Délivrance. Final Fantasy Type-0 arrive enfin chez nous après plusieurs années d’incertitudes. Porté courageusement par l’opération Suzaku, et les supplications des fans occidentaux, Type-0 nous revient par le biais d’une remasterisation HD confiée au studio Hexadrive. C’est sans ambages que son réalisateur, Hajime Tabata, confiait à la presse ses envies d’occident, mais aussi son impuissance face à la demande. D’abord prévu sur mobiles, avant d’atterrir sur PSP, le jeu ne sortira qu’en 2011 au Japon, soit cinq ans après son annonce à l’E3 2006. La situation de la portable de Sony en occident commençait à se dégrader, tellement que Square Enix confina la classe Zéro à ses barrières insulaires. A l’E3 2014, Square Enix annonce le titre sur PS4 et XboxOne en toute discrétion avant de lancer la campagne de communication au Tokyo Game Show 2014. Une campagne éclair de sept petits mois, mais particulièrement intense. Le titre se dévoile alors en compagnie de Final Fantasy XV, et de sa démo jouable, un atout charme sur lequel l’éditeur capitalisera beaucoup, au risque d’éclipser le titre qui nous intéresse aujourd’hui…

We have arrived

Depuis sa sortie japonaise, Final Fantasy Type-0 jouit d’une aura toute particulière. Si la frustration liée à l’absence de localisation, même anglaise, a alimenté l’envie, ce sont surtout les qualités inrinsèques du titre qui ont fait grand bruit. Ce spin-off issu de la mythologie Fabula Nova Crystallis est bien plus qu’une énième déclinaison de la série puisque FF Type-0 se pose en véritable alternative des opus numérotés. Il délaisse le tour par tour au profit d’un système orienté vers l’action, mais s’illustre aussi grâce à son imagerie volontairement provocante. L’introduction provoque immanquablement l’indignation, et si la surenchère d’hémoglobine interroge parfois, elle permet à Type-0 de se libérer des figures archétypales pour mieux imposer son style. « Un nouveau genre de Final Fantasy« , un argument évidemment marketing, mais qui prend tout son sens une fois l’introduction lancée.

Final Fantasy Type-0 HD, le (vrai) chant de cygne de Fabula Nova Crystallis
Final Fantasy Type-0 HD, le (vrai) chant de cygne de Fabula Nova Crystallis

Les fans de la trilogie XIII retrouveront une terminologie familière, mais la thématique du cristal est ici traitée de manière complètement différente. La notion du deuil et du souvenir des êtres chers est au cœur du scénario, et l’histoire gravite autour d’un univers miné par ses querelles politiques. A ce titre, les premiers échanges sont plutôt insipides tant ils fourmillent de détails et font référence à des éléments encore inconnus. La narration du titre s’apparente quant à elle un documentaire historique faisant état des forces militaires en présence. Bien que perturbant au premier abord, ce procédé renforce finalement l’immersion et la sensation de réalisme. On finit par se prendre au jeu et à se passionner pour les conflits qui minent l’équilibre d’Orience.

Tempus Finis

Durant l’introduction, la région de Rubrum essuie de lourdes pertes consécutives à la neutralisation des pouvoirs de son cristal. Alors fragilisé, le dominion subit les assauts impitoyables de l’empire Milites l’obligeant à recourir à son unité d’élite, la classe Zéro. Ce sont justement ces quatorze soldats que le titre vous invite à enrôler. C’est principalement au cœur de leur école que vous pourrez en apprendre plus sur chacun d’eux. Le scénario se focalise quant à lui très vite sur Rem et Machina, deux jeunes recrues un peu à part dans la bande, et promis à un destin tumultueux. Bien que sous-exploité sur le plan scénaristique, l’ensemble du groupe est surtout la promesse d’un gameplay éminemment riche et varié. Ces quatorze élèves surentraînés disposent tous de styles bien distincts au combat. Du plus loufoque (Deuce et sa flûte) au plus spontané (Eight et ses poings), vous serez à même de composer un trio séant parfaitement à vos aspirations.

