permet de voir ou passer à sa guise d’une réalité à l’autre afin de résoudre les différents objectifs. Ceux-ci sont plutôt bien indiqués et la difficulté est assez triviale. De ce fait, on a plus l’impression d’être sur un walking-sim à choix (ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose).

On dit que choisir, c’est renoncer

Parlons-en des choix, dans le premier LiS, ceux-ci pouvaient être choisi et dé-choisi (à quelques exceptions près) à volonté. Cette mécanique permettait de voir les différentes résolutions à court terme, ou de revenir sur une réponse / action qui allait impacter plus profondément l’histoire plus tard sans devoir recharger une sauvegarde. Cela donnait l’impression au joueur de pouvoir affiner l’histoire tel que ce dernier le voulait, même si elle restait globalement la même. Ici, pas de retour en arrière, sauf si vous rechargez votre dernier point de passage avant la sauvegarde-auto. On retrouve donc ici une mécanique plus classique des jeux du genre, mais avec des choix qui sont malheureusement peu impactant sur l’histoire.

 

Choix à impact
Date ou pas date ? Attention, ce choix est important !

Par exemple, en choisissant vers le début quelle est votre « fin canon » du premier jeu, les différences entre ces deux possibilités sont très limitées : quelques lignes de dialogues, images, quelques notes dans le journal ou sur le téléphone. Si on peut arguer qu’il s’agit avant tout d’éviter un développement trop long, couteux et complexe, à l’instar d’un jeu Quantic Dream et son encyclopédie de scripts, cette limitation se retrouve sur tous les choix « impactants ».

 

Lis DE - Le journal
Le journal de Max est toujours présent !

Tout au plus, suivons-nous un fil principal en bougeant un petit peu le curseur des relations entre Max et les différents personnages. Ceux-ci mèneront peut-être à l’apparition d’une scène supplémentaire qui, bien souvent, n’amènera pas grand-chose à la toile de fond de l’histoire. Le point culminant revient au choix final qui ne change… rien car promis à une suite. Tout le contraire du final du 1 et ses deux fins différentes ou du deuxième avec ses sept fins possibles. Bien dommage ici, de quoi se demander à quoi peut servir un choix « crucial » ou non crucial ?

 

Avez-vous fait les même choix que les autres joueurs ?
Avez-vous fait les mêmes choix que les autres joueurs ?

Le doigt sur l’objectif

Life is Strange est connu pour ses personnages et leurs histoires parlant de sujets forts, difficiles et/ou impactants. Ici encore, on retrouve une pléthore de personnages aux origines et profils différents. Ces derniers sont intégrés de manière plutôt naturelle à l’histoire et sont plutôt bien écrit. Et… c’est plus ou moins tout.

 

Safi, Moses et Max
Safi, Moses et Max un trio qui fonctionne pas si mal.

En effet,  on restera bien souvent « en surface » dans nos relations lors des interactions avec ces derniers. Une faute que l’on pourrait en partie imputer à la double réalité qui nous donne deux fois le même personnage évoluant un peu différemment. Nos interactions et lien social avec eux sont donc parfois différents. Et si justement ce dernier point nous permettrait de « gratter » un peu cette surface et que l’on l’entrevoit parfois, le jeu lui ne nous permet pas de faire ce genre approfondissements.

Car en réalité, Double Exposure n’est pas vraiment un jeu sur des thématiques ou des relations impactantes mais plus un jeu sur les pouvoirs surnaturels avec un côté un peu science-fiction de série Netflix. C’est probablement le point qui va décevoir les fans de la première heure de la série.

Certes, le jeu parlera un peu des jeux d’influences de personnes avec du pouvoir, du désespoir au suicide pouvant en résulter, mais ces thèmes ont surtout l’air d’être là pour être là. Présent en tant que toile de fond pendant quelques chapitres, ceux-ci sont entièrement balayés à la fin comme s’ils n’avaient jamais existé. De quoi rester perplexe sur l’idée générale des scénaristes et leur objectif pour ce jeu.

 

Max et son Polaroid mènent l'enquête !
Max et son Polaroid mènent l’enquête !

Pourtant, tout avait plutôt bien débuté, le rythme et ressentit global sont plutôt bons sur les trois premiers chapitres. On est pris dans le jeu de l’enquête, on discute (un peu superficiellement certes) avec les personnages, on théorise, et on a un peu cette impression d’être une super-enquêtrice au milieu d’une série de science-fiction. Le pitch du jeu a l’air plutôt simple et clair : on se laisse aller au jeu et on s’amuse.

