Annoncé officiellement lors de la conférence de Square Enix du 13 juin 2021, Stranger of Paradise Final Fantasy Origin aura fait couler beaucoup d’encre… Depuis, les développeurs ont communiqué à son sujet et une démo a été rendue disponible sur PS5. Nous avons la chance de posséder cette console et nous sommes donc frottés au Chaos…

 

Chaos… Chaos everywhere…

 

Nous ne reviendrons pas sur l’annonce du jeu puisque nous en parlions déjà ici. Par contre, les réactions sur les réseaux sociaux suite au trailer ne se sont pas faites attendre. Il faut dire que cette bande-annonce est complètement ratée : absence de rythme, images de gameplay pas franchement intéressantes et surtout des dialogues proche du ridicule. Une quantité astronomique de memes impliquant le chaos sont apparus sur la toile en plus de commentaires critiquant l’aspect visuel du titre ou l’implication de Tetsuya Nomura. Heureusement plusieurs choses ont été clarifiées depuis.

 

Tout d’abord, Nomura est character designer mais surtout il a juste créé le concept du jeu qui devait s’articuler autour de deux idées : « conquérir des zones » et « un homme en colère ». Autrement dit, l’homme est au final assez éloigné de la production. C’est également de lui que viendra l’idée d’utiliser l’univers du premier Final Fantasy pour en proposer une relecture. Le scénario est écrit par Kazushige Nojima alors que le reste du jeu est géré par Koei Tecmo et la Team Ninja. D’après l’équipe, le titre, les noms des personnages mais également leurs tenues ont un sens caché.

 

Techniquement en retard, mais…

 

Après ces précisons, il est temps d’attaquer la démo en elle-même en commençant par aborder un point qui en a choquer beaucoup : oui, Stranger of Paradise est moche. Les textures, l’éclairage, les effets… ne sont clairement pas au niveau de ce qui se fait actuellement. Toutefois, il est bon de rappeler que nous sommes face à une démo d’un jeu encore en développement. Pour les sorties de Nioh et de sa suite, Team Ninja avait aussi proposé des démos non abouties techniquement, leur but étant surtout de recueillir l’avis des joueurs sur le gameplay et leur ressenti sur la difficulté. Les jeux sont d’ailleurs arrivés quelques mois plus tard accompagnés de leur lot d’améliorations visuelles. Il y a donc peu de soucis à avoir de ce niveau là. De même, les animations durant les dialogues seront sans doute retravaillées pour offrir quelque chose de moins rigide. Nous sommes moins optimistes pour le scénario…

 

S’il est quasiment sûr que FFO proposera une histoire de type « Isekai » – à savoir des personnages transportés dans un autre monde – son écriture nous a un peu inquiété au vu des quelques lignes de texte présentes dans la démo… Entre banalités et mention du « Chaos » une dizaine de fois, rien ne laisse transparaître l’héritage FF. Les partenaires de Jack, Ash et Jed, parlent beaucoup pour ne rien dire – en plus d’être totalement inutiles sur le terrain… D’après les récentes interviews, nous serons amenés à avoir d’autres compagnons avec nous, sans toutefois pouvoir dépasser les trois personnages. Sur le papier, cela rappelle Code Vein qui permettait de jouer accompagné d’un coéquipier géré par l’IA. Dans ce cas, le côté « interchangeable » des alliés explique les discussions de « remplissage ».

 

La bande-son oscille entre le bon – le combat contre le boss – et l’étrange… Composée par Naoshi Mizuta (FF XI, Episode Prompto…), Hidenori Iwasaki (Front Mission 4 et 5, Final Fantasy Crystal Chronicles : The Crystal Bearers…) et Ryô Yamazaki (Balan Wonderworld…), la musique reprend les thèmes du premier Final Fantasy tout en rajoutant des touches d’electro et de dubstep pour un résultat parfois surprenant… À voir, ce que donnera le reste de l’OST.

 

Impressions : démo de Stranger of Paradise Final Fantasy Origin

 

Un homme en colère

 

Passé un rapide tutoriel, nous nous retrouvons aux commandes de Jack à l’entrée du temple du Chaos pour ce qui sera sûrement la première mission du jeu (à l’image du Final Fantasy originel). Expliquer le système de combat est un exercice difficile tant le gameplay possède de couches. Nous allons donc y aller par étapes.

