Au milieu des années 2000, les studios japonais ont du mal avec le passage à la HD. Les nouveaux moteurs graphiques et l’architecture des consoles – notamment celle de la PS3 – posent de vraies difficultés aux industries japonaises qui mettront longtemps à s’adapter. Square Enix ne fait pas exception et cela se ressent dans son premier RPG HD : The Last Remnant.

 

En 2006, Square Enix fait face à deux problèmes majeurs : la transition vers la nouvelle génération (PS3/Xbox 360) et ses graphismes HD et son envie de conquérir le marché occidental. Si cette volonté de toucher un autre public finira par être accomplie avec le rachat d’Eidos – après les déboires du projet Fortress – l’évolution technologique sera plus difficile. À cette époque SE travaille sur son propre moteur en interne, le Crystal Tools, qui doit être commun au futurs FF XII, Versus XII et XIV. Le développement est compliqué et prend du retard ne laissant pas le choix à l’entreprise : pour sortir un jeu assez rapidement, SE achète une licence de l’Unreal Engine d’Epic et met tous ses membres disponibles sur ce projet à la tête duquel se retrouve Hiroshi Takai, le futur réalisateur de FF XVI.

 

The Last Remnant : une promesse inachevée
Hiroshi Takai qui semble heureux de travailler sur FF XVI

 

Le développement débute alors mais la prise en main du moteur est beaucoup plus compliquée que prévu à cause de l’absence de documentation en japonais et d’un fonctionnement totalement différent des habitudes japonaises. L’équipe avouera alors devoir revoir ses ambitions à la baisse et annulera la version PS3 initialement prévue. The Last Remnant sortira donc uniquement sur Xbox 360 en 2008 puis en 2009 sur PC dans une version remaniée et améliorée. Le jeu sombrera ensuite dans l’oubli jusqu’en 2018 et sa sortie dans une version « Remastered » – basée sur la version PC – sur PS4, portée sur Switch l’année suivante.

N’ayant jamais eu l’occasion d’y jouer, faute d’avoir la console à l’époque, j’ai enfin pu le terminer sur PS4. L’occasion parfaite pour un nouveau Reset !

 

The Last Remnant : une promesse inachevée

 

Une histoire classique pour un héros basique

 

Rush et sa sœur Irina vivent tranquillement sur une île isolée jusqu’au jour où un homme, accompagné d’étranges créatures, débarque pour enlever la jeune fille. Rush se lance alors immédiatement à la poursuite du ravisseur et atterrit en plein milieu d’une bataille opposant l’armée de David, duc d’Athlum, à une horde de monstres. Suite à la victoire du jeune dirigeant, les deux hommes décideront de s’associer pour retrouver Irina qui semble liée à un complot visant à prendre le contrôle du monde via les rémanences, d’immenses artefacts disséminés aux quatre coins du continent. Complots politiques, aventure et amitiés sur fond d’armes magiques et mystérieuses, The Last Remnant promettait un scénario épique mais se retrouve très vite plombé par de nombreux défauts…

 

The Last Remnant : une promesse inachevée
Rush et les 4 généraux d’Athlum représentant chacune des 4 races du jeu.

 

L’histoire est incroyablement classique et prévisible. Les personnages n’ont aucune nuances et sont bloqués dans leur rôle. Les gentils sont très gentils et les méchants n’ont pas d’autre but que de conquérir le monde. Le passé des différents protagonistes n’est quasiment jamais abordé, quant aux relations entre les personnages, entre dialogues insipides et déjà vus et mise en scène statique, difficile de s’y intéresser.

Le cas Rush Sykes

 

The Last Remnant : une promesse inachevéeProtagoniste mis en avant lors de la promotion du jeu et seul personnage jouable en dehors des combats, Rush est sûrement le héros le plus insupportable que j’ai pu voir dans un JRPG. Niais, énervant et sans aucun relief, il est totalement insipide et semble n’être là que parce que sa sœur et ses parents – de célèbres chercheurs étudiant les rémanences – sont importants. Ce n’est d’ailleurs que lorsqu’il entendra son nom que David acceptera de l’aider. Clairement l’un des pires héros de SE. Oui même Vaan est mieux.

 

L’histoire finira toutefois par décoller au bout d’une bonne dizaine d’heures avec l’arrivée d’Alondite (The Conqueror en anglais, ce qui est quand même plus classe) lors d’une scène d’une rare intensité. Dommage qu’il se révèle aussi sous-exploité que les autres personnages… Cette faiblesse dans l’écriture est d’autant plus triste que l’univers est véritablement enchanteur.