Mais dès lors le point culminant des révélations atteint à la fin du chapitre 3 / début du chapitre 4, les choses se gâtent. On perd le fil de ce que l’on était train de faire, embarqué dans une complexification de l’histoire imposée par les scénaristes. Eux-mêmes donnent l’impression de ne plus vraiment savoir où ils vont. Le dernier chapitre en ajoute une couche dans un gloubi-boulga d’enchainement de scènes coupées au hachoir comme si les contraintes de temps et budgets les avaient rattrapés. Le tout pour finir sur cette double « même fin » sans réel cliffhanger promettant le retour de Max dans un prochain jeu. Vraiment,  il y avait mieux à faire.

 

Après la biche du 1, le hibou est l'animal de cet épisode
Après la biche dans le 1, le hibou est l’animal de cet épisode.

Irréellement beau

La technique du jeu, dans la version PS5 testée, est plutôt bonne. Unreal Engine fait comme toujours des merveilles sans que l’on ne remarque trop la patte visuelle du moteur. En effet, le jeu profite d’une direction artistique propre tout en ne tombant pas dans les travers du réalisme exacerbé avant tout. Très appréciable également, les expressions des visages et animations sont de qualités et donnent littéralement vie aux personnages.

 

Panorama au Snapping Turtle
Les moments de pauses pour souffler un peu sont toujours présents.

On notera tout même quelques soucis techniques de streaming de textures qui peuvent être un peu dérangeant par moment (car vraiment visible). Il y a également quelques glitches visuels gênants dans la toute dernière scène avec Max. Ceux-ci ne sont toujours pas corrigé avec le dernier patch du jeu disponible à l’heure actuel.

 

LiS DE - Options d'accéssibilités
Pas mal de choix, notamment d’accessibilités, pour customiser son expérience de jeu !

Au niveau son, on notera de très bons doublages. L’ayant testé en français et anglais, ma préférence va pour le doublage français. Quoiqu’il en soit, les deux sont vraiment bons et permettent une bonne immersion lors des différentes scènes.

Enfin, toujours au niveau sonore, on épinglera une très bonne bande originale créée spécialement pour le jeu. Un point sur lequel ce dernier, comme ses prédécesseurs, ne déçoit pas. C’est d’ailleurs un gros plus lors de ces fameuses scènes iconiques où on prend le temps de faire le point sur ce qu’il vient de se passer dans le jeu.

La vie est chère

Créer un jeu à un coût. Celui-ci est plus ou moins élevé en fonction de différents paramètres : nombre de personnes impliqués, ce que l’on met dedans, le temps, le marketing …

Je n’y irais pas par quatre chemins : Si True Color était déjà vendu fort cher pour le contenu, Double Exposure est lui aussi vendu bien trop cher. Le jeu de base aurait mérité une réduction de 10€ sur son prix de vente. C’est d’autant plus vrai que le  jeu possède 2 DLC vendu respectivement 10€ et 20€ !

 

Du DLCs bien cher
Il y a du choix en habits avec les DLCs, mais qu’est-ce que c’est cher !

Si le DLC à 10€ et ses quatre tenues est dispensable, celui à 20€ et son contenu « félin exclusif » est quant à lui nécessaire si vous voulez réaliser le 100%. Là aussi, l’investissement n’en vaut pas la chandelle. Mon meilleur conseil est d’attendre les soldes ou une promo pour vous procurer le jeu si vous voulez le faire. Et si vous n’êtes pas complétionniste, seul le jeu de base possède un intérêt.

Conclusion

Que retenir de ce nouveau Life is Strange ? Ce Double Exposure est un jeu correct dans l’ensemble. Mais si vous êtes fan du premier : vous risquez d’être déçu. Il est clair que Max méritait mieux pour son retour. Après un bon départ, la prise des pieds dans le tapis sur la fin nous laisse plus que jamais perplexe pour la prochaine aventure teasée.

Deck Nine n’est définitivement pas DON’T NOD. Là où les Français avaient réussi à élever encore le niveau avec leur deuxième opus, les Américains eux font clairement du surplace depuis trois jeux. Il faudra pourtant que ces derniers fassent des « choix cruciaux » et clairs sur l’orientation qu’ils veulent donner à la série. Sinon, on risque bien de se retrouver avec un MCU (Marvel Cinematic Universe) du pauvre et beaucoup de regrets sur ce que la série Life is Strange aurait pu devenir.