Final Fantasy Type-0 HD, le (vrai) chant de cygne de Fabula Nova Crystallis
Final Fantasy Type-0 HD, le (vrai) chant de cygne de Fabula Nova Crystallis

Le gameplay s’articule autour de missions entrecoupées de quartiers libres, plus ou moins longs, et durant lesquels vous pouvez approfondir vos relations avec les membres de l’académie, ou découvrir les secrets d’Orience en parcourant la mappemonde. Avant chaque mission, il fait choisir son trio et les réservistes à même de les seconder en cas de coup dur. Si l’un de vos protagonistes tombe au combat, il faudra impérativement le remplacer puisqu’il ne retrouvera ses esprits qu’une fois la mission achevée. C’est un concept impitoyable mais ingénieux, et qui oblige à réfléchir avant d’envoyer ses personnages au casse-pipe. De même que le système d’invocation vous oblige à sacrifier l’un des personnages pour la mission entière. Cette notion de sacrifice est à prendre en compte dans le jeu tout entier, et certains pics de difficulté vous rappelleront la nature impitoyable de vos adversaires ! A cet égard, et suite aux retours des joueurs japonais, Type-0 HD introduit un mode Facile destiné aux joueurs qui manquent de dextérité dans les A-RPG. Nous espérons qu’aucun d’entre vous n’y aura recours, car la satisfaction d’avoir pu terrasser de puissants ennemis fait tout le sel des affrontements. A contrario, les amoureux de challenge pourront se frotter à un mode difficile (qui l’est vraiment, pour le coup), et même à un ultime mode de difficulté à débloquer pour votre second run. Un mode New Game + passionnant et qui vous confrontera aux véritables défis du jeu pour qui souhaite prolonger l’expérience.

War: Unseen Peace

Les joutes sont dynamisées par plusieurs trouvailles très ingénieuses et qui incitent à ne pas relâcher votre vigilance. A commencer par les marques critiques/fatales qui apparaissent lorsque l’ennemi devient vulnérable. Certains adversaires, et notamment les boss, se révèlent redoutables et incroyablement robustes, c’est donc une chance inespérée pour renverser la situation. Si certains protagonistes réagissent au doigt et à l’œil, d’autres subissent une pénible inertie qu’il faudra sérieusement considérer. De nombreux outils de personnalisation vous permettront de faire monter en puissance vos protagonistes, notamment par le biais du Cristarium. Un notion empruntée à Final Fantasy XIII, mais qui se matérialise ici sous une forme complètement inédite. Vous récolterez de l’anima sur le corps de vos défunts adversaires, une énergie vitale qui vous permettra d’améliorer la puissance et la portée de vos sorts. Chacun des protagonistes dispose de compétences uniques qui feront la différence, et orienteront naturellement vos préférences au combat. Que vous favorisiez le fun avec Machina et ses rapières formant des vrilles imparables, ou King et ses charges explosives,vous pourrez renouveler le plaisir en vous intéressant à tous les personnages. Le titre compte aussi quelques phases de jeu un peu à part. Nous pensons notamment aux affrontements stratégiques sur la carte où vous devrez défendre votre territoire et récupérer ceux annexés par l’ennemi. Si leur exécution laisse parfois à désirer (la faute à une interface austère, et une mise en scène peu motivante), elles ont le mérite d’être complètement scénarisées et de nous plonger au cœur du conflit géopolitique autrement que par les cut-scènes.

Final Fantasy Type-0 HD, le (vrai) chant de cygne de Fabula Nova Crystallis
Final Fantasy Type-0 HD, le (vrai) chant de cygne de Fabula Nova Crystallis