 

The Last Remnant : une promesse inachevée
L’un des rares moments proposant une mise en scène de qualité

 

Une ambiance envoûtante

 

La direction artistique de The Last Remnant est une vraie réussite. Les villes ont toutes un style et une ambiance unique renforcé par la rémanence les surplombant. Symbole de puissance des cités mais aussi de la faiblesse des hommes vivant dans leur ombre, elles sont l’attraction et le point central de chaque lieu. Dommage que l’exploration soit entachée par la taille des cartes qui sont incroyablement petites. Les villes sont fragmentées en deux ou trois petites zones qui certes fourmillent de vie, mais peuvent aussi créer de la frustration chez le joueur qui rêvait de s’y perdre… De plus lorsque l’on change de zones, il est obligatoire de repasser par la carte de la ville afin de choisir sa nouvelle destination, de quoi casser l’immersion… Pour ce qui est des donjons, on alterne entre cavernes basiques et inutilement labyrinthiques et zones en extérieur jolies mais réduites à de simples lignes droites. Ne vous attendez pas non plus à des énigmes ou quelconques interactions avec l’environnement. Tout juste aura t-on le droit à quelques élévateurs d’une lenteur exagérée ou à de la brume n’ayant d’autre but que de vous ralentir – pour rien puisqu’il n’y a pas d’ennemis pouvant en profiter à cet endroit…

À noter que 75% des zones du jeu sont totalement optionnelles et ne se débloquent que si vous parlez à certains personnages ou effectuez une série de quêtes. Un parti pris qui donne l’impression d’être un véritable explorateur lorsque l’on découvre un nouvel environnement.

 

La carte par laquelle vous êtes obligés de passer à chaque changement de zone
La carte par laquelle vous êtes obligés de passer à chaque changement de zone
Les villes sont magnifiques et toutes assez uniques en terme d'ambiance
Les villes sont magnifiques et toutes assez uniques en terme d'ambiance
L'une des (très) nombreuses grottes du jeu... Vous remarquerez que le nom de la zone est totalement adapté
L'une des (très) nombreuses grottes du jeu... Vous remarquerez que le nom de la zone est totalement adapté
La plus grande zone du jeu. La plus vide aussi.
La plus grande zone du jeu. La plus vide aussi.

 

Un petit air d’Ivalice ?

 

Impossible de ne pas penser à Final Fantasy XII et sa capitale Rabanastre lorsque l’on voit Elysion. De même, les humains cohabitant avec d’autres races rappelle forcément Ivalice et ses nombreux peuples. Même Rush et Vaan partagent un petit quelque chose alors qu’Alondite ressemble à un Vayne vieilli. De nombreux membres de l’équipe ayant travaillé sur le douzième épisode, il est normal de retrouver quelques similitudes. Cela n’empêchera pas The Last Remnant de se démarquer et de proposer sa propre identité.

The Last Remnant : une promesse inachevée
The Last Remnant : une promesse inachevée

 

D’un point de vue musical, c’est un quasi sans-faute que nous proposent Tsuyoshi Sekito et Yasuhiro Yamanaka. Entre thèmes d’exploration qui restent en tête et musiques des combats – qui changent au gré de la situation – dynamiques et rocks, la bande sonore est une réussite qui n’a pas à pâlir face aux autres JRPGs de Square Enix.

 

Hors de contrôle

 

Il est maintenant temps d’aborder le gameplay du jeu. Première chose à savoir : The Last Remnant est lent, très lent. Que ce soit dans les phases d’exploration ou de combat, tout semble se dérouler au ralenti. Fort heureusement cette version Remastered propose une option permettant d’accélérer l’action qui restera sûrement activée tout le long de votre aventure. Mais ce n’est rien face à ce qui est sûrement le plus gros défaut du jeu, l’absence de contrôle du joueur.

