Lancé au Japon en 2015, puis un an après dans le reste du monde, le jeu mobile Mobius Final Fantasy deviendra prochainement inaccessible. Tristement paradoxal pour celui qui reprenait la symbolique du ruban de Möbius, évocation de l’infini.

C’est par le biais d’annonces sur les site officiels du jeu que l’équipe de développement révèle que les aventures de Wol et compagnie dans l’univers de Palamecia prendront fin avec une interruption de service le 30 juin prochain (en ce qui concerne la version globale, la japonaise s’éteignant dès mars).

Nous souhaitons exprimer notre plus profonde gratitude à tous les joueurs qui nous ont soutenus depuis la mise en service du jeu le 3 août 2016. C’est le cœur lourd que nous vous faisons part de cette triste nouvelle.

Nous continuerons de mettre à jour les événements dans le jeu, y compris la conclusion de l’arc du Guerrier du désespoir, jusqu’à l’arrêt du service. Nous espérons du plus profond de notre cœur que vous poursuivrez vos aventures jusqu’au bout.

Merci d’avoir combattu aux côtés des Guerriers de la lumière, et merci d’avoir fait partie du monde de MOBIUS FINAL FANTASY. Continuez d’apporter la lumière à ceux qui vous entourent.
— L’équipe des opérations de MOBIUS FINAL FANTASY

Logo Mobius Final Fantasy : Le Guerrier de la lumière
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Logo Mobius Final Fantasy : Le Guerrier du désespoir
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On déduit des termes choisis dans le communiqués que la décision fut particulièrement difficile à prendre. L’envie de poursuivre demeurait donc. On se souvient néanmoins de l’évocation timide de l’avenir avec une concentration sur de nouveaux événements collaboratifs avec d’autres Final Fantasy et l’absence de cette emphase qui avait tant servi à la promotion du jeu. Malheureusement, ces indices laissaient à penser que la fin était inéluctable. Les raisons ne sont pas communiquées, mais on peut sans mal avancer qu’une adhésion insuffisante (et probablement décroissante) du public ait été logiquement fatale. Le jeu demandant de l’entretien sur la durée, l’absence de joueurs signifie un coût d’entretien et de développement supérieur aux revenus potentiels.

Un projet audacieux

Investis d’une ambition inédite, celle de concevoir un Final Fantasy digne de ce nom sur mobile et d’une qualité presque équivalente à celle d’un jeu sur console, de grands noms ont participé à son élaboration pour tenter de concrétiser le projet. Avec comme producteur Yoshinori Kitase (FFVI, FFVII, FFVIII, FFX, FFXIII, FFVII Remake), Motomu Toriyama à la réalisation (FFX, FFXIII, FFVII Remake), Kazushige Nojima au scénario (FFVII, FFVIII, FFX, FFXIII, FFXV, FFVII Remake) avec Daisuke Watanabe (X, XII, XIII), Mitsuto Suzuki à la musique (FFXIII/2/LR, The 3rd Birthday) ou encore Toshiyuki Itahana au design des personnages (FFIX, FFCC, LR), le contrat était alléchant. Mais a-t-il été rempli ?

Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt

Avec son système de jeu calibré pour une expérience tactile, les combats de Mobius pouvaient demander de l’investissement en termes de personnalisation et de stratégie afin de venir à bout des défis et suivre l’histoire d’un univers riche et passionnant. Les sons de Suzuki, aussi qualitatifs que variés, ont su habiller cet univers impitoyable et lui donner une belle identité. Oui, mais derrière la générosité sévissait l’un des vices des jeux du genre. Particulièrement répétitif, redondant, abrutissant lors de ses phases « d’exploration » : il en aura découragé plus d’un en dépit d’une réalisation technique extrêmement solide et d’une politique commerciale non poussive.

Et pourtant, ces quatre (pour la version globale) à cinq (pour la version japonaise) années ont été l’occasion de voir le jeu poursuivre son développement notamment en incluant un mode multijoueur, une traduction en français et une version PC, jusqu’à connaître un premier grand final puis une évolution marquée par un nouveau sous-titre : Le Guerrier du désespoir. Une petite saga dans la saga ! Ce fut l’occasion de prendre part progressivement à des combats un peu différents, de s’approprier davantage de personnages et d’élargir le champ des possibles. Probablement trop peu, malheureusement.

Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt

Mon expérience

Mon expérience fut teintée de hauts et de bas. Si j’ai tout de suite été séduit par le potentiel d’un jeu effectivement proche par son monde et son goût des belles choses d’un Final Fantasy moderne « conventionnel », le carcan mobile et le modèle commercial associé (accès gratuit avec microtransactions optionnelles) ont alimenté un cercle vicieux qui m’a progressivement conduit vers la sortie.

Une immersion par l'exploration peu convaincante...
Une immersion par l'exploration peu convaincante...
Une immersion par l'exploration peu convaincante...
Une immersion par l'exploration peu convaincante...

