Dissidia Final Fantasy NT : dissidence au sein de la même série

Des hommes et des dieux. Voici le postulat de départ pour symboliser des créatifs qui s’attaquent à l’élaboration d’un autel à des divinités à même de recevoir l’adoration des joueurs, adoration pour des mythes et légendes issues de Final Fantasy. Vaste entreprise que de lier en un jeu les essences de la série, et quoi de mieux qu’un nouveau cross-over guerrier pour rendre hommage aux combats qu’ils ont menés à nos côtés ?

Nouvel épisode dans la série dans la série qu’est celle de Dissidia, Dissidia Final Fantasy NT est une suite déroutante. Non, plus qu’une suite, c’est une vision complètement repensée de la formule initiée sur console portable et dédiée aux plaisirs solitaires. Dans la longue tradition de la série qui est faite de changements incessants, ce jeu de combat multijoueur en arène expose une vision réformée à la fois pour le meilleur et pour le pire.

Attention:

Cet avis ne prendra pas en compte la version PC.

Dissidia Final Fantasy NT : dissidence au sein de la même série
Dissidia Final Fantasy NT : dissidence au sein de la même série

(R)évolution : une stratégie qui se défend

Bravade

Compte tenu de l’histoire de la série, notamment du premier épisode qui s’était avéré étonnamment riche sur tous les tableaux (histoire, narration, gameplay, musiques), un épisode sur console de salon était fantasmé depuis ce jour-là avec tout ce que cela signifiait d’améliorations de fond et de forme dans un environnement débridé. La surprise fut donc totale lorsque Square Enix annonça que cet épisode « HD » se jouerait exclusivement dans les salles d’arcade japonaise jusqu’à ce que le contenu soit suffisant pour que le portage sur console de salon soit viable. La promesse était signée car la machine sur laquelle Dissidia Arcade tournait n’était autre qu’une PlayStation 4 modifiée pour les besoin de l’exploitation du jeu.

Il aura fallu attendre plus de deux ans pour que la promesse se concrétise avec l’arrivée d’une version gonflée grâce au suivi de la version originale et rebaptisée NT pour l’occasion, gage de l’inclusion d’un New Tale comme carotte (c’est à dire une nouvelle histoire et son mode associé, exclusif à cette édition).

Le plastique c’est chic

Pour la forme, il y a assez peu de choses à reprocher. Si les personnages donnent souvent l’impression de ressembler à des figurines en plastique, difficile de ne pas saluer la majorité du travail de modélisation et d’animation. Les visages d’Ace ou celui de Noctis, et surtout leur chevelure (détail capital dans la série), respirent le travail bien fait et respectueux de ces personnages charismatiques. De nombreuses subtilités permettent d’amener à la vie de façon crédible ces ambassadeurs venus du monde de l’imagination comme des animations faciales étudiées ou les dommages cosmétiques causés par les combats.

On peut émettre toutefois quelques réserves au sujet de quelques personnages, et plus globalement à propos d’une certaine rigidité dans les animations hors combat. Si le premier point peut être laissé à la libre appréciation de chacun, le deuxième est plus dommageable sur le plan ludique avec une maniabilité plus rigide qu’il n’y paraît de prime abord. Cette rigidité contribue à une lourdeur certaine du rythme des affrontements, faits de courses molles incessantes qui dénotent avec la violence des coups et des éjections.

Dissidia Final Fantasy NT : dissidence au sein de la même série
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À titre très personnel, je peste contre une direction artistique un peu décevante bien qu’assumée, ce qui est l’essentiel. Les rendus plastiques, l’interface utilisateur ou encore des choix musicaux désagréables ont eu tendance à m’agacer. Savoir Tetsuya Nomura assurer officiellement de nouveau la cohérence artistique, et savourer une synthèse de la série dans un écrin un peu vilain (mention spéciale à l’interface arcade immonde, heureusement repensée sur console), c’est un peu décevant.

Système de jeu profond et original

La partie visuelle est donc en grande partie réussie (du moins totalement assumée), bien qu’un effet de crénelage désagréable puisse gâcher quelques plans : c’est le prix d’une fluidité d’image nécessaire et généralement au rendez-vous. C’est la partie ludique qui inspira la crainte alors que les premiers détails autour de la version arcade étaient révélés.

Le gameplay est pensé pour des joutes entre deux équipes de trois joueurs, sur une durée assez limitée et les conditions de victoire imposent trois “morts” dans l’équipe adverse : on s’est vivement éloigné de la formule originale (plus classique avec ses duels en solitaire), ce qui est à la fois une preuve d’audace à saluer, et en même temps un opportunisme typé japonais réticent à l’export. Expliquer Dissidia NT puis y adhérer, ce n’est pas une mince affaire. La réponse du public a d’ailleurs été amère, le jeu étant une déception commerciale pour l’éditeur au lancement.