 

The Last Remnant : une promesse inachevée
L’écran est surchargé d’informations durant les combats sans que l’on comprenne forcément ce qu’il se passe…

 

Lors des combats vous dirigez des groupes, appelés unions, pouvant être composés d’un à cinq personnages. Il en est de même pour les ennemis qui peuvent en plus appeler d’autres unions à la rescousse. Les batailles opposent donc un grand nombre d’unités et il n’est pas rare d’affronter une centaine d’adversaires lors de certaines d’entre elles vers la fin du jeu. Si les développeurs avaient pour ambition d’offrir des joutes épiques entre armées, on se retrouve la plupart du temps à ne pas savoir où se trouvent nos personnages au milieu de la quantité d’ennemis. La faute à une mini carte inutile car pas assez détaillée et au fait que le jeu n’affiche pas en permanence tous les personnages lors de l’action rendant le tout assez confus. Pour ce qui est des attaques, vous ne pouvez pas décider ce que vont faire vos différents personnages. Le joueur peut juste donner des ordres assez vagues comme « attaquez », « soignez vous » ou « utilisez tout ce que vous avez ! » puis le jeu décide seul quelles actions vont effectuer vos héros. Impossible également de choisir dans quel ordre vos unions doivent agir ou de changer de directives si la situation venait à évoluer en cours de tour. Ce manque de contrôle est extrêmement frustrant et contribue à rendre la plupart des combats totalement aléatoire. Il n’est pas rare de perdre contre certains boss car vos soigneurs ne veulent pas ressusciter une union KO ou que vos personnages refusent d’utiliser leurs techniques les plus puissantes. Vous passerez donc le plus clair de votre temps à donner vos ordres puis à croiser les doigts pendant que l’IA fait le reste.

 

Une parade parfaite annule les dégâts, extrêmement utile donc !
Une parade parfaite annule les dégâts, extrêmement utile donc !
Certains personnages ont une super attaque. Encore faut-il que le jeu vous en propose le choix ( ce qui est rare...)
Certains personnages ont une super attaque. Encore faut-il que le jeu vous en propose le choix ( ce qui est rare...)

Afin d’éviter que vous vous ennuyiez pendant ces séquences où vous ne jouez pas – qui peuvent être très longues – des petites QTE apparaîtront par moment pour déclencher coup critiques et parades et ainsi vous maintenir éveillés (vous pouvez cependant les passer en mode automatique, le jeu les validant à votre place). À tout cela s’ajoute une jauge de moral qui influe sur les dégâts des différents protagonistes. Si elle penche en votre faveur, vous enchaînerez coups critiques et attaques spéciales alors que si elle se trouve du côté de vos ennemis vous subirez des dégâts plus importants. Sachant que la plupart des boss vers la fin du jeu commencent avec une barre entièrement de leur côté, attendez vous à devoir vous soignez à chaque tour le temps de la faire remonter – ce qui encore une fois dépend du bon vouloir du jeu. Vous avez aussi la possibilité de lancer des attaques de flanc et par l’arrière mais franchement tout cela se fait un peu au hasard…

 

Le rang de combat ou comment gâcher votre partie

 

Le jeu ne propose pas de système d’expérience traditionnel. Pas de niveaux ni d’XP mais des améliorations de statistiques et de compétences en fin de combat (similaire à ce que proposait FF II). Pour simplifier, plus un combat durera longtemps, plus vos personnages agiront augmentant ainsi la probabilité d’une amélioration. La logique voudrait donc que vous enchaîniez les rencontres afin de maximiser vos statistiques. Sauf que cela fait grimper votre rang de combat ce qui peut à terme bloquer totalement votre progression. En effet, ce rang influe sur la puissance de vos adversaires et ce de manière très importante. Nombre de PV augmenté drastiquement, statistiques qui s’envolent, compétences de niveau supérieur et équipements de haut niveau font que la moindre rencontre peut virer à la catastrophe si vous faites le mauvais choix – ou si le jeu l’a décidé, ce qui arrive très souvent. Si bien que de nombreux joueurs ont abandonné leur partie pour cause de boss imbattable. J’ai moi-même dû persévérer contre certains d’entre-eux et prier pour que Dame chance soit de mon côté. J’ai d’ailleurs triomphé du dernier boss uniquement grâce à une esquive de la part de mon dernier personnage encore debout…

 

The Last Remnant : une promesse inachevée

 

 

Si le principe de faire évoluer les ennemis en même temps que vous est une bonne idée (FF VIII ou Oblivion sont de bons exemples) l’équilibrage complètement raté de TLR en fait l’un de ses pires défauts. Par curiosité, j’ai été me renseigner sur le net après avoir terminé le jeu et j’ai vu qu’il était conseillé de jouer en évitant les combats afin de ne surtout pas faire monter ce rang. Totalement à l’encontre de la logique du genre, surtout qu’une fois de plus le jeu ne vous explique à aucun moment comment fonctionne cette mécanique…

 

The Last Remnant : une promesse inachevée
Votre rang de combat vient d’augmenter et la difficulté aussi !

