Sorti de nulle part, le premier trailer de Stranger of Paradise Final Fantasy Origin, que j’appellerai SoPFFO par commodité, a surpris tout le monde. Annoncé comme un FF « à la Dark Souls », le jeu fut vite tourné en ridicule à cause du héros hurlant sa haine envers Chaos toutes les deux secondes. S’en est suivi plusieurs démos qui laissaient entrevoir un certain potentiel et qui m’ont fait mettre le titre sur ma liste de jeux à surveiller. Et puis, j’ai pu enfin y toucher… Débranchez votre cerveau, nous partons en quête du Chaos et la subtilité n’y a pas sa place.

 

Test rédigé à partir d’une clef PS5 fournie par l’éditeur

 

35 ans ça se fête !

 

Depuis plusieurs années, Square Enix a pris l’habitude de fêter l’anniversaire de sa licence en offrant aux fans un spin-off explorant des genres inhabituels pour la série. Après les très bons Dissidia et Theatrythm et le pas terrible World of Final Fantasy, tous attendaient de voir quelle voie allait emprunter SQUEX pour les 35 ans de Final Fantasy. Et ce trailer est arrivé…

 

 

Daté techniquement, terne et pas inspiré artistiquement, ridicule en termes de dialogues… Cette bande-annonce donna naissance à de nombreux memes et inquiéta les fans… Heureusement, une démo disponible quelques heures plus tard nous rassura un peu. Certes, beaucoup de choses n’allaient pas mais le cœur du jeu, ses combats, était plutôt bons. Après tout, SQUEX avait fait appel à Team Ninja. Connu pour Dead or Alive, Ninja Gaiden mais aussi Nioh, ce studio s’est forgé une réputation de créateur de jeux difficiles mais au gameplay riche permettant de nombreuses possibilités. Je ne pouvais donc qu’être enthousiaste à l’idée de parcourir l’univers du premier Final Fantasy de manière plus « hardcore »… Malheureusement, mes attentes ont été réduites à néant une fois la cinématique d’introduction – très bien réalisée – terminée.

 

 

Il était une fois… CHAOS !

 

L’histoire de SoPFFO est navrante de bêtise. Jack ne sait pas qui il est et il s’en fiche. Il veut juste tuer Chaos. Après s’être fait des « amis » au cours d’une scène expédiée en deux secondes qui restera dans les annales, notre héros ne cessera ensuite de grogner, de couper la parole à tout le monde – surtout si c’est un personnage qui voulait développer le scénario – et de se faire railler par ses compagnons. Et c’est tout. Notre équipe se fait téléporter toutes les dix minutes, le jeu enchaîne les ellipses et le peu de lore se découvre sur les écrans de chargement. Les quelques lignes de dialogues émaillant l’aventure sont d’une bêtise affligeante et les derniers instants n’ont absolument aucun sens. Si bien qu’une fois le générique de fin terminé, on se dit « Tout ça pour ça ? ». La promesse d’une réécriture de l’épisode originel est tenue mais de la pire des manières possible. Aucune explication ne sera jamais donnée sur le look des personnages, la présence de lieux provenant d’autres FF sera balancée n’importe comment et surtout que vient faire Frank Sinatra dans cette histoire ?

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : action débridée mais histoire décérébrée
Voilà comment vous sera expliqué la quasi-totalité de l’univers et du scénario…

 

Le charisme d’huître des personnages n’est pas sauvé par leur caractère tout simplement inexistant et terriblement générique. Seul Astos tire (un peu) son épingle du jeu et profite d’un rôle plus important qu’en 1987 même si là encore les révélations capillotractées des dernières missions vous feront regretter la simplicité de l’époque. Il règne une impression de « je-m’en-foutisme » assez impressionnante dans toutes les cutscenes et la possibilité de parler aux habitants via le menu de la carte achèvera de vous prouver que toute cette histoire n’est qu’un prétexte pour aller tuer des trucs – les conversations souffrant d’un manque d’intérêt assez fou-. Je ne peux m’empêcher de me demander ce qui est passé par la tête de Kazushige Nojima au moment d’écrire les quelques lignes du script… Ah et mention spéciale aux bande-annonces qui spoilent quasiment tous les retournements de situation. Le pire étant celle sur le nom de famille de Jack qui devait faire office d’ultime révélation…

 

Des lieux « emblématiques »

 

Mis en avant à coups de vidéos promotionnelles, tous les environnements que vous traverserez proviennent d’un épisode canonique. C’est donc à travers (seulement) quinze niveaux que vous massacrerez du monstre. Si l’intention est bonne, le choix des zones est un peu étrange pour certaines. Dans tous les cas, l’inspiration reste assez vague puisque la plupart du temps, il ne s’agira que de couloirs extrêmement sombres plus ou moins déguisés avec quelques assets rappelant le lieu d’origine.