Dissidia Final Fantasy NT : dissidence au sein de la même série
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Si les personnages peuvent être personnalisés dans une certaine mesure, l’intérêt est contrairement aux précédents épisodes essentiellement cosmétique. Cela dit, la nuance que porte le terme “personnalisation” est importante à souligner ici. En effet, malgré une palette de coups qui apparaît initialement comme limitée et figée pour l’essentiel et pour la plupart des personnages, une marge de manœuvre certaine est offerte au joueur en fonction de ses affinités, de l’équipe formée ou du terrain (à l’étendue ou au dénivelé très variables). Ainsi, il est possible avec un même personnage, et en fonction des dynamiques que l’on veut privilégier (agressivité, défense, sécurité, gêne) d’emprunter différentes voies ludiques et de maximiser le plaisir de jeu en brisant la monotonie de l’utilisation d’un personnage fétiche.

En effet, la sélection de deux compétences EX communes, fonctionnant comme des altérations d’état positives ou négatives à taux de recharge variable, sera un moyen de renverser la vapeur ou d’asseoir la suprématie de votre équipe en affligeant l’ennemi de perte régulière de points de bravoure, de baisses de statistiques diverses (vitesse, résistance, force) ou d’entrave physique (aspiration vers une zone, déplacements impossibles), ou au contraire de soin et autres bonus d’état pour vous et vos alliés. Voilà qui rappelle le fonctionnement d’un JRPG classique !

La progression est aussi très différente dans ce Dissidia, moins orienté RPG que ses prédécesseurs. Il y a certes des choses à débloquer comme des techniques ou de nouvelles répliques à force d’engranger de l’expérience en combat, quand d’autres objets de personnalisation (costumes, avatars de joueur ou musiques) se gagnent en trésors ou en échange de gils dans la boutique, mais l’essentiel s’acquiert rapidement afin de mettre les joueurs sur un pied d’égalité. Les qualités de stratège bien plus que la capacité à accumuler des objets virtuels consacreront les meilleurs. Cette évolution est parfaitement louable. Après tout, une sensation de trop-plein pouvait se faire sentir sur PSP avec l’acquisition constante d’objets dispensables ou l’utilisation de consommables pour des combats finalement peu stratégiques.

Du contenu sur la durée, le plaisir renouvelé ?

Logiquement inspiré par la dynamique du jeu qui lui a donné naissance sur arcade, l’avenir du jeu semblait assez pérenne. Un Season Pass hors de prix garantissait l’arrivée d’au moins six nouveaux personnages avec qui mener la guerre, et des correctifs et autres ajouts réguliers ponctueraient le cycle de vie du jeu sur les deux plateformes. Le bon côté, c’est que le taux d’adhésion a dû être suffisant pour inciter les développeurs à poursuivre les ajouts une fois les six guerriers promis livrés. Le mauvais réside dans la tarification abusive et l’embrassement d’une certaine production superficielle axée sur le fan service, faisant en un sens payer les joueurs ayant répondu à l’appel pour l’absence des autres.

1/10
Dissidia Final Fantasy NT : dissidence au sein de la même série
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Malheureusement, des choix de game design brutaux pour le joueur occidental et une publicité discrète ont fait beaucoup de mal à un jeu en mal de popularité avant même sa sortie. On déplore une base active très effritée depuis le lancement, une catastrophe pour une expérience qui capitalise sur le jeu en ligne et donc une population dynamique. Il fallait attendre longtemps dès les débuts avant de trouver des alliés et des adversaires en ligne, avant que de dépit le système ne nous propose de jouer contre l’ordinateur. Ce point est resté en grande partie d’actualité. Voici qui est problématique car plus que le déplaisir de jouer contre plusieurs machines, le principe de coopération entre les trois joueurs d’une même équipe vole en éclat alors que la mise en place d’une stratégie organique est impossible. Le jeu prend bien sûr tout son sens quand on réunit des amis, que ce soit pour des duels singuliers ou des affrontements en équipe. Sur ce point, j’ai redécouvert un plaisir de jeu indiscutable.

Après un lancement officiellement décevant et officieusement catastrophique, on attendait que SQEX réagisse pour rectifier le tir et sauver une proposition ludique tout sauf inintéressante mais obscurcie par une pédagogie mal amenée. Cependant des pratiques commerciales douteuses, à l’image du DLC du DLC pour obtenir le second costume des personnages additionnels (fort chers à l’unité) ont esquissé un avenir de plus en plus incertain tandis que l’entreprise montrait son incapacité à rectifier le tir et à montrer un peu “de bonne volonté”.

Dissidia Final Fantasy NT : dissidence au sein de la même sérieUn an après la parution de l’édition console, une version gratuite avec rotation des personnages disponibles et transactions optionnelles a fini par pointer le bout de son nez. La seconde chance pour NT de briller est bien arrivée, en plus du portage PC. Cependant, le mal ayant été fait : l’intérêt du jeu pour le grand public se résume à suivre l’actualité autour des nouveaux personnages tandis que les conquis devront toujours lutter contre l’absence de joueurs et les latences en ligne pour grappiller un peu de joie entre deux matches avec 5 amis qu’on aurait réussi à réunir.

