Final Fantasy et ses fans

Je n’ai pas la prétention d’avoir une parole d’évangile. Tout ce qui suit ne concerne que mon humble ressenti devant ces fans qui se déchirent sur les réseaux sociaux pour des tas de raisons plus ou moins justifiées. J’aimerai aborder les principaux reproches qui reviennent le plus souvent concernant Final Fantasy XVI mais aussi la saga dans sa globalité. J’ai déjà exprimé mon avis sur certains points dans des articles ou lors de streams mais j’avais envie de structurer un peu le tout. Et surtout, j’aimerai que mes propos donnent lieu à de vraies discussions et non pas une succession d’avis tranchés sans argumentation.

Final Fantasy XVI n’est pas un Final Fantasy parce que…

Probablement l’affirmation qui revient le plus. Prenez le temps de vous poser devant une feuille et notez ce qui selon vous fait d’un FF un FF. C’est bon ? Maintenant comparez votre liste avec n’importe quel autre fan et je suis sûr qu’elle sera totalement différente. Lorsque l’on voit au gré des interviews que les hommes derrière la saga ne sont pas d’accord sur ce qui définit un Final Fantasy, on peut se demander s’il y a vraiment une définition. Final Fantasy est changeant. Chaque épisode part d’une volonté de renouvellement. Le scénario, les combats, la musique… Tout est remis à plat afin créer quelque chose d’unique. Certes, il y a des points communs et des éléments récurrents, mais il serait réducteur d’affirmer que Final Fantasy ne se résume qu’à ses chocobos… Surtout, cela voudrait dire que le premier épisode de la série Final Fantasy n’en serait pas un ! Comme vous, j’adore retrouver les Pampas, les différents types de sorts ou les invocations, mais FF est bien plus que ça et pourrait totalement briller sans ces éléments.

Si vous faites partie des joueurs ayant répondu qu’un « FF c’est du tour par tour ». Je suis désolé mais vous êtes dans le faux. FF I, II, III et X sont du tour par tour. Les autres épisodes ont introduit une composante action via l’ATB et il n’est dès lors plus question de tour par tour pur (dans le sens où l’on sélectionne nos actions au début de chaque tour à la manière des Golden Sun ou Dragon Quest par exemple) puisque chaque protagoniste attaquera selon sa vitesse et les différents bonus/malus. D’autant plus que le jeu continue lorsque vous parcourez les menus ! Cette volonté d’être plus direct fait partie de l’essence de Final Fantasy. Dès le premier épisode, Sakaguchi et son équipe ont voulu mettre l’action au centre de l’expérience de jeu. Là où tous les autres RPG passaient par du texte, Square a amené des actions contextuelles, des personnages visibles à l’écran (avec changements de posture) et des effets visuels incroyables. Cette volonté de rendre le jeu immersif, cinématographique, et placer le joueur au cœur de l’action n’a jamais quitté la série. Il y a d’abord eu les invocations et leurs déluges d’effets visuels puis les séquences d’histoire pleine d’émotion avec comme apothéose la séquence de l’opéra de Final Fantasy VI. La franchise marquera un nouveau pas avec Final Fantasy VII et l’arrivée de la 3D et des cinématiques (d’ailleurs critiquées par une frange de joueurs à l’époque…). S’en suivra une montée en puissance tout au long de la saga avec un scénario toujours plus présent et des joueurs toujours plus proches de l’action. D’abord avec FF XII et ses combats sans transition aux personnages se déplaçant librement, puis FF XIII où l’IA vous aide en présélectionnant les techniques, toujours dans cette volonté d’aller plus vite. Et enfin FF XV. L’épisode maudit qui a définitivement enterré l’ATB au profit de l’action. Si l’essai s’est révélé assez brouillon (quoique rattrapé en partie par les innombrables MAJ et DLC), il aura eu le mérite de donner naissance au système de FF VII Remake qui fonctionne particulièrement bien (même s’il n’est pas parfait dès qu’il s’agit d’affronter un monstre volant…). Il était donc plus que logique que la série embrasse définitivement ses aspirations avec Final Fantasy XVI.