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : action débridée mais histoire décérébrée

 

 

Certains seront tentés de justifier la pauvreté du scénario par le fait que le premier Final Fantasy n’était pas mieux. Dans les faits, c’est vrai. L’épisode original n’est rien d’autre qu’une campagne de Donjons&Dragons avec un petit twist temporel à la fin. Cependant, il s’agissait d’un titre développé par une petite équipe en 1987, soit aux balbutiements du RPG sur consoles au Japon. Nous sommes désormais en 2022 et SoPFFO nous a été annoncé comme une réécriture des origines de la saga. La naissance de Garland, l’apparition des Démons, le rôle des Lufeniens… Nos attentes étaient forcément assez grandes et la chute n’en est que plus rude au vu du résultat final.


Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : action débridée mais histoire décérébrée

 

Tapeeeeeeer !

 

Passons outre les enjeux du titre, vu que visiblement tout le monde s’en fichait, et attaquons nous à son principal (seul ?) atout : son gameplay. Présenté comme le Dark Souls des FF, SoPFFO en est très loin. Pas de monde ouvert mais une succession de petites missions, la mort n’est absolument pas punitive – elle vous rend même plus fort – et vous avez la possibilité de modifier la difficulté en cours de jeu. Bref, tout est fait pour rendre le voyage le plus accessible possible et un néophyte pourra facilement venir à bout de la petite vingtaine d’heures que demande la trame principale. Quant aux habitués du genre, vous ne rencontrerez pas de grande résistance même en difficile surtout si vous maîtrisez le système de combat très poussé.

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : action débridée mais histoire décérébrée
Les missions se lancent via cette carte moche.

 

Il y a énormément de paramètres à prendre en compte donc je vais essayer d’être le plus exhaustif possible. Le jeu repose sur plusieurs systèmes interconnectés. Le premier est le système de jobs. Jack peut s’équiper de deux classes et switcher de l’une à l’autre en plein combat d’une simple pression de la touche Triangle ou via le menu d’équipement accessible à tout moment. Au vu de la quantité astronomique de jobs présents dans les FF, Team Ninja avait l’embarras du choix et c’est presque trente classes qui nous sont proposées. On y retrouve de grands classiques de la série comme le chevalier dragon, le sage ou encore le ninja mais aussi des nouveautés comme le tyran ou le chevalier du néant. Ces jobs sont divisées en trois catégories : basiques, avancées et ultimes et il vous faudra maîtriser les premiers pour débloquer les plus puissants. Chaque job a sa propre capacité spéciale associée à la touche R2, ainsi le berserker peut doubler ses dégâts avec Furie, le mage rouge peut enchaîner les sorts de magie blanche et noire… Je vous recommande donc d’associer un rôle de corps-à-corps avec un à distance pour faire face à toutes les situations. J’en profite aussi pour vous conseiller de ne pas négliger la magie tant celle-ci peut littéralement atomiser certains adversaires, boss y compris. Chaque job possède une sorte de sphérier qui vous permet de débloquer de nouveaux combos et des bonus en plus de faire monter légèrement toutes vos statistiques. Cependant ce niveau est plus symbolique qu’autre chose et c’est votre équipement qui va véritablement déterminer votre expérience de jeu.

 

Looter, comparer...
Looter, comparer...
Trier...
Trier...
Et se retrouver avec un look improbable...
Et se retrouver avec un look improbable...

