Après notre première salve publiée le 17/04, nous sommes heureux de vous proposer aujourd’hui l’avis très construit de notre nouvelle recrue, Can, qui nous propose sa critique après quelques 56 longues heures de jeu. Nous vous encourageons toujours à partager vos impressions depuis nos réseaux sociaux. Nous vous souhaitons une très agréable lecture.

Final Fantasy VII Remake  : une madeleine de Proust aussi savoureuse qu'espérée?

Certains grands projets peuvent indéfiniment s’atermoyer. Et souvent, il existe un lien de causalité entre d’un côté, le degré d’attente du public et de l’autre, le délai nécessaire à l’aboutissement de ces derniers. C’est de ces projets-là que pour certains naissent des chefs-d’œuvre et pour d’autres, des purs produits de controverse. Diverses raisons peuvent expliquer, voire justifier l’existence de ce perpétuel bûcher d’opinions dichotomiques sur lequel finit le produit de l’éditeur sinon le graal du joueur, résultat d’une grande machination industrielle tiraillée entre la soif d’optimisation commerciale et l’expression artistique. Qu’il s’agisse de restrictions pécuniaires, d’aléas technologiques ou de problèmes causés par la direction d’une tête pensante, artistiquement prolifique mais dont la relative méconnaissance des techniques de développement handicape les compétences de sa main d’œuvre, un jeu vidéo trouve toujours un public. Celui qu’il réussira à faire sien, par ses qualités, et malgré ses défauts. Ce qui est certain, c’est qu’il vivotera dans les esprits toujours autant de Final Fantasy VII qu’il y’aura de joueurs différents.

 

 

 

Final Fantasy VII Remake  : une madeleine de Proust aussi savoureuse qu'espérée?

La première tranche du gâteau d’un pari risqué

Si on peut légitimement dénoncer l’absence d’un sous-titre indiquant que le jeu, bien que fièrement nommé « Final Fantasy VII Remake », se concentre exclusivement sur les événements de la mégalopole de Midgar, il n’est pas non plus nécessaire de s’attarder outre-mesure sur la nature épisodique du titre. Après tout, il existe bien une inscription l’explicitant au dos de la jaquette, que nous pouvons, moyennant un simple coup de loupe, l’apercevoir distinctement ! La légitimité de ce choix de démembrement incombera à l’appréciation de chacun, mais il est dès lors certain que le jeu n’est pas une « sous-expérience » pour autant. La section de Midgar, servant d’introduction de luxe au jeu de 1997 est ici étendue, aussi bien narrativement que dans ses proportions architecturales. Le jeu ne lésine certainement pas sur le temps de jeu qu’il est effectivement capable de proposer au joueur et sur ce point précis, on en sort relativement contenté du prix investi. Cela-dit, certaines réserves trouvent fondement dans la nature-même du contenu servant à multiplier la durée de vie, élément sur lequel ce remake était particulièrement attendu au tournant.

Final Fantasy VII Remake  : une madeleine de Proust aussi savoureuse qu'espérée?

La nostalgie comme point de pivot

Pour peu que que vous ne soyez pas hermétiques au moindre changement, il y’a peu de chances que votre cœur de fan ne subisse pas la moindre activité tachycardique suite au démarrage de l’aventure. Un enivrement nostalgique qui prend effet dès l’écran titre, quand on pose enfin les yeux sur l’épée iconique plantée au sol et que nos oreilles réagissent à la prélude Final Fantasy dominant peu à peu le paysage sonore de la pièce. Que dire, si ce n’est que ça fonctionne ! Le travail de restauration est impeccable et tout le melting-pot artistique du jeu original se retrouve, même dans ses plus délicieuses bizarreries, parfaitement transposé par les moyens techniques actuels. Comment accepter l’idée qu’on puisse frissonner à la simple vue d’un personnage, d’un lieu ou même d’un simple objet ? Il est essentiel de reconnaître que Final Fantasy VII Remake part pour beaucoup avec un avantage non-négligeable : un énorme bagage émotionnel existant. Et il est utile de garder ce facteur déterminant en tête, lorsqu’il sera question d’énumérer ses qualités, aussi bien que ses défauts. Le jeu manque certainement d’ambition dans sa conception mais regorge définitivement d’âme !

Final Fantasy VII Remake  : une madeleine de Proust aussi savoureuse qu'espérée?

Les musiques au cœur du manège

S’il existe un point capable d’être voté à l’unanimité, c’est bien celui de la bande son qui mérite tant d’éloges. Chaque moment est accompagné d’une orchestration sonore de premier choix. Entre reprises et nouveaux thèmes, l’OST fera de nombreux heureux parmi les amateurs du genre. Mention spéciale à la bande son adaptative qui avait été introduite par Final Fantasy XV et qui répond présent ici également, permettant au jeu de proposer plusieurs variations d’une même piste qui varie selon le courant de l’action à l’écran. Quant au mixage son, inhérent à la gestion des bruitages et voix, il n’est malheureusement pas à la hauteur du reste. Il est chose commune que des dialogues se chevauchent, soient décalés ou qu’on puisse entendre distinctement ce qu’un PNJ chuchotera à 20 mètres de distance alors que celui s’adressant directement à nous à proximité soit inaudible.