 

Pour mettre toutes les chances de votre côté lors des combats vous pouvez paramétrer les compétences auxquelles vos personnages ont accès. Ces dernières sont classées selon divers types : attaques physiques, magie, altérations d’état, soin, objets… Plus un personnage va utiliser un type de compétence, plus il va en débloquer de plus puissantes. Il vaut mieux spécialiser ses unités dans un seul rôle afin d’optimiser ses statistiques, il s’agira donc de découvrir quel domaine correspond le mieux à chacun. Sachant qu’une fois encore aucune indication ne vous est donnée par le jeu… Concernant l’équipement, seul Rush est personnalisable à l’envie. Pour changer celui de ses compagnons vous devez attendre que celui-ci vous réclame un objet – ce qui n’arrive que sur la carte du monde – pour pouvoir lui donner afin qu’il s’en équipe. En plus de retirer encore une fois le contrôle au joueur, cela crée des situations totalement idiotes comme lorsque vous trouvez une nouvelle arme et ne pouvez pas l’utiliser contre le boss qui se trouve quelques mètres plus loin…

 

The Last Remnant : une promesse inachevée
Il va falloir attendre pour améliorer l’équipement de vos personnages…

 

Les armes peuvent d’ailleurs être améliorées via un système de forge qui vous demandera de réunir des matériaux à collecter sur le terrain ou en affrontant des monstres. Sauf que là encore, The Last Remnant rate son coup en rendant la chose lourde au possible. Exemple tout simple : vous souhaitez créer une épée et avait donc besoin d’un matériau de monstre. Sauf que ce monstre n’apparaît que si vous avez accompli une quête de guilde qui elle-même n’est disponible que si vous avez battu un autre monstre qui se débloque via un objet qui se trouve dans une quête accessible en échange d’un autre objet qui lui-même se récupère sur un monstre, etc… C’est sans fin ! Et c’est comme ça pour quasiment chaque objet dans le jeu… Et quand l’on se rend compte qu’un même ennemi peut donner des quinzaines de récompenses différentes selon vos actions et certains objets-clés, il y a de quoi devenir fou. Tout ça pour une épée qui se retrouvera obsolète 2 donjons plus tard… Et si vous avez la chance d’avoir un exemplaire de l’objet convoité, impossible de savoir d’où il vient car le jeu ne possède aucun bestiaire. Reste la solution des guides sur internet, unique moyen de ne pas perdre des heures pour rien même s’il est dommage de devoir en arriver là…

 

The Last Remnant : une promesse inachevée
Chaque personnage vous indiquera ce dont il a besoin pour améliorer son arme. Il ne vous reste plus qu’à chercher !

 

Le non de la fin

 

Je n’ai pas apprécié The Last Remnant, pourtant j’ai essayé de me concentrer sur ses bons côtés. Malheureusement, sa lourdeur, le fait que la plupart des informations soient cachées ou absentes et son système de combat frustrant et approximatif ont eu raison de ma bonne volonté. Il fait partie de ces jeux impossibles à terminer et à comprendre à 100% sans guide ou aide extérieure. Est-ce dû à un manque de temps de la part des développeurs ? Sûrement, mais dans ce cas pourquoi ne pas avoir profité de cette version Remastered pour ajouter quelques tutoriels en jeu afin d’expliquer à quoi correspondent les différentes statistiques (dont certaines restent encore incomprises 12 ans plus tard) et mieux comprendre l’évolution des personnages ? Premier essai HD de Square Enix, The Last Remnant ne mérite pas vraiment de sortir de l’oubli dans lequel il est tombé. Déjà médiocre à l’époque, ses défauts ont mal vieilli le rendant difficilement appréciable aujourd’hui.

 

The Last Remnant : une promesse inachevée

 

Si The Last Remnant est rempli de bonnes intentions, la non-maîtrise du moteur par les développeurs se ressent sur presque tous les aspects du jeu qui laisse une impression d’inachevé. Dommage car les bases étaient là… C’est maintenant à votre tour de donner votre avis via les commentaires ou sur les réseaux sociaux !