En amont du lancement de la Paris Games Week 2019, nous avons été conviés à prendre en main Final Fantasy VII Remake afin de nous faire un premier avis. Après des passages à vide suite à son annonce en grande pompe en 2015, une inquiétude certaine avait fini par assombrir notre regard. Pourtant, depuis la reprise en main du projet en interne, le projet semblait progresser à un bon rythme, garantissant au moins que l’enlisement était derrière nous.

Un grand merci à Cédric de Square Enix France pour l’invitation.

Invitation à la Réunion

En tant que fans de la série, les lumières de nouveau braquées sur l’épisode le plus populaire au détriment d’une nouveauté plus légitime interrogeaient sur la pertinence du projet et sur l’attention à lui porter. Sonnant comme un aveu d’échec créatif, la perspective que ce mastodonte incarne la série pendant les années à venir (nouvelle saga dans la saga oblige, FFVII Remake n’est qu’une première pierre à l’édifice de la revisite) avait de quoi décourager. Un univers connu, des personnages connus, une histoire et des thématiques connues, des musiques connues (on note bien sûr un pouvoir évocateur que les arrangements semblent avoir sublimé)… la modernisation des visuels et du système de jeu devenu très dynamique semble un peu seule à porter sur ses épaules l’attrait de la nouveauté qui rime avec Final Fantasy.

Première prise en main avec Final Fantasy VII Remake
Première prise en main avec Final Fantasy VII Remake

Une démo déjà bien connue

La version de démonstration disponible est la même que celle proposée sur les salons, à savoir le premier combat de boss du jeu contre le Scorpion gardien. Il s’agit donc de se “frayer un chemin” en abattant la menue résistance rencontrée, propice aux premiers tutoriels, avant de découvrir plus en profondeur le système de combat qui est la véritable star du contenu.

Et la star est fidèle au ressenti des vidéos. Le mélange d’action en temps réel avec la surcouche stratégique de la pause dynamique pour sélectionner soigneusement ses prochains mouvements donne lieu à des joutes très nerveuses et très souples, où la fluidité n’est entachée que par d’inévitables petits soucis de caméra ou de lisibilité (le prix de la démesure). L’équilibre entre action et réflexion semble avoir été trouvé avec cette recette, du moins en ce qui concerne les affrontements importants. Bien que balisé et résolument accessible, ce combat offre déjà à croire en un potentiel à laisser rêveur tout joueur revenant de ceux de Final Fantasy XV où la superficialité n’avait d’égale que l’illusion cosmétique des premières heures.

Si la revisite semble payante sur le plan ludique, la fidélité au matériau d’origine est évidemment une force pour le public vétéran qui redécouvre sous un nouvel angle ce  lieu connu aux sons familiers, et le déroulement d’un événement fondamental. C’est attendu et c’est très bien réalisé en ce qui concerne cette petite zone. Cette force a toutefois son pendant négatif : la découverte est une redécouverte, le système de jeu une amélioration (substantielle, certes) de ce que proposait FFXV et les nouveautés qui doivent contribuer à réitérer l’exploit de l’original sont encore difficiles à jauger.

Première prise en main avec Final Fantasy VII Remake
Première prise en main avec Final Fantasy VII Remake

Les limites de l’exercice

L’enthousiasme de ce premier contact ne balaye évidemment pas toutes les questions. Assurément loin d’être vilain, le rendu visuel laissait malgré tout un peu à désirer sur quelques aspects (d’autant plus que le jeu tournait sur une PS4 Pro). L’optimisation est un aspect logiquement traité en fin de développement, la bienveillance reste de mise sur ce point technique. Il reste dommage que dans un cadre assez restreint, Square Enix n’ait pas poussé le cran un peu au-dessus pour garantir une immersion plus qualitative (je pense surtout au rendu des cheveux, brouillon). Cela contribue paradoxalement à rendre le produit plus tangible et sa sortie palpable.

Les vraies limites à l’enthousiasme généralisé ont naturellement trait aux autres interrogations quant au déroulement d’une partie classique. L’exploration est réduite ici au strict minimum, et l’aspect narratif limité à des banalités ou des fulgurances décontextualisées. “Début du jeu oblige” plus que “démo oblige”, les enjeux sont encore flous et les textes ont davantage pour vocation de donner vie aux protagonistes qu’à leur donner du fond. C’est appréciable, bien sûr, et cela entre dans le cahier des charges d’un jeu contemporain du genre. La qualité de l’écriture, autre amélioration très attendue par rapport à l’original, ne peut donc pas encore être mesurée.

Il est à noter que Final Fantasy VII Remake proposera un doublage en français. Notre session a permis de se faire une petite idée du travail de doublage censé garantir un degré d’immersion supplémentaire pour le public francophone. C’est un plus indéniable qui permet de concentrer son attention sur le jeu en évitant les distractions textuelles, mais à l’image du reste de la démo, un avis solide sur sa qualité ne peut être forgé dans ce contexte.

 

Difficile de se prononcer à l’issue d’un essai aussi limité en contenu. Oui, la prise en main était agréable. Oui, les développeurs semblent avoir pris à cœur le concept de remake en faisant cohabiter l’ancien et le moderne. Oui, ce sera sûrement aussi agréable dans la mouture finale — même mieux sur le plan technique. Pour autant, l’ampleur du projet et ce qu’elle dit de l’état de la série reste perturbant.

L’objet est fascinant, le chantier est aussi massif que l’attention qui lui est portée. La gestation de Final Fantasy majeurs entraîne généralement un festival de sensations mettant souvent à mal la raison. Les choses ne sont pas fondamentalement différentes avec la réinvention du plus populaire de tous (le jeu auquel la série est bien souvent réduite), si ce n’est qu’elles sont exacerbées. La question de l’héritage et de la direction de la série se posent plus que jamais avec cette pause.

Outre l’embrassement d’une représentation plus organique du monde et du ludique plus ou moins dicté par l’époque (au demeurant une évolution positive), et même si la thématique écologiste ou les récits initiatiques pleins de fantaisie trouvent toujours un écho aujourd’hui, que veulent raconter les créatifs de plus en 2020 qu’en 1997 avec la même base ? Certes, les contes tournent souvent autour des mêmes questions, pour autant l’habillage qui fait la subtilité des nouvelles réponses est capital. C’est d’autant plus vrai pour une série qui a fait du renouveau, et non pas du recyclage, sa marque de fabrique.

Le cœur commande de succomber à la Réunion, mais la raison pleure une certaine défaite de la série alors que la première partie de Final Fantasy VII Remake (3 mars 2020 en exclusivité temporaire sur PlayStation 4) se concrétise devant nos yeux charmés, mais un peu embués.