Décrire cette remasterisation revient aussi à apprécier les apports et ajustements opérés pour le compte de cette version HD. Porter un titre PSP vers la nouvelle génération est un pari très déconcertant, et si Final Fantasy Type-0 profitait d’une réalisation flamboyante sur PSP, il prend le risque d’altérer grandement son aura en débarquant sur nos grands écrans. Comme vu plus haut, SQEX a confié cette remasterisation HD aux bons soins d’Hexadrive (connus pour leur remake d’Okami, ou la version HD de Final Fantasy X/X-2). Cette sous-traitance a permis de retravailler soigneusement les quatorze membres de la classé Zéro. Bien plus attachants, nous apprécions les efforts consentis pour les rendre plus vivants par le biais de nouvelles animations crédibles. On aurait apprécié que l’éditeur s’aventure un peu plus loin, en travaillant sur la synchronisation labiale par exemple. L’inconvénient est que leur nouvelle allure détonne parfois avec les PNJ qui auraient pourtant mérité un sérieux ravalement de façade. De nombreux artifices visuels viennent aussi égayer les affrontements avec un joli travail réalisé sur les jeux de lumière, et les effets de sort. Type-0 en profite également pour se détacher du filtre visuel rougeâtre qui lui collait à la peau pour épouser une imagerie beaucoup plus photo-réaliste tout en contrastes. C’est une décision voulue et revendiquée par Hajime Tabata qui souhaitait retranscrire avec plus de justesse la violence des affrontements. Ce choix est finalement très judicieux puisqu’il permet de maintenir un bon niveau d’immersion et d’oublier quelques instants les affres d’une technique datée. Si les yeux se focalisent d’abord sur ces graphismes démodés, l’intérêt se focalise rapidement sur l’intensité des combats (qui n’ont rien perdu de leur dynamisme, au contraire), et sur la mise en scène allant crescendo au fil de la progression.

Crystal Guide Us

La pertinence de ce portage reposait également pour beaucoup sur la capacité de Square Enix à transformer cette expérience portable en une aventure tout aussi probante sur consoles de salon. Depuis septembre dernier, les inquiétudes se sont cristallisées autour de la caméra. Déjà problématique sur PSP, ses failles se faisaient d’autant plus sentir sur nos téléviseurs. Tabata-san s’est voulu rassurant, et a demandé à ses équipes de la repenser complètement suite aux retours afin qu’elle suive plus naturellement l’action. Beaucoup plus éloignée des protagonistes qu’elle ne l’était sur PSP, elle est encore prise en défaut lorsque vous combattez dans des espaces restreints. Avec le temps, on finit par l’apprivoiser, et à stopper sa course folle quand les ennemis se font trop nombreux. Elle risque néanmoins de crisper les joueurs moins patients qui supporteront mal ses errances. Enfin, quelques mots sur la construction du jeu et son level-design pensés pour la PSP et composés de petites arènes entrecoupées de temps de chargement. On croit d’abord régresser quand les ennemis trépassent sans broncher, et qu’il faut déjà se diriger dans le pièce suivante, mais les derniers chapitres mettront vos nerfs à rude épreuve. Ces intermèdes permettent alors de souffler quelques instants, c’est d’autant plus appréciable que les temps de chargement ont été drastiquement réduits.

Notez qu’en marge de cette critique, vous pouvez retrouver notre test de la version PSP publié en 2013 à cette adresse. Celui-ci revient plus largement sur les mécaniques de gameplay et s’inscrit dans un contexte complètement différent.

8/10

Au fond, la véritable question à se poser est de savoir si Final Fantasy Type-0 a su traverser les années sans rien perdre de sa fraîcheur. En débarquant avec aplomb sur consoles next-gen, Type-0 se confronte de plein fouet à une ère inédite où l'open world devient la nouvelle terre promise du RPG, et où la critique inspecte chaque production avec une obsession presque chirurgicale. Tout est une histoire de point de vue, et d'angle. Il serait facile de conspuer Type-0 HD en s'en tenant à sa plastique, en fustigeant son level-design trop étriqué, et en s'offusquant de ses parti-pris. Bien qu'affaibli sur le plan technique, le soft n'a pourtant rien perdu de sa dimension émotionnelle et il nous confronte à des situations indicibles. Avec ce spin-off, la saga Final Fantasy accueille un nouveau rejeton profondément rebelle mais fascinant. Si la critique francophone a fait le choix d'une vision assez parcellaire, espérons que les joueurs feront preuve d'une plus belle ouverture d'esprit. En définitive, une production envoûtante qui n'a rien perdu de sa valeur.

Dreams

  • Imagerie guerrière et sans concession
  • Une vision alternative et pertinente de Fabula Nova Crystallis
  • Un titre généreux à tant d'égards
  • Utakata
  • Le meilleur jeu d'Hajime Tabata

Nightmares

  • Un casting forcément sous-exploité
  • Une remasterisation moins flamboyante qu'espérée