Quant aux systèmes d’évolution et de personnalisation, là aussi c’est un renouveau constant. Matérias, jobs, cristariums, sphérier… Pas un seul de ces systèmes n’est revenu à l’identique dans un autre épisode. Et même si tous n’ont pas fait l’unanimité, personne n’a râlé outre mesure et les joueurs se sont adaptés. Le seul souci serait donc lié à la manière de jouer ?

Nous ne sommes pas tous égaux en matière de jeux vidéo. Que ce soit par contrainte de temps, de vie privée ou professionnelle, de budget… Tout le monde ne peut pas consommer le JV de la même manière. Là où certains ont énormément de temps et enchaînent les titres, d’autres ne peuvent jouer qu’à un jeu à la fois et il leur faut des mois pour le finir. Ces personnes restent sur des « valeurs sûres » ou des styles de jeux qu’ils affectionnent particulièrement. Je conçois donc totalement que le passage de RPG-Action à Action-RPG puisse les déstabiliser. Ils ont peur de s’investir dans un titre et de ne pas retrouver les sensations qu’ils ont eues sur les précédents en termes de gameplay. Il y a aussi les personnes qui ne sont juste pas à l’aise avec l’action. Quelqu’un qui joue essentiellement à des titres « posés » aura beaucoup de mal à passer à un jeu plus nerveux. Là encore, je comprends totalement. Mais pour tous ces joueurs, n’ayez crainte, le titre comprendra énormément d’options d’accessibilité et nul doute que la communauté s’entraidera comme à chaque fois. Et lorsque vous aurez pris vos marques, que vous serez entraînés dans l’histoire, alors vous pourrez réduire les aides du jeu pour voler de vos propres ailes.

Pour appuyer mes propos, j’aimerai prendre pour exemple FF XIV. À l’annonce du titre, j’ai fait partie de ces gens criant au scandale et la mort de FF (oui, j’étais idiot. Avec plus de 35 ans au compteur, ce n’est pas un épisode qui va tuer la série). Mais au fond, c’était surtout ma frustration de ne pouvoir y jouer (pas d’ordi ni d’internet décent, pas de temps) et mes fausses idées sur ce qu’était un MMO qui m’ont fait détester ce jeu. À mes yeux, cet univers terriblement vaste, ce vocabulaire extrêmement particulier (DPS ? Aggro ? ) et la nécessité de jouer avec d’autres me semblaient hors de portée. J’ai donc pendant longtemps considéré FF XIV comme un « faux » FF tout simplement car son gameplay ne me convenait pas. Et puis, j’ai grandi et j’ai pu me faire mon propre avis en me lançant dans A Realm Reborn. Je ne vais pas vous mentir, il y a un tas de choses que je ne comprenais pas. Je ne pigeais rien aux strats, il y avait des centaines de quêtes au mètre carré et arriver en ville était synonyme de hordes de joueurs sautant partout… Et pourtant, je me suis accroché parce que la direction artistique était réussie, que l’histoire m’intriguait et que j’avais quelques points de repère comme le bestiaire ou des termes récurrents. Si bien qu’aujourd’hui, je n’ai plus aucun problème avec cet épisode. Je n’accroche pas à tout, je passe à côté de 75% du contenu mais je m’amuse. Il faut passer outre ses craintes et ses appréhensions pour réellement laisser une chance au jeu. Et c’est pareil pour absolument tout. Si les gens s’arrêtaient à la première impression, je serais encore célibataire !