 

Les missions ont toutes un niveau qui vous permet d’estimer leur difficulté. Tentez d’accomplir une mission de niveau 50 avec de l’équipement de niveau 40 et vous vous retrouverez à terre à la moindre pichenette ennemie. Chaque mission nécessitera donc de longues minutes de préparation pour faire en sorte que vos héros survivent. Et comme l’efficacité prévaut sur le look, vos personnages porteront presque en permanence des pièces dépareillées les faisant plus ressembler à des vagabonds qu’à des guerriers de la lumière. Dommage car certaines tenues sont plutôt jolies même s’il aurait été chouette de tomber sur quelques armures rappelant les autres épisodes. Tout cet équipement se loote sur les ennemis ou dans les coffres et si vous êtes allergiques au tri préparez-vous car SoPFFO est TRÈS généreux. À chaque mort d’un monstre, c’est un festival son et lumière qui apparaît sous vos yeux avec en moyenne 3-4 équipements jaillissant des restes de votre adversaire. Reprenant le désormais classique code couleur indiquant la rareté, tout cet attirail a tendance à remplir un peu trop rapidement votre inventaire vous obligeant à trier votre stock toutes les deux missions. Cette surabondance de butins rend d’ailleurs totalement anecdotique la présence d’un système de forge. À quoi bon améliorer le bonus d’une arme vu que l’on va en trouver une meilleure dès les premières secondes de la prochaine mission ?

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : action débridée mais histoire décérébrée

Dernier système important, les combos vous donnent accès à des attaques très puissantes qui s’avèrent capitales contre vos adversaires. Vous pouvez personnaliser une dizaine de combos différents et ce pour chaque type d’armes. Cela permet de renforcer certains aspects de votre classe ou de combler ses faiblesses en rajoutant un coup final magique ou du soin. Encore une fois, cela nécessite de longues minutes à farfouiller dans les menus si bien qu’un tiers de votre temps de jeu se fera sur la page de personnalisation.

 

Battez les tous !

 

Bien que restreint, le bestiaire est très fidèle au premier épisode et c’est avec plaisir (ou pas) que l’on retrouve les Gigas, Envoûteurs et autres Licornes avec un design plus sombre assez réussi. Cependant que serait un FF sans sa flopée de monstres si caractéristiques ? Team Ninja nous fait donc plaisir en ramenant aussi Ahrimans, Pampas, Morbols et ces véritables horreurs à combattre que sont les Tonberries. Chaque créature bénéficie d’un éventail de techniques immédiatement reconnaissables et c’est un sans-faute à ce niveau-là. Sauf le Tonberry, lui je le déteste.

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : action débridée mais histoire décérébrée

 

Un très bon point pour les boss également qui, en plus d’être plaisants à combattre, subissent un relooking qui rend tout de même hommage aux jeux. La plupart proviennent du premier épisode même si là encore quelques surprises sont au programme. Concernant les quatre démons élémentaires, mis à part Kraken qui est vraiment moche, les autres s’en sortent bien même si tout le monde ne sera pas d’accord.

 

Une fois vos jobs choisis et votre équipement sélectionné avec soin (ou pas si vous optez pour l’option automatique), vous êtes fins prêts à affronter Chaos et ses hordes de créatures. Il est donc temps d’entrer dans le vif du sujet ! Jack dispose de trois jauges : les classiques PV et PM et une dite de « rupture ». Vos ennemis en possèdent une également et si elle se retrouve à zéro vous pourrez déclencher un finish qui verra Jack exploser en gerbes de cristaux le monstre dans une séquence digne de Kratos. Pour la faire baisser, il suffit de frapper mais attention c’est aussi valable pour Jack. Trop de coups successifs briseront votre jauge et vous vous retrouverez à terre à la merci des monstres qui s’avèrent sans pitié. Pour vous défendre, outre les classiques garde et esquive, vous avez ce que je trouve être l’une des meilleures idées du jeu : l’égide spirituelle. D’une simple pression de la touche Rond, vous pouvez annuler la quasi-totalité des attaques et parfois même les absorber tel un mage bleu pour ensuite les utiliser contre les hordes hostiles vous faisant face. Pas question d’en abuser pour autant puisque son utilisation consomme votre jauge de rupture. Il vous faudra donc alterner entre toutes ces mécaniques pour vous en sortir… Du moins sur le papier car dans les faits la réalité est tout autre.

