Depuis quelques années lorsque l’on parle de RPG, une question finit toujours par pointer le bout de son nez : « Est-ce que ce sera un open-world ? ». Devenu quasi obligatoire aux yeux de certains joueurs, le monde ouvert s’est étendu à de nombreuses licences dont Final Fantasy. Aujourd’hui, nous allons revenir sur ce qu’est un open-world et sur la manière dont Final Fantasy a traité l’exploration avant de finalement s’ouvrir complètement avec son quinzième épisode.

 

Qu’est-ce qu’un open-world ?

 

Avant toute chose, il convient de définir ce qu’est un monde ouvert. À l’origine, il s’agit d’un type de jeu proposant d’explorer une zone plus ou moins vaste de manière libre. Les villes et donjons sont à taille « réelle » et il n’y a pas de temps de chargement lorsque vous y entrez. L’univers du jeu est continu en quelque sorte. S’il n’y a pas de définition exacte de l’open-world, il existe plusieurs critères présents dans presque tous les jeux de ce type :

 

  • Un environnement avec peu de restrictions dans lequel le joueur peut se déplacer librement. Cela contraste avec les jeux plus linéaires qui vous « forcent » à avancer dans une direction donnée.

 

  • Une grande partie du jeu se déroule en extérieur. Ce critère est surtout vrai pour les jeux récents.

 

  • L’entièreté du monde est à la même échelle et il n’y a pas de temps de chargement entre chaque zone.

 

  • Le reste du monde continue de « vivre » sans vous. Les PNJ et monstres ont leur propre routine et il y a parfois un cycle jour/nuit.

 

Ces quatre critères sont pour moi les plus importants et caractérisent vraiment les mondes ouverts. Ils ne sont bien sûr pas obligatoires et certains jeux peuvent être considérés comme des open-world alors qu’ils ne les respectent pas tous. Je pense notamment aux Dark Souls qui nous plongent dans un monde où tout est interconnecté et explorable assez librement. je suis conscient que de nombreuses personnes ne seront pas d’accord mais cela illustre la différence entre ce qu’est un monde ouvert et la représentation que les gens s’en font aujourd’hui. Actuellement, un open-world doit être extrêmement vaste, proposer d’immenses étendues verdoyantes et regorger de quêtes annexes plus ou moins intéressantes, de tours à activer et de camps de monstres à nettoyer. Alors qu’à la base il s’agit juste de pouvoir aller à peu près où l’on veut quand on veut sans transition.

 

Final Fantasy et le monde ouvert : l'illusion de liberté
Voir le perso principal de dos face à la nature est également devenu un point essentiel

 

Ainsi le premier monde ouvert est celui de Jet Rocket sorti en 1970. Cette borne d’arcade de SEGA vous plaçait aux commandes d’un avion en vue à la première personne. Libre à vous alors de vous balader dans ses environnements en 3D pour tirer sur différentes cibles disséminées dans l’espace de jeu. Cependant Jet Rocket n’est pas vraiment un jeu vidéo à proprement parler mais une borne électromécanique. Ces ancêtres des bornes d’arcade plus classiques combinaient éléments électroniques et mécaniques. Et comme des images valent mieux que mille mots, voici une vidéo vous présentant l’une de ces bornes.

 

 

Le premier véritable jeu vidéo en monde ouvert est Western Gun (Gun Fight aux USA) de Taito sorti en 1975. Dans celui-ci deux cow-boys se déplacent librement dans un environnement rempli de montagnes et de cactus. Vous dirigiez l’un des deux pistoleros et deviez vous débarrassez de votre adversaire en usant du décor. Suite à cela de nombreux autres jeux ont emprunté la voie du monde ouvert. L’un des plus importants est peut-être Rally X sorti en 1980. En plus d’être le premier monde ouvert en scrolling, ce jeu, développé par Namco, est le premier jeu de conduite en monde ouvert. Il servira d’inspiration à Miami Vice (1986) qui contribuera à la naissance de Grand Theft Auto en 1997.