 

Tout d’abord, Jack possède 3 jauges : une pour ses points de vie (bleue), une pour les PM (rose) et une appelée « jauge de rupture » en jaune. Si les deux premières sont classiques, la troisième est plus originale. Lorsque vous subissez des attaques ou effectuez des contres et parades, cette jauge diminue selon l’intensité de l’assaut. Si celle-ci se vide entièrement, vous vous retrouverez momentanément paralysé le temps qu’elle se remplisse de nouveau, ce qui sera souvent synonyme de Game Over face au boss. Chaque ennemi possède également une jauge de rupture que vous pouvez baisser à coups de magie et de techniques spéciales. Une fois réduite à néant, vous pourrez déclencher un finish qui explosera littéralement votre adversaire tout en blessant les autres. Pour les connaisseurs, cette mécanique est comparable à la barre de posture de Sekiro qui fonctionnait de la même manière. Élément très important des combats, une bonne gestion des jauges de rupture écourtera les affrontements y compris contre les boss. Voilà qui rappelle la jauge de Break de certains FF récents.

 

Impressions : démo de Stranger of Paradise Final Fantasy Origin

 

Pour éradiquer vos ennemis, vous pourrez attribuer à Jack deux jobs que vous pouvez alterner d’une simple pression sur la touche triangle. Au nombre de trois dans la démo et tout droit tirés des FF, ces jobs ont un rôle particulier et ont leurs propres équipements et combos. Chaque job – une fois assez investi avec des points de compétences obtenus lors des montées de niveau – donnent accès à un nouveau job « avancé » sorte d’évolution de celui-ci. Comme pour FF I donc.

 

Gladiateur : Classe par défaut de Jack. Le guerrier se bat à l’aide d’une énorme épée à deux mains en effectuant de grands balayages forts pratiques contre plusieurs ennemis. Il est axé sur l’attaque et la défense physique. Son évolution est le Guerrier qui est plus accès sur la défense et a pour compétence spéciale « Cri de guerre » qui repousse les ennemis et vous octroie l’effet Récup.

 

Mage noir : Sûrement le job préféré de votre serviteur dans cette démo. Armé de votre masse et de vos puissants sorts de magie, vous pourrez exterminer vos adversaires en usant et abusant des faiblesses élémentaires de vos ennemis. Très (trop?) puissante, la magie fait également fondre les jauges de rupture des ennemis rendant les affrontements plutôt expéditifs. Il y a fort à parier que nous ne commencerons pas avec tous les sorts au début de l’aventure, cela étant probablement un privilège de la démo. Le Mage noir devient le Sage noir permettant un chargement des magies plus rapide et l’accès à Atomium qui réduit les monstres en poussière… Seul point négatif, l’ergonomie de la roue de sélection des sorts laisse un peu à désirer ce qui peut occasionner mauvaises manipulations.

 

Lancier : Axé sur l’attaque à base de rapides coups d’estoc, le lancier vous permet également de toucher vos adversaires de loin en jetant votre arme sur eux. Il évolue en Chevalier Dragon et obtient la capacité « Saut » vous permettant d’esquiver les assauts adverses avant de retomber sur eux avec fracas.

 

À ces trois rôles initiaux viendront se rajouter au moins cinq autres puisque 8 types d’armes ont été annoncées par les développeurs. Nous aurons donc l’épée à une main (Chevalier, Paladin ?), la hache (Viking, Berserk?), les poings (Moine, Maître ?), les dagues (Voleur, Ninja ?) et le katana (Samuraï ?).

 

Chaque rôle sera personnalisable avec des équipements trouvés dans des coffres ou sur des ennemis. Le loot est très abondant et on regrette qu’il n’y ait pas d’options permettant de ramasser automatiquement les objets. D’autant que devoir utiliser le pavé tactile pour cela est assez peu ergonomique… Fourmillant de statistiques et de caractéristiques spéciales, le menu d’équipement semble tout droit tiré de Nioh et devrait permettre de vraiment personnaliser son personnage de manière unique en offrant de nombreuses possibilités de builds.