The Price of Freedom

La liberté, une des traditionnelles qualités nécessaires à la constitution d’un jeu de rôle mémorable, se retrouve ici sacrifiée sur l’autel des critères essentiels. Il s’agissait certainement du prix à payer, pour en contrepartie bénéficier d’une aventure narrative soutenue. On oscille constamment entre le spectacle des mises en scène explosives (comme on en voit rarement dans le jeu de rôle japonais actuel), et la fracture brutale de ces dernières lorsque, d’une simple initiative personnelle, nous décidons d’attenter une quelconque action imprévue par le jeu.

Final Fantasy VII Remake  : une madeleine de Proust aussi savoureuse qu'espérée?

Les murs, au sens propre comme au figuré sont légion dans la philosophie de level-design du jeu. Non-content d’être excessivement linéaire par moments, le jeu ne prend souvent même pas la peine de placer un objet physique aux délimitations du terrain explorable, créant une cassure supplémentaire avec le joueur qui verra régulièrement son illustre Cloud faire du surplace devant un obstacle pourtant invisible. On étouffe un peu, et à raison d’un amour profond pour cet univers qu’on aime et qu’on aurait voulu explorer extensivement à l’occasion d’une telle remise au goût du jour. Ses lieux connus, mais surtout la majorité de ses inconnus que nous avions du construire par le seule force de notre imagination et qui -si l’occasion n’avait pas été manquée- aurait pu prendre une forme bien réelle. Non, pas que le jeu ne crée rien, ou presque..!

Au contraire, Final Fantasy VII Remake passe le plus clair de son temps à créer, avec plus ou moins de succès. Mais c’est à force de vouloir accumuler des ajouts bruts et en privilégiant la quantité qu’il se perd dans la conception de nombreux chapitres principaux qui naissent de prétextes scénaristiques fainéants et dont les environnements et les interactions possibles en leur sein sont dignes des donjons secondaires, voire tertiaires de certaines grandes références du RPG actuel. Il serait difficile de nier que nous attendions de néo-Midgar plus de liberté dans un premier temps, mais surtout plus d’exploration. Et dans des environnements autres que des tunnels de métro, des réseaux d’échafaudages ou encore des égouts. Surtout que ces lieux, déjà bien pauvres artistiquement, sont construits à partir de pas grand-chose et doivent leur longueur au recyclage dont le jeu se montre coupable plus d’une fois. Il va sans dire que ces sacrifices qualitatifs étaient probablement le seul moyen pour que le projet puisse un jour être bouclé, sous une forme plus ou moins finie, évitant en tout cas d’y consacrer un second round de 5 ans de production supplémentaire.

Un système de combat infaillible ?

Les combats se présentent comme un excellent compromis entre l’action effrénée et les éléments stratégiques propres au genre. Le jeu réimplante l’illustre jauge d’ATB qui se remplit en exécutant des attaques basiques et selon les statistiques de rapidité du personnage. Pour chaque barre d’ATB remplie, nous aurons le choix d’utiliser une compétence spéciale, de la magie ou encore un objet. Chacun des choix stratégiques peut se faire en temps réel par le biais des raccourcis de commande ou encore à l’aide de la pause active qui ralentira le cours de l’action pour permettre réflexion ! La plupart des ennemis, passées les premières heures de jeu, ne flanchant pas face aux attaques basiques, l’utilisation judicieuse de vos barres d’ATB sera l’unique manière de tirer partie de la jauge de Choc des ennemis qui une fois actionnée, multiplie les dégâts infligés. Vous aurez le choix entre plusieurs personnages aux capacités différentes (et personnalisables grâce au système de Matérias) entre lesquels vous avez la liberté de switcher, sans délai, durant les combats afin d’arriver le plus efficacement à vos fins !

Néanmoins, il est certainement dommage que nous ayons le plein contrôle et les moyens suffisants à la constitution d’une équipe polyvalente que bien trop tard dans le jeu. La progression étant lente (et même contrôlée, à l’image de tous nos faits et gestes ?), on aura l’entièreté de nos personnages et suffisamment d’emplacements de Matérias pour chacun qu’au commencement de la fin de l’aventure.