 

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Rally X

 

« Mais qu’en est-il du RPG ? » vous demandez-vous sûrement. Et bien c’est compliqué. Il y a d’abord eu Tutankham (1982) et Tower of Druaga (1984) qui a inspiré Ys et Zelda. Le souci, c’est que ces jeux vous font explorer des donjons, ce qui ne correspond pas à la définition moderne du monde ouvert à savoir de vastes étendues en extérieur. Le premier à faire cela est Ultima (1981). Véritable père fondateur du RPG, Ultima offre la possibilité de parcourir une carte du monde de manière totalement libre. Mais une fois de plus, il ne peut être considéré comme un open-world car lors de ces phases votre personnage apparaît comme géant. Il y a donc une différence d’échelle entre la carte du monde et les différentes zones visitables. Il faudra attendre 1984 et les sorties de Courageous Perseus et Hydlide pour enfin avoir nos premiers RPG en monde ouvert « modernes ». Ces deux aventures ont des environnements ouverts entièrement explorables à pieds. Les villes, donjons et autres lieux sont à la même échelle et il n’y a aucune transition ni temps de chargement intempestifs. Ces deux pionniers ont donc ouvert la voie aux open-worlds modernes et ont servi de modèles à de nombreux jeux dont celui qui deviendra le plus influent de tous, et ce encore aujourd’hui, The Legend of Zelda.

 

Courageous Perseus
Courageous Perseus
Hydlide
Hydlide
The Legend of Zelda
The Legend of Zelda

 

Sorties en 1986, les premières aventures de Link ont marqué un tournant dans l’histoire du jeu vidéo. Sa proposition de monde ouvert et surtout l’incroyable liberté qu’il proposait pour l’époque – on pouvait atteindre le boss de fin sans même récupérer une épée – ont servi de sources d’inspiration pour une quantité incroyable de développeurs. GTA, The Witcher, Ultima… La liste de jeux est extrêmement longue. Au fil des ans, la formule Zelda ne changera que très peu – si l’on excepte The Adventure of Link – jusqu’à la sortie d’Ocarina of Time sur Nintendo 64. Le passage à la 3D et les contraintes techniques associées ont obligé Nintendo à restreindre la liberté des joueurs. Ainsi la plaine d’Hyrule devient une sorte de hub central permettant d’accéder aux différentes zones. Le joueur ne peut plus parcourir le monde à sa guise et est beaucoup plus dirigé. Le retour au véritable monde ouvert se fera en 2017 avec la sortie de Breath of the Wild qui révolutionnera à son tour la façon de concevoir des open-worlds, un juste retour des choses.

 

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Les attentes autour de la suite de Breath of the Wild sont immenses

 

Nous pourrions discuter durant des heures de ce qu’est un monde ouvert et de ses nombreuses formes – notamment le fait qu’open-world soit devenu synonyme d’interface rempli d’objectifs et de tours à activer – mais il est temps d’aborder ce pourquoi vous êtes ici. Comment l’exploration dans Final Fantasy a-t-elle évolué pour finalement s’essayer à l’open-world ?

 

Final Fantasy et le monde ouvert : l'illusion de liberté

 

À pas de géant sur le monde

 

Dans son premier épisode, FF optait pour un découpage simple à comprendre. D’un côté, il y a les différents lieux visitables – donjons, cavernes, villes…- et de l’autre une grande carte du monde vous permettant de rejoindre ces zones. Cette alternance entre environnements fermés et exploration de la carte a continué jusque Final Fantasy IX, dernier opus de l’ère Sakaguchi. Cette « liberté » de parcourir la carte, de nombreux joueurs l’ont associée à un monde ouvert. Or il ne s’agit que d’une illusion de liberté. Prenons en exemple FF VII que la quasi-totalité des fans ont fait. Le début du jeu est extrêmement dirigiste, vous êtes forcés d’avancer toujours plus en avant au sein de la tentaculaire Midgar. Inutile de revenir en arrière ou d’espérer effectuer quelques quêtes annexes, le début de l’aventure est entièrement dévoué à l’histoire et rien ne vous détournera de celle-ci. Et soudain, Cloud et son équipe arrivent à s’extirper de la capitale. Vous vous retrouvez alors aux commandes d’un SOLDAT géant parcourant plusieurs kilomètres en quelques secondes avant de retrouver sa taille normale une fois arrivé à Kalm. Cette différence d’échelle entre la mappemonde et les lieux visitables est une première entorse au principe de monde ouvert. Mais ce qui me permet d’enfoncer le clou et clamer haut et fort que les épisodes I à IX ne sont pas des open-worlds, c’est tout simplement l’absence totale de liberté laissée au joueur.