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : action débridée mais histoire décérébrée
Tellement bourrins qu’ils en deviennent drôles, les finishs sont une des bonnes idées du jeu

 

Le jeu vous donne tellement de possibilités pour massacrer vos ennemis que foncer dans le tas en martelant la touche d’attaque et en glissant 2-3 esquives suffira amplement durant la première moitié du jeu. Puis vous commencerez à débloquer des classes tellement puissantes que les ennemis seront réduits en cristaux avant même de remarquer votre présence. Et ce constat est valable dans tous les modes de difficulté. À vouloir être le plus accessible possible, SoPFFO perd son objectif premier : offrir un gameplay plus exigeant qu’à l’accoutumée. Plus proche d’un Devil May Cry – mais en tout de même plus lent -, le titre propose des combats assez jouissifs mais qui finissent par lasser. On se surprend donc parfois à juste avoir envie de courir jusqu’au boss plutôt que d’affronter pour la 150ème fois un groupe de loups ou de chauve-souris. Seuls les pièges – qui consistent à vous faire tomber dans une salle de 3m² remplie d’une dizaine de monstres – sont susceptibles de vous tuer. Heureusement les boss sont plus intéressants à combattre et même s’ils tombent presque tous du premier coup, ils permettent de vraiment exploiter toutes les subtilités du titre.

 

Une DA chaotique pour une réalisation datée

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : action débridée mais histoire décérébrée

 

À l’image du scénario totalement raté, la direction artistique se loupe sur quasiment tous les points. Le design des personnages est d’une banalité sans nom. Aucun n’arrive à sortir du lot et le fait que l’on porte constamment des pièces d’armure différentes finit de détruire tout espoir. Encore une fois Astos s’en sort pas trop mal ( et dans une moindre mesure Sarah) mais cela reste très en deçà des standards de la série. J’ai plus eu l’impression de diriger une bande de PNJs que des Guerriers de la Lumière. Reste les mises en scène lors des combats de boss ou des finishs qui sont très jouissifs et mettent bien en valeur la puissance de Jack. Les environnements, bien que tirés d’anciens épisodes, sont tous gris, ternes et construits de manière paresseuse. Il s’agit juste d’un enchaînement de couloirs et de salles un peu plus ouvertes formant une boucle menant au boss. À l’exception de quelques petits clins d’œil, difficile de reconnaître le Mont Gagazet ou le Tombeau de Raithwall. Le tout est en plus extrêmement sombre et il n’est pas rare de passer trois fois à côté d’une porte avant de la remarquer. Ce qui nous amène à parler de la technique du jeu…

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : action débridée mais histoire décérébrée
Il ne manque plus que les Ronsos et on s’y croirait presque…

 

Avant toute chose, je tiens à préciser que les graphismes ne sont pas le plus important dans un jeu. Un titre peut être daté techniquement si le gameplay, l’histoire ou la DA suivent, il n’y a aucun problème. Mais il y a certaines limites. Stranger of Paradise est moche. Plus moche que Nioh 2 pourtant sorti sur PS4 il y a deux ans. Sachant qu’il s’agit tout de même d’un spin-off de Final Fantasy, nous étions en droit d’avoir mieux qu’un titre digne de l’ère PS3. Sincèrement relancez FF XIII, Uncharted 2 ou MGS 4 et vous verrez que je n’exagère pas. Quand en plus l’alliasing, les bugs de collision et les soucis de caméra s’invitent à la fête, cela devient vite agaçant…

 

Le jeu se rattrape un peu d’un point de vue musical. Si le thème des combats qui se lance toutes les dix secondes a fini par m’ennuyer un peu, les musiques d’ambiance s’avèrent plutôt bonnes et reprennent certains motifs d’anciens épisodes. Les thèmes des boss sont très nerveux et contribuent à nous faire rentrer dans une folie destructrice collant parfaitement à la situation. J’ai personnellement adoré le morceau associé au combat contre Marilith qui nous offre une version énervée du « Mt. Gulg » de FF I.

 

Stranger of Paradise Final Fantasy Origin : action débridée mais histoire décérébrée

 

 

 

Avec son bestiaire fidèle, ses combats nerveux et un système de job très addictif, Stranger of Paradise Final Fantasy Origin avait toutes les cartes en main pour être un bon jeu. Malheureusement son histoire d’une bêtise affligeante, sa direction artistique morne et sa technique à la ramasse en font un jeu tout juste moyen. Tout dépendra alors de votre capacité à faire abstraction de tous ces éléments pour vous concentrer uniquement sur les affrontements, seul point presque irréprochable même si un peu plus de challenge aurait été appréciable. En l’état, SoPFFO rate totalement son hommage à Final Fantasy et est à fuir absolument si vous espérez suivre une histoire intéressante. Quant aux autres, si exploser des monstres en boucle vous suffit, peut-être que le jeu pourra vous contenter quelques heures…