Les combats, bien qu’exemplaires à bien des égards, présentent des soucis de finition. Assez tôt dans le jeu, on se rendra compte que le titre fait l’erreur de ne pas adhérer à certains standards des jeux d’action du moment, à son détriment. L’esquive, qui est une commande immédiate et illimitée a pour principale qualité… d’exister. Pas loin d’être inutile en situation réelle, elle peut au mieux s’avérer d’une certaine utilité contre les ennemis les plus faibles, mais vous vaudra une mort certaine contre certains ennemis qui feront aisément fi de vos petites galipettes. Le problème s’avère encore plus flagrant contre les attaques de zone qui vont jusqu’à vous faire douter la qualité de programmation des masques de collision du jeu. Il est difficile de déterminer si le choix des esquives superflues était intentionnel ou si, tout comme les combats aériens et les énormes soucis de caméra, sont tout simplement des éléments qui auraient nécessité un temps de développement plus long. Ce qui est certain, c’est que les combats constituent dès lors un pilier solide qui sera sans doute davantage fortifié par les épisodes à venir. Il ne serait pas étonnant qu’on tienne là les bases que tout Final Fantasy futur emprunte pour, à son tour, essayer de s’émanciper.

Final Fantasy VII Remake  : une madeleine de Proust aussi savoureuse qu'espérée?

La pertinence de la plus-value

La réinterprétation d’une histoire connue et chérie de tous n’est pas chose aisée. Bien que ce soit à tatillon, le jeu altère certains événements de l’histoire originale mais se démarque surtout sur sa façon, parfois ingénieuse d’insérer des passages inédits entre deux événements plus familiers. Les ajouts scénaristiques, quand ils sont de taille, sont même prétextes à des chapitres entiers qui peuvent surprendre de part leur pertinence, mais également et malheureusement par leur rareté ! Qu’il est dommage que cet aspect n’ait pas été davantage développé alors que le jeu dissémine suffisamment de pistes pour qu’à chaque saut de chapitre, nous espérions voir se développer dans le suivant, l’histoire d’un tel personnage secondaire existant ou d’un autre, totalement inédit et dont l’apparition peut se limiter à un seul événement sans qu’on sache ce qu’il advient de lui dans le reste du jeu (jusqu’à la sortie de Final Fantasy VII Partie 2..?)

Nous avions brièvement abordé la durée de vie, étonnamment généreuse et contre toute attente ! La question qui fâche sera celle qui essayera de définir si oui ou non, la consistance est également au rendez-vous. Il existe tout simplement de ces jeux qui ne respectent pas votre temps de jeu disponible et qui préfèrent cocher des cases pour atteindre certains quotas par des moyens douteux plutôt que de proposer des expériences plus brèves mais d’une qualité autrement plus constante. Passons sur les errances des nombreux chapitres d’histoire (qui peuvent facilement être qualifiés de « remplissage ») dont l’exécution de chacun représente des occasions manquées de raconter une nouvelle histoire ou de faire vivre un événement mémorable (à moins que vous rêviez qu’on en sache plus sur les égouts ou encore les réseaux de train de Midgar !) Là où le jeu se montre particulièrement grossier, c’est dans ses propositions annexes. Des modèles de quête comme on ne devrait plus en faire et qui étaient déjà décriés il y’a une décennie. L’intérêt ludique est moindre, l’intérêt narratif est proche du néant et de surcroît, leur complétion vous vole de précieuses heures pour des récompenses qui n’en sont pas et qui ne font qu’ajouter aux problèmes de rythme du jeu. Ajoutons à cela qu’ils ne vous feront découvrir aucun lieu digne d’intérêt avec une mise en scène on ne peut plus minimaliste dans les bidonvilles servant de HUB au jeu. N’espérez pas découvrir plus qu’une arène dérobée à l’occasion de votre recherche des 3 chats aux skins identiques !

Final Fantasy VII Remake  : une madeleine de Proust aussi savoureuse qu'espérée?

Une madeleine de Proust au goût de cendres ?

Final Fantasy VII Remake s’avère être une cuillerée de beurre de qualité, toutefois étalée sur une tartine disproportionnée. C’est à la fois ce que Square Enix peut faire de mieux et de pire. Cette approche soutenue et relativement riche de la narration, ce soin visuel et cette qualité mélodieuse, c’est tout ce qu’on est en droit d’attendre d’une aventure de la saga. Quant à la forme, qu’il s’agisse de sa structure fainéante, sa linéarité exacerbée ou son opulence de chapitres parfois superflu semblant provenir d’une quelconque société d’outsourcing… On tient peut-être là une liste de choses à révolutionner, nécessaires à la concoction d’une formule autrement plus adéquate à la stature de la saga. Cela-dit, nul doute que nous soyons sur la bonne voie. Et l’ultime Final Fantasy qui ne devra pas se plier face à d’aussi lourds compromis est peut-être à un proche tournant. Une vraie montagne russe d’émotions contradictoires plus tard, j’en ressors mitigé mais optimiste. Et il est rassurant que les aspects qu’on peut trouver indignes d’une telle production n’enlèvent finalement rien à la superbe des moments d’anthologie qui en plus d’avoir parfaitement traversé les âges n’ont définitivement plus rien à prouver, contrairement à la capacité de Square Enix à concilier la narration à ce qu’on est en droit d’attendre d’un RPG qui elle, reste définitivement à démontrer.