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Kalm est un passage obligé… Comme tout le reste

 

Une fois sorti de Midgar, vous n’avez pas d’autre choix que de suivre le scénario et d’aller à Kalm puis dans le Ranch Chocobo pour continuer votre aventure. Il n’existe aucune autre alternative à moins de farmer très longtemps pour pouvoir vous débarrasser du Midgar Zolom. Sauf qu’au final, vous serez obligés de vous dirigez vers la Grotte de Mythril puis Junon, etc… Et c’est comme cela durant tout le jeu. Si vous pouvez vadrouiller comme vous le souhaitez sur le monde, il n’y a rien à y faire et vous serez toujours forcés d’avancer dans l’ordre souhaité par les développeurs si vous voulez terminer l’aventure. D’ailleurs de nombreux obstacles seront utilisés comme subterfuges pour vous bloquer : rivières, montagnes, océans… Au final, la linéarité est camouflée par une pseudo-liberté entre chaque lieu d’intérêt. Ces mappemondes n’étant rien de plus que de gros hubs vides d’intérêt, si ce n’est nous permettre de visualiser l’univers dans lequel nous nous trouvons.

 

Final Fantasy et le monde ouvert : l'illusion de liberté
La nature trace votre route

 

Il faut aussi aborder le traditionnel vaisseau obtenu en fin de jeu. Celui-ci est régulièrement mis en avant pour prouver que les anciens FF sont des mondes ouverts. S’il est vrai qu’il offre une ouverture bienvenue, il n’est rien de plus qu’un moyen d’aller plus vite d’un point A à un point B dans un monde toujours aussi vide. La plupart du temps, il n’y a plus grand chose à faire dans le jeu mis à part quelques donjons bonus et passé le sentiment grisant de s’envoler pour la première fois, on se rend vite compte que c’est assez accessoire. Ces moyens de transport contribuent à faire croire au joueur qu’il est libre dans un immense univers. Chose que Square arrêtera de chercher à faire avec l’arrivée de Final Fantasy X.

 

Marche forcée

 

En 2001, Final Fantasy a connu une nouvelle révolution avec le dixième épisode. Graphismes entièrement en 3D, arrivée des voix, disparition du système d’ATB mais surtout une exploration totalement repensée. L’équipe désirant une approche réaliste – et devant gérer des contraintes de budget et de temps – a décidé d’abandonner la carte du monde. Exit donc les personnages géants traversant des continents vides d’intérêt et place à des couloirs de toute beauté mais à la liberté absente. Entièrement consacré à son scénario, cet épisode a fait le choix de n’en laisser aucun aux joueurs qui auront le droit à d’innombrables mini-jeux en contrepartie. La disparition de la carte du monde est un choix totalement logique pour un jeu se voulant plus réaliste que ses prédécesseurs. L’approche cinématographique du scénario impose un rythme soutenu qui ne peut se permettre de nous laisser errer pendant des heures dans de vastes environnements. À noter que les contraintes techniques ont également empêché les développeurs de rendre les monstres visibles sur la carte pour que les combats se déroulent sans transition. Ce qui sera finalement possible dans FF XII.