Histoire : guerre et épées

Sans avoir ému les foules en dehors de la prouesse d’avoir réuni les idoles de FF dans un seul jeu décomplexé, l’histoire de la saga Dissidia est pourtant un tout autonome et très travaillé. Dotée de son propre univers qui prend appui sur l’héritage du tout premier Final Fantasy, l’épopée se veut à la fois accessible par sa binarité narrative (les gentils contre les méchants) et complexe une fois que l’on creuse les enjeux qui ont donné naissance à ce conflit divin.

L’histoire est en réalité moins binaire qu’escomptée, et malgré la molle narration c’est un aspect qui ressort concrètement et qui culmine avec la séquence finale. Il n’en demeure pas moins que derrière la bonne attention, elle reste simpliste, courte, souvent pénible et souvent mal mise en scène quand cette dernière n’est pas absente. D’une durée en apparence décente à cause de la dizaine à vingtaine d’heures nécessaires pour jouer en parallèle aux modes qui permettront de débloquer les clefs pour déverrouiller les séquences, on note qu’en soi l’arborescence de ce mode est minuscule et que la sensation de progression est quasiment absente malgré quelques bonnes idées (l’arrivée de Noctis pour accompagner le nouveau joueur, l’intrigue autour du véritable fléau, la fin).

Dissidia Final Fantasy NT : dissidence au sein de la même série
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Disciple dissident : une vision qui tranche à défaut de réunir

La prise en main plutôt intuitive d’antan, et fondamentalement simpliste et plus brute, disparaît au profit d’un jeu plus exigeant. Non pas que ce soit une mauvaise chose dans le fond, Dissidia et Dissidia 012 pouvaient vite tourner en rond si la pléthore d’objets et accessoires à débloquer n’intéressaient pas le joueur. De même le jeu de course-poursuite et d’esquive était méchamment redondant, et sa disparition dans un NT plus subtil, et donc moins tolérant des jeux de hasard, est la preuve d’une volonté d’extirper la vieille formule d’un carcan finalement assez limité et faire monter d’un cran le prestige ludique.

Dissidia Final Fantasy NT : dissidence au sein de la même série
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Mais cette quête de gloire s’est faite au risque de s’aliéner la base de fans d’alors et les fans de Final Fantasy en général. La séduction du joueur lambda étant un parcours semé d’embûches ; casting complexe à s’approprier en raison gameplay unique très particulier, faible rayonnement communautaire ; les interrogations se sont accumulées avant même la sortie du jeu et il est délicat de donner tort à la plupart des détracteurs deux ans après, et ce même s’il est possible d’éprouver un plaisir non dissimulable quand les conditions sont remplies.

Temps de jeu pour creuser, environ 100h.
Temps actuel 460h.
Trophée platine obtenu.
Je remercie SQEX de m’avoir fourni gracieusement un exemplaire dématérialisé.

6/10

Dissidia Final Fantasy NT n'est probablement pas le spin-off ultime tel que prophétisé dans les légendes car une certaine dégradation de la qualité de la vision est évidente, en dépit d’un système de jeu original et plus profond qu’il n’y paraît. À privilégier une structure quasi-exclusivement tournée vers le jeu en équipe pour épouser les modes de l'industrie, le risque de s'aliéner les potentiels joueurs en quête d'une expérience plus solitaire dans la veine des épisodes fondateurs était prévisible.

Les développeurs se sont donc sentis obligés de construire une structure factice pour légitimer la version console en sus de l'originale qui sévit dans les salles d'arcade japonaises.
Les joueurs le désiraient puisque c’était un élément présent sur PSP (malgré une qualité pourtant critiquée) mais le résultat est trop superficiel, et une concentration accrue sur la partie ludique aurait probablement été préférable au lieu de sacrifier les deux pans de l’expérience pour le public visé. En définitive, il aurait probablement été plus efficace de suivre plus franchement la direction complètement arcade tout en diversifiant l’approche pour séduire les joueurs plus classiques, ceux qui étaient techniquement invités au combat.

Des qualités indéniables mais presque systématiquement abîmées par un manque d’équilibre accouchent d'un jeu amusant, joli, qui occupera quelques heures les curieux et hantera les autres face à ce qui ressemble à un rendez-vous manqué. Dissidia NT est une vitrine qui ne fera illusion qu'en fonction de votre faiblesse face à l'appel du fan-service, et ensuite en fonction des connaissances que vous pourriez inviter.

Décidément, entre des produits dérivés hors sujet et une absence de productions d'envergure, le trentième anniversaire de la série aura eu bien dû mal à se distinguer.

Dreams

  • Joli et fluide
  • Profondeur du système de jeu
  • Marge de progression gratifiante
  • Des personnages uniques aux compétences travaillées
  • La cinématique de fin en CGI pour fêter l'anniversaire de la série

Nightmares

  • Système de jeu plutôt opaque
  • Mal repensé pour l’Occident
  • Assez peu dédié aux fans classiques de FF et plus aux fans de jeux compétitifs
  • Manque de modes de jeu
  • Jeu en ligne mal pensé
  • Indécence de la politique tarifaire de SQEX