 

Impressions : démo de Stranger of Paradise Final Fantasy Origin

 

Stratégie et concentration

 

Tout comme les précédents jeux du studio, FFO sera probablement découpé en missions rejouables à volonté. Il s’agira donc d’explorer des zones plus ou moins vastes remplies d’ennemis à la recherche de raccourcis et surtout du boss des lieux. Cette première mission est assez linéaire mais montre nous montre que certains éléments du décors seront affectés par la magie, ce qui peut permettre de brûler un groupe d’ennemis à distance ou éteindre une barrière de flammes. C’est aussi l’occasion de découvrir les « orifices maléfiques » (ce nom est affreux). Régulièrement, vous vous retrouverez face à des barrières faisant apparaître des monstres en continu. Deux options s’offrent à vous : tuer les créatures pour faire diminuer la jauge de rupture de la barrière petit à petit ou bien foncer dessus tête baissée pour essayer de la briser avant d’être submergé. Sachant que détruire ces manifestations du chaos élimine instantanément tous les ennemis aux alentours, ce sera à vous de choisir quelle approche vous préférez… L’exploration est assez agréable et en faisant attention, on peut facilement arriver devant le boss sans la moindre mort. Pour cela, il faut bien comprendre le rythme du jeu qui est faussement « bourrin ». La clé de la réussite se joue sur l’utilisation des faiblesses et sur les contres (à l’aide de l’égide spirituelle) qui ouvre la garde de vos opposants. Il s’agira donc d’observer et d’attendre le bon moment pour attaquer.

 

Impressions : démo de Stranger of Paradise Final Fantasy Origin

 

Ce sera d’autant plus vrai face au boss de la démo. Appelé Proto-Chaos en français (Chaos? En anglais), il nous rappelle Garland, premier boss de la saga Final Fantasy. Ce combat est beaucoup plus exigeant que les autres et vous demandera d’utiliser toutes les mécaniques du jeu, la moindre erreur étant sanctionnée par une mort. Très rapide, Proto-chaos devra être contré de la manière adaptée selon la situation. Égide spirituelle pour les assauts physiques, Eau pour éteindre son épée de feu, esquive contre sa choppe, Brasier pour détruire sa lame de glace… Le tout en surveillant votre placement ! Et n’espérez pas de l’aide de la part de vos compagnons qui ne tiendront sans doute pas plus de 2 minutes face à lui… Bref, ces rencontres seront sans aucun doute le point culminant de chaque mission et vous demanderont beaucoup d’investissement. Comme Dark Souls ? Et bien pas totalement.

 

Contrairement aux jeux de From Software, la mort n’est pas punitive. En cas de KO, vous réapparaîtrez au dernier point de sauvegarde intégralement soigné sans rien avoir perdu. Nous sommes donc plus sur un jeu d’action de type Ninja Gaiden ou Devil May Cry mais en plus lent et stratégique. Cette espèce de mélange des genres fonctionne assez bien et augure de bonnes choses. Le jeu se veut aussi plus accessible et propose même plusieurs modes de difficulté.

 

L’avis de Skypirate

 

L’E3 s’est achevé dans un mélange d’hilarité teintée de consternation et d’un sentiment globalement amer. Je vous épargnerai le running-gag du moment déjà largement usé pour concentrer ces quelques lignes autour de la version d’essai que j’ai traîné des pieds à lancer, je dois bien l’avouer. Rien d’engageant jusqu’au tutoriel inclus qui témoigne déjà des évidences de la bande-annonce :c’est techniquement fainéant sinon défaillant et artistiquement sans audace. Inutile donc de tirer sur l’ambulance et de m’appesantir davantage et donc d’insister sur les ralentissements, problèmes de caméra, murs invisibles, bugs et effets pyrotechniques dignes d’une fête foraine de campagne. C’est non seulement plutôt vilain mais cette version d’essai est également sortie dans un format indigne et dans la précipitation évidente. En témoigne un faux départ de deux jours pour enfoncer le clou.