 

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Malgré son dirigisme, FF X s’autorisait quelques « respirations » comme la Plaine Félicité

 

Après un FF X-2 qui vous laissait explorer les zones dans l’ordre de votre choix à partir du Celsius, est arrivé un épisode dont l’un des thèmes principaux est la liberté. Après des années de développement Final Fantasy XII est sorti sur PS2 en 2006 et a de nouveau chamboulé les habitudes des fans. Si de nombreuses critiques ont concerné son scénario ou son système de combat, son exploration a été plutôt bien accueillie. PS2 oblige, le jeu n’est toujours pas en monde ouvert mais il s’en approche fortement en vous laissant une grande liberté dans vos escapades à travers des zones beaucoup plus vastes et aérées que celles de FF X. La ressemblance avec un véritable monde ouvert est d’ailleurs accentuée par des changements météorologiques, des PNJ qui vivent leur vie et la présence de monstres visibles sur le terrain. Il est également possible de pousser vos pérégrinations assez loin moyennant un peu de farm, ce qui n’était pas vraiment possible précédemment. Quand on vous dit que Final Fantasy XII était en avance sur son temps…

 

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Les ennemis étant visibles sur la carte, il vaut mieux en éviter certains comme ce dinosaure…

 

Retour en arrière avec Final Fantasy XIII qui pour le coup est l’exact opposé du précédent opus. D’une linéarité absolue, le jeu ne propose absolument rien en dehors de son scénario durant ses 10 premiers chapitres. Pas d’embranchements à explorer, quasiment pas de villes, aucun mini-jeux ni même de PNJ avec lesquels dialoguer, il est même impossible de revenir sur vos pas. Même ses systèmes de combats et d’évolution sont très fermés et restreignent les joueurs. Ces choix, très radicaux, ont été justifiés à l’époque par Motomu Toriyama par le fait « qu’il est très difficile de raconter une histoire complète avec autant de liberté ». Yoshinari Kitase ajoutera même que « […] sur de nombreux aspects Final Fantasy XIII est plus un FPS qu’un RPG. ». Le jeu finira par s’ouvrir légèrement avec l’arrivée des héros sur Pulse. Vous pourrez enfin respirer, prendre votre temps d’explorer et vous attaquer à la chasse aux monstres, seule quête annexe du jeu. Si l’aspect linéaire n’est pas vraiment un souci aux yeux de nombreuses personnes, l’absence totale d’éléments annexes est plus dommageable, surtout pour un JRPG. Ces points seront en partie corrigés par les deux suites qui s’ouvrent un peu plus, notamment Lightning Returns qui vous laisse explorer librement son univers. Avec ses quatre vastes zones explorables à loisir, LR se présente comme un véritable monde ouvert. Et dans les faits, c’est effectivement le cas. Malgré des capacités techniques limitées, et au prix de sacrifices sur les graphismes, l’équipe du jeu a réussi à créer un univers que l’on peut parcourir entièrement à pieds, possédant un cycle jour-nuit et peuplé de PNJs vivant leur vie. Le manque de cohérence est même justifié par l’imminente fin du monde. Et pourtant j’ai du mal à classer Lightning Returns comme un véritable monde ouvert à cause de l’une de ses mécaniques principales : la limite de temps. Afin d’épouser entièrement son concept de fin des temps, LR impose au joueur un timer décomptant inlassablement le temps qu’il vous reste avant d’être ramené de force aux côtés de Hope. Si la chose est totalement en adéquation avec la volonté des développeurs, elle est en revanche la pire des contraintes pour un open-world. Peut-on véritablement parler d’exploration libre lorsque l’on est obligés de courir au plus vite d’une quête à l’autre ? Sanctionner le joueur qui se serait détourné du droit chemin en lui refusant l’accès à la meilleure fin est pour moi totalement contradictoire avec la liberté et l’invitation à l’exploration que sont censés inspirer les vastes étendues d’un monde ouvert. Imaginez n’avoir qu’une vingtaine d’heures pour explorer Skyrim – qui était cité comme principale source d’inspiration par les développeurs – et vous comprendrez à quel point cette mécanique n’était pas vraiment adaptée. Peut-être était-ce un moyen pour camoufler les faiblesses techniques et la relative pauvreté des décors et environnements. Si la possibilité de remonter dans le temps aurait pu résoudre le souci d’absence de liberté – à la manière de Majora’s Mask – elle aurait totalement détruit le concept d’une apocalypse proche. Quant à l’option de compartimenter le jeu en zones plus petites et donc maîtrisées, elle avait été balayée dès le départ pour ne pas retomber dans les travers tant décriés du XIII original. Dans tous les cas, la notion de liberté étant absente du jeu, le titre de « premier véritable open-world de la série » échappe à LR. Dommage car sans cette implacable horloge, le pari aurait été réussi. Heureusement, l’autre Final Fantasy XIII est là… à moins que…

 

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Tu y étais presque Lightning !