J’ai pourtant été happé par les premiers instants, par les fins de chapitre qui faisaient presque oublier le rythme extrêmement lent de la narration, et plus spécifiquement encore par la fin de l’acte 1 du Guerrier de la lumière. Mobius aura déployé un talent certain à reproduire des sensations que je ne m’attendais pas à trouver sur une telle production. Oui, Mobius avait du cœur, comme son héros. Tour à tour antipathique et sympathique, Wol (pour Warrior of Light, un qualificatif officiel) fut un bon compagnon de voyage, contant derrière son pessimisme constant ses espoirs par un verbe aussi acéré que ses lames.

C’est donc avec un petit pincement au coeur que je fais mes seconds adieux à Palamecia. Je ne regrette pas le temps investi. Si le destin des jeux-services mobiles n’est jamais heureux, j’estime que les développeurs avaient de toute façon en grande partie touché les limites du concept. Le mode de consommation et les limites du cadre technique ont imposé un style de jeu en fin de compte trop frustrant à trop d’égards pour le bénéfice retiré. Certains diront qu’il était fou d’en attendre davantage, d’autres que c’est aussi ça, Final Fantasy : de l’expérimentation constante en accord avec son temps.

Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
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Héritage ?

Une des particularités de Mobius Final Fantasy par rapport à la plupart des jeux mobiles de grands éditeurs était son développement interne chez Square Enix. Plus précisément, c’est au sein du prestigieux studio de développement à qui on doit notamment la saga Final Fantasy XIII et Final Fantasy VII Remake qu’a été conçu l’essentiel du projet. Il n’est donc pas surprenant de retrouver du personnel sur le projet actuel du studio. Les « nouvelles » aventures de Cloud profiteront donc du talent de Motomu Toriyama, de Shintaro Takai, de Takayo Miyake, de Masaaki Kazeno (dont vous retrouverez ici de récents commentaires sur leurs parcours et ambitions) ou encore Naoki Hamaguchi qui avait déjà quitté le projet pour devenir co-réalisateur sur Remake. On peut rêver qu’un beau jour, une équipe reprendra le chemin de l’expérimentation pour tenter une nouvelle et folle aventure en terrain miné. En attendant, c’est sur une folle réinvention qu’ils feront leurs preuves.

Ce pilier de la proposition ludique sur mobile s’éteindra donc en laissant peu de traces. Tout juste existe-t-il un livre d’illustrations publié aux alentours du premier anniversaire du jeu, et deux bandes-originales officielles. Le premier couvre une portion des illustrations conceptuelles (notamment celles qui relatent les événements clefs de l’acte 1 et qui ornent cet article) et pratiques (les fameuses cartes de compétences). On imagine sans mal qu’une édition complémentaire aurait pu voir le jour afin que le travail accompli depuis ne tombe pas officiellement dans l’oubli. Toutefois, un grand nombre des illustrations de cartes a été confié à des artistes extérieurs à Square Enix, et dont la production se retrouve facilement sur leur portfolio. Il est d’ailleurs possible de relativiser une partie de cette perte, car aussi liées au gameplay qu’elles furent, leur qualité et leur style très variables n’en font pas nécessairement des indispensables.

C’est probablement plus dommage pour la bande-originale qui mériterait son troisième volume, la musique ayant grandement contribué au charme de l’aventure. Mitsuto Suzuki le rappelle avec la synthèse de son travail sur ce projet (voir plus bas). Cela dit, si la commercialisation de Mobius cesse, un ultime produit dérivé de cet acabit peut encore voir le jour dans la foulée.

Autrement, l’héritage ludique s’incarnera désormais dans les vidéos captées par les joueurs. Quand le jeu-vidéo n’est plus que vidéo, il perd nécessairement de son âme. Espérons que le souvenir de Mobius se cristallisera chez ceux qui y ont vu de la grâce.

MOBIUS FINAL FANTASY 2015~2020 FINAL MIX

 

Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
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Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt
Le ruban se déchire : Mobius Final Fantasy s'éteindra bientôt

Je reprends les termes que j’avais employés précédemment : alors que la Business Division 1 (assimilée maintenant à la plus grande entité Creative Business Unit I) est affairée sur Final Fantasy VII Remake et que des produits mobiles comme Final Fantasy Brave Exvius remportent une adhésion bien plus franche que Mobius, il était difficile de ne pas être inquiet quant à l’avenir du jeu. L’aventure s’arrête donc sans que Mobius n’ait vraiment réussi à imprimer une marque indélébile dans le paysage. Mais comment regretter ce petit détour dans la série ? Fort de folles promesses et de belles qualités, cette production ludique aura tenté de lutter contre sa nature avant que celle-ci ne la rattrape et ne la condamne. Parfois, on ne peut échapper au destin. Mais il est possible de s’incliner dans la dignité. D’ici la fermeture des serveurs, une ultime promesse est faite : l’histoire commencée sera contée jusqu’à son terme, faisant de cette dernière tâche l’ultime fantaisie de Mobius.