Pourtant, et c’est bien la chose la plus intrigante de l’affaire, Stranger of Paradise Final Fantasy Origin semble finalement mû par beaucoup de bonnes volontés jusque dans son ADN. Les fenêtres de tutoriels pullulent tout du long de la démo parce que le titre a finalement déjà beaucoup à proposer. Les premiers pas en deviennent presque intimidants tant les strates s’empilent sans jamais trahir l’esprit des titres dont la Team Ninja et Square Enix se réclament sans ambages. On meurt d’abord beaucoup (en tout cas me concernant, Alx semble au dessus des lois de la dextérité, son Let’s Play vous en convaincra), on s’entête un peu, et puis on finit par attraper les perches tendues tout du long par la démo à grand renforts de parades, d’esquives parfaites, et d’enchaînements finalement plutôt satisfaisants. Si l’ergonomie manque encore (beaucoup) de finition, l’équipe de développement semble déjà très à l’aise avec ses ambitions et tient quelques idées fortes Le loot est un peu laborieux et sollicite bien trop le pavé tactile de la DualSense, mais l’égide spirituelle permettant de ne jamais rompre le cours de l’action au risque de se casser les dents couplée au switch de classes d’une simple pression sur la touche triangle offre de vraies possibilités stratégiques. Cette démo se montre généreuse à bien des égards, tellement que ces quelques heures de jeu m’ont finalement donné le sentiment que je n’avais fait qu’effleurer une infime partie de son potentiel. Il faut dire que la prise en main demande déjà un peu de gymnastique pour naviguer entre les différents menus et trouver son rythme, de même que certaines initiatives de gameplay méritent largement d’être peaufinées (les choix élémentaires pour la classe du mage noir sont notamment on ne peut plus laborieux à appliquer, surtout en pleine action) mais la grande générosité du gameplay apporte satisfaction au global.

 

Impressions : démo de Stranger of Paradise Final Fantasy Origin

 

La construction des environnements réserve par ailleurs quelques belles surprises même si les sempiternels murs invisibles et l’interaction on ne peut plus limitée, et même parfois un peu forcée, avec les éléments du décor n’est pas très engageante de prime abord. Si vous ne deviez retenir qu’une chose de ces quelques lignes est que Final Fantasy Origin semble avoir du cœur derrière ses atours trop pompeux pour les moyens dont il dispose. Il a au moins la chance de passer entre les mains des joueurs (même s’il aurait pu facilement élargir l’exercice en ne s’entichant pas exclusivement de la PS5) et d’espérer grandir grâce aux feedbacks qui permettront d’améliorer l’ergonomie, de travailler plus en profondeur sur l’interaction, et surtout de corriger ce ton péremptoire. On finit de toute façon par complètement oublier ces personnages qui ne servent que de réceptacle à un titre qu’il ne faudrait sans doute pas trop sous-estimer. Une note d’intention plutôt encourageante donc mais qui demandera encore beaucoup d’efforts pour déployer son vrai potentiel et se défaire des clichés dans lesquels Square Enix s’est inexplicablement engoncé comme pour inutilement se rassurer.

Il est au final assez déstabilisant de voir Square Enix renoncer un peu à son image en proposant un projet très embryonnaire sur la forme. La volonté de tester l’adhésion des joueurs et de vérifier ce qui fonctionne bien et moins bien dans le cœur du gameplay a vraisemblablement engagé l’éditeur dans un dévoilement précipité sur beaucoup de plans. Tout dans l’enrobage semble sujet à modification, de même que l’iconographie et même la police des menus semble par exemple complètement empruntée à celle de Final Fantasy XV… définitivement troublant ! L’équipe du jeu semble avoir à ce stade du développement plus besoin que jamais d’une boussole fiable pour déployer son plein potentiel et peut être faire jaillir l’étincelle qui manque encore mais que l’on entrevoit déjà. On moque déjà Tetsuya Nomura pour le cachet occidentalisé et sans personnalité des trois protagonistes, mais il épouse au fond le concept du titre qui se moque des ses atours et donne toute priorité à l’expérience. L’irrationnel aurait été au final de vouloir trop incarner un gameplay malléable et à géométrie variable.

 

 

Impressions : démo de Stranger of Paradise Final Fantasy Origin

 

Au final, Stranger of Paradise Final Fantasy Origin est beaucoup plus intéressant que ce que laissait croire son trailer. Avec des systèmes de combat et de personnalisation complets, des clins d’œil à l’héritage FF au travers de musiques, d’adversaires et de mécaniques venant de la saga et des combats plaisants, le jeu est prometteur. Il n’empêche que le côté technique nécessite encore beaucoup de travail. Espérons également que les autres environnements du jeu seront plus colorés, ce temple du chaos étant assez terne et triste. Nous vous laissons avec une petite vidéo réalisée par mes soins pour que vous puissiez visualiser tout ce dont nous vous avons parlé !