Maintenant, si vraiment vous êtes allergiques à l’action ou bien détestez ce genre d’univers médiéval sombre que propose FF XVI… Et bien passez votre tour. Je sais que c’est dur à entendre quand cela concerne une œuvre avec laquelle on a grandi mais toute chose a une fin. Tel Sacha qui quitte l’anime POKéMON, il est peut-être tout simplement temps pour vous de laisser Final Fantasy continuer sa route et de vous tourner vers autre chose. Bien sûr, c’est triste voire même rageant après tant d’années, mais c’est la vie. Mais dénigrer, exprimer son mécontentement, voire insulter joueurs et développeurs est aussi inutile que d’en vouloir au temps qui passe… Les époques évoluent, les équipes de développement changent et les jeux ne peuvent se permettre de proposer la même chose éternellement. Absolument aucune série n’a fait du surplace. Et si elles l’ont fait, les joueurs se sont montrés sans pitié face à ce manque d’audace. Final Fantasy ne fait pas exception et garder du tour par tour classique aurait certes contenté les anciens, mais il n’y aurait pas eu de nouveaux joueurs. Donc pas de revenus suffisants pour combler le coût pharaonique de titres de cette envergure. Les jeux indés regorgent de RPG au tour par tour tel que Chained Echoes ou Sea of Stars. Vous pouvez aussi vous tourner vers le rétro via les remasters, l’achat de vieilles consoles ou l’émulation. Et si vous voulez rester dans les jeux modernes des séries comme Dragon Quest ou Persona sauront vous contenter. Quant à l’univers trop sombre, il y a d’excellentes séries comme les Ys ou les Atelier qui sont colorés et beaucoup plus joyeux.

Au bout de plus de 35 ans de vie, Final Fantasy a peut-être échappé à ses créateurs. Après tout, c’est normal. Les développeurs donnent naissance à un jeu mais ce sont les fans qui les font vivre. Mais tout comme Star Wars ou Undertale, la communauté FF a pris une place extrêmement importante. Si bien qu’en parcourant Internet, on peut avoir l’impression que Final Fantasy est LEUR jeu et que eux-seuls savent ce qui est bon pour la série. Et il n’y a rien de pire que des fans fermés à l’évolution car ils sont impossibles à contenter. Si je conçois qu’il faille écouter les joueurs, il est inconcevable de répondre à toutes leurs doléances. Quelles personnes écouter ? Celles qui veulent du tour par tour ? Celles qui considèrent que la 2D, c’est mieux ? Les nouveaux joueurs ayant découvert la série avec FF XII, XIV ou XV ? Ou bien ceux qui se sont arrêtés au VI ou au X ? Repensez à la liste du début, la scission est inévitable. Je suis heureux que Final Fantasy évolue car cela veut dire qu’elle vivra encore de nombreuses années. Et si FF XVI, XXII ou un quelconque spin-off ne me plaît pas, ce n’est pas grave. Il y aura toujours un autre épisode à (re)faire ou un nouveau jeu à tester.

Ne soyez pas fermés à l’évolution. Soyez curieux, expérimentez, discutez, argumentez. Un Final Fantasy est toujours une aventure incroyable. Aussi bien en jeu que dans la vraie vie par le biais de rencontres entre fans, d’événements communautaires ou d’espaces de discussions. Peut-être que vous aurez du mal lors des combats de FF XVI ou que ses intrigues politiques vous perdront un peu. Mais je suis sûr que quoiqu’il en soit vous vous en souviendrez pour de longues années. Que vous soyez d’accord ou pas entre vous, vous en parlerez à tout bout de champ pendant que vous y jouerez, vous discuterez des boss, chercherez les secrets, partagerez vos astuces, vous soutiendrez, émettrez des théories… Soyez ouverts aux débats et ne tombez pas dans les extrêmes. Tout ne sera pas parfait, mais tout ne sera pas à jeter non plus. Pendant un temps, Final Fantasy XVI sera un lien entre tous les fans de la saga à travers le monde. Est-ce que ce n’est pas ça finalement la définition d’un Final Fantasy ?

Un titre, des centaines d’œuvres, des millions de fans.