 

Les infos de Playiku

 

L’exception FFXI

 

Sorti seulement un an après FFX, sur PS2 et PC, Final Fantasy XI fait figure d’anomalie lorsque l’on évoque les openworld de la saga. MMORPG oblige, il propose un immense terrain de jeu que les joueurs pourront parcourir dans la direction qu’ils veulent selon le choix de leur ville de départ. Et toutes, absolument toutes les zones du continent de Vana’diel (exceptés certains donjons) pourront être explorées dès l’introduction passée. Libre donc à vous de tenter le voyage au bout du monde, si les ennemis de haut niveau et les longues heures de marche ne vous font pas peur. Mais FFXI possède une autre singularité dans son open-world (Excepté Final Fantasy XIV, dans une moindre mesure) que les autres de la saga n’ont pas : Celui d’être persistant . Une persistance réelle dû aux joueurs qui le compose et qui animent les villes ou agissent sur le marché et l’hôtels des ventes, mais aussi une persistante intégrée à Vana’diel, qui possède son propre calendrier, un système météorologique impactant sur les capacités des monstres et des joueurs, mais aussi un cycle jour/nuit qui influe sur l’ouverture des boutiques, le train de vie des PNJ et le passage des bateaux & aéronefs dans les ports. Tous ces détails renforcent la crédibilité du monde et l’immersion des joueurs dans ce dernier.

 

Final Fantasy et le monde ouvert : l'illusion de liberté

 

FFXIV, second MMORPG de la saga reprendra toutes ces caractéristiques, sans pourtant aller aussi loin dans l’immersion. En effet, celle-ci a aussi ses défauts : devoir attendre une à plusieurs heures (réelle) pour pouvoir rapporter la quête d’un PNJ qui est allé se coucher peut-être légèrement ennuyeux !

 

Un prince en roues libres

 

Final Fantasy XV… Sa simple évocation suffit à provoquer des torrents de commentaires tous plus tranchés les uns que les autres. Cependant nous parlons aujourd’hui d’exploration et en la matière ce quinzième épisode est un véritable tournant dans la série puisque, après des années de développement et de changement de cap, Hajime Tabata prend la décision d’en faire le premier open-world de la saga. Après de nombreuses réticences de la part de son équipe – ils craignaient qu’un monde ouvert soit trop vide, peur balayée par Tabata qui prit Shadow of the Colossus en exemple – la décision fut approuvée et l’univers d’Eos commença à prendre vie. Si les bandes annonces se voulaient enthousiasmantes, la révélation que seule la première moitié du jeu serait en monde ouvert en avait refroidi plus d’un. Le verdict final tomba en 2016.

 

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Et au premier abord, c’est vraiment très réussi. D’entrée de jeu, nous sommes lâchés dans un immense monde avec une quête principale mais aussi la possibilité d’aller vadrouiller totalement ailleurs si l’envie nous en dit. Alors certes l’histoire n’avancera pas si nous ne remplissons pas les objectifs imposés mais la liberté est totale. Et les développeurs ont fait en sorte de vous motiver à explorer. Quêtes de chasse, donjons optionnels, pêche, missions annexes ennuyeuses, courses de chocobos… mais aussi matériaux à récolter et ennemis rares à dénicher, Eos coche toutes les cases d’un open-world réussi. Bien sûr quelques imperfections subsistent telles que l’absence quasi-totale d’éléments nous montrant qu’une guerre fait rage – au contraire d’un Breath of the Wild dont la désolation et les conséquences de la guerre sont visibles à chaque instant – où bien la relative insouciance des héros qui ne semblent rappelés à la dure réalité de la situation uniquement durant les cutscenes. Le monde est également assez vide en dehors des points d’intérêt cités plus haut qui ont tendance à tous être regroupés au même endroit, donnant l’impression de revenir à l’époque PS1 où la carte ne servait que de transition. Pourquoi quitter la route et la sécurité de la Regalia alors que les vastes environnements n’ont finalement pas grand-chose à offrir ? À cette difficulté de remplir Eos de vie s’est ajoutée celle du dosage scénaristique. Il est effectivement compliqué d’impliquer le joueur dans un scénario dilué par des heures de voyage et d’activités annexes, chose que les équipes d’Hajime Tabata résoudront d’une manière radicale avec la disparition de l’open-world à mi-chemin de l’épopée.

 

Final Fantasy et le monde ouvert : l'illusion de liberté
La deuxième partie est littéralement sur des rails

 

Le chapitre 10 commence dans un train et symbolise à lui seul la fin de votre aventure. Vous êtes désormais sur des rails et plus rien ne pourra vous en sortir. Cette décision d’enfermer le joueur après lui avoir offert le monde est très difficilement passée et beaucoup n’ont retenu que les derniers segments de l’aventure qui sont malheureusement loin d’être les plus marquants – ou pour de mauvaises raisons comme le treizième chapitre. Personnellement, je vois cette deuxième partie comme une preuve que SE n’a su gérer la liberté provoquée par l’open-world et la rendre cohérente avec l’histoire de Noctis. Comment maintenir une tension dans le scénario si entre chaque moment de bravoure, nous pouvions tout simplement aller pêcher ou prendre des photos de chocobos ? Peut-être les développeurs avaient-ils peur que le scénario se retrouve trop dilué dans l’expérience globale ? Mais dans ce cas, le monde ouvert était-il la bonne voie à emprunter ? Surtout en plein développement ? Car au final, il est peut-être là le véritable problème de FF XV. Ses changements de cap incessants ont créé un jeu hybride en faisant de lui le plus libre de toute la série avant de le fermer plus qu’aucun autre. Final Fantasy XV est-il un monde ouvert ? Non, mais il a essayé et pour cela il mérite notre respect.

 

L’avis de Skypirate

 

La notion d’open-world et celle liée à Final Fantasy semblent en effet absolument antinomiques. Comment vouloir raconter de belles et grandes histoires tout en lâchant le joueur dans un monde ouvert avec tout ce que cela implique sans édulcorer le propos ? Final Fantasy XV a été le Final Fantasy porté par ces ambitions intenses, sincères, et pour avoir suivi sa gestation jusqu’à ses coulisses, j’ai finalement compris ô combien la tâche pouvait s’avérer délicate et périlleuse. La première phase véritablement in-game présentée au grand public s’est faite en France, et nous découvrions alors nos héros explorer Duscae. L’ambiance était absolument euphorique dans la salle et les possibilités semblaient complètement infinies. Les promesses étaient tout aussi enthousiastes et Hajime Tabata ne cachait pas sa satisfaction. Du reste, que de renoncements depuis… l’impossibilité de nager, des murs invisibles, des coupes, une deuxième partie sur rails, des donjons passionnants devenus finalement optionnels… Le développement s’est enlisé parce que son organisation et les impératifs de temps étaient devenus complètement intenables. Il fallait sortir le titre coûte que coûte, et les retards ne pouvaient plus continuer de s’accumuler.

On peut reprocher beaucoup de choses à Final Fantasy XV, qu’il s’agisse du fond ou même de la forme, mais c’est la volonté de réunir une narration forte et puissante qui aurait pu aboutir à une synthèse crédible. Nous en connaissons le résultat. Malheureusement, tout a basculé vers ce que l’on connaît. C’est à dire un titre inabouti, sans doute touchant à plusieurs égards de part ses difficultés, mais cela interroge davantage sur la compatibilité entre les ambitions scénaristiques de Final Fantasy et ce nouvel eldorado tout à fait occidental. Luminous Studio ne s’est d’ailleurs jamais caché de ses inspirations. Final Fantasy XVI, riche de l’expérience accumulée via Final Fantasy XIV pourrait sans doute surprendre et offrir deux niveaux de lecture, mais le risque reste palpable, et la communication timide laisse à penser que les développeurs attendent d’être certains des grandes lignes avant de dévoiler leurs cartes.

 

Un remake trop fermé ?

 

Au vu de tout ce qui a été dit dans cet article, j’aimerai revenir sur certaines critiques émises à l’encontre de Final Fantasy VII Remake. Dans la version de 1997, les premières heures se déroulent dans une atmosphère étouffante et vous forcent à avancer toujours tout droit jusqu’à cette échappée en Hardy Daytona. L’environnement n’est que béton et acier dans une nuit quasi-permanente et il n’y a pas la moindre quête annexe pour vous divertir. Le remake est donc extrêmement fidèle à l’original concernant l’exploration et l’absence de liberté laissée au joueur – même si certains segments, comme celui des bras mécaniques, n’étaient pas des plus intéressants. Il a même permis de rendre Midgar encore plus vivante et cohérente en implémentant de nouvelles zones et en nous laissant libre de nos mouvements dans certains secteurs via des quêtes annexes étoffant certains personnages. Lui reprocher de ne pas être ouvert ou respectueux de l’original, c’est oublier à quel point celui-ci était fermé et linéaire dans ses premières heures.

 

Final Fantasy et le monde ouvert : l'illusion de liberté
Comment peut-on ne pas le trouver respectueux de l’original…

 

Maintenant pour ce qui est de la question d’un monde ouvert pour la partie 2… J’espère sincèrement que ce ne sera pas le cas. La carte de FF VII ne s’y prête pas avec ses multiples obstacles naturels et n’a de toute manière pas été pensée pour cela. Laisser les joueurs la parcourir librement impliquerait de nombreux changements topographiques pour la rendre intéressante à traverser. Outre la colossale somme de travail que cela représenterait, cela en vaudrait-il vraiment la peine ? FF VII a-t-il vraiment besoin d’un vaste monde ouvert rempli de points d’intérêt et de quêtes annexes qui seront de toute manière quand-même critiquées ? Je vous laisse en débattre dans les commentaires mais pour moi Final Fantasy VII c’est avant tout une histoire incroyable maîtrisée de bout en bout qui n’a pas besoin de s’ouvrir plus que de raison.

 

Final Fantasy et le monde ouvert : l'illusion de liberté
Qu’en sera-t-il de lui ?

 

Il n’existe pas de véritable monde ouvert de bout en bout dans Final Fantasy. Faussement libres, totalement dirigistes ou seulement partiellement ouverts, ces jeux n’ont jamais réussi à totalement laisser la main au joueur pour qu’il puisse vivre sa propre aventure. Le pourront-ils un jour ? Est-ce même souhaitable ? Personnellement, je ne pense pas que ce soit la bonne direction à suivre pour notre série. Les FF ont toujours laissé une très grande part au scénario et le diluer dans d’immenses environnements remplis de quêtes plus ou moins intéressantes ne me semble pas très pertinent. Je préfère parcourir plusieurs grandes zones au level-design maîtrisé – à l’image du récent Tales of Arise – plutôt que de vastes plaines remplies de matériaux à crafter et d’objectifs à remplir… De plus, les codes du JRPG – niveaux, statistiques, équilibrage…- me semblent particulièrement compliqués à appliquer à l’open-world. J’attends d’ailleurs avec grand intérêt Elden Ring pour voir comment cet aspect à été traité. Qui sait, peut-être que cela donnera des idées aux équipes de Square Enix.

C’est maintenant à vous de vous exprimer ! Que pensez-vous des mondes ouverts ? Est-ce une chose que vous souhaitez voir dans de futurs épisodes ? Dites-nous tout dans les commentaires ou sur les